L’heure des priorités

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Je l’ai évoqué dans le compte rendu du rendez-vous sandwich… j’ai trouvé la semaine difficile pour le moral politique.

Surtout parce que j’ai l’impression qu’on s’enlise trop souvent dans des débats très secondaires par rapport aux enjeux qui m’apparaissent les plus déterminants pour l’avenir de notre société.

La prochaine élection arrive à grands pas… et je commence à avoir peur qu’on n’ait pas le temps de poser clairement les enjeux qui devraient être au cœur de ce rendez-vous important de notre vie démocratique. Parce qu’on se laisse distraire par l’actualité, par la joute parlementaire et par des stratégies qui sont trop souvent motivées par des intérêts strictement partisans.

Je pense qu’il va falloir trouver le moyen de rehausser rapidement le niveau et le rythme du débat politique de plusieurs crans. Notamment en clarifiant ce qui nous apparaît essentiel à ce moment clé de l’histoire de notre société.

Je pense que tous les partis politiques devraient faire l’exercice de clarifier publiquement les deux ou trois idées phares qui sont au cœur de leurs propositions et qui guident leurs actions. Pas dix choses! Trois, quatre, peut-être cinq. Pas plus! Et pas une énumération de mesures même ambitieuses: de véritables priorités, autour desquelles tout le reste devrait prendre forme.

Alors, question de donner l’exemple et de favoriser un échange dans les prochains jours, je me lance en proposant ce qui me semble constituer les trois priorités absolues aujourd’hui pour le Québec. Ce sont des priorités que je souhaiterais évidemment voir portées avec plus de clarté et de vigueur par le parti dans lequel je milite.

La réforme du système électoral: c’est à mon avis l’engagement le plus essentiel qu’on doit prendre aujourd’hui. Parce que le système actuel ne permet plus de rendre compte adéquatement de la réalité démocratique et que cela corrompt l’ensemble des débats sociaux.

Le système électoral uninominal à un tour ne fonctionne bien que dans un contexte de bipartisme… ce qui n’est pas le cas au Québec depuis de nombreuses années et qui a bien peu de chance de changer dans un horizon prévisible. Il faut prendre acte, et adapter le système pour qu’il puisse rendre compte de la diversité accrue des opinions dans la population.

Une transformation active et rapide de notre économie en faveur de l’économie circulaireCela qui implique un préjugé favorable aux énergies renouvelables, une décentralisation de nombreux pouvoirs vers les régions et une gestion beaucoup plus équitable de l’aide financière accordée par l’État (2600 prêts, subventions ou investissements de 500 000$, dans autant d’entreprises, seront toujours préférables à une intervention, de 1,3 milliard, dans une seule entreprise, par exemple).

Cela créerait du même coup un contexte beaucoup plus favorable à la prise en compte des enjeux associés à l’automatisation et la robotisation des processus industriels, notamment.

L’éducation, zone prioritaire d’innovation et d’investissement. Il ne s’agit pas seulement de mieux financer le réseau scolaire, il faut aussi le transformer, en profondeur, de manière à tenir compte du contexte qui a beaucoup changé depuis le Rapport Parent, qui lui a donné forme dans les années 1960.

Il faut augmenter les investissements publics dans toutes les formes d’éducation (pas seulement dans le système scolaire!) et le faire sur la base d’un principe essentiel: il faut rendre le système beaucoup plus souple pour s’adapter aux besoins des citoyens, à tous les âges.

Au vingt et unième siècle, une société en santé c’est une société où tout le monde profite de conditions favorables pour apprendre quelque chose tous les jours. C’est cette idée qui devrait guider l’utilisation de l’argent public en éducation.

***

Ce sont les trois principes qui sont, pour moi, absolument fondamentaux. Sur tout le reste, je suis prêt à faire beaucoup de compromis. Et même de gros compromis. Parce que je sens l’urgence de sortir de l’impasse démocratique dans laquelle nous sommes embourbés depuis plusieurs années — et dont je redoute de plus en plus les conséquences si on ne s’en sort pas très rapidement.

Et vous, quels sont les éléments auxquels il faudrait consacrer nos énergies de façon prioritaire d’ici l’élection de 2018?

5 réflexions sur “L’heure des priorités

  1. Bonjour Clément,

    Il y a des jours où le printemps tarde à venir pour régénérer notre énergie…

    Ton ambition de voir les citoyens et nos politiciens se concentrer sur 3 ou 5 priorités est légitime. Le problème c’est que dans une société évoluée comme la nôtre, chacun des citoyens a ses priorités ce qui rend la tâche assez complexe à nos politiciens.

    Malgré tout, admettons que ta priorité no 1, la réforme du système électorale, fait déjà l’unanimité chez les indépendantistes. Cela devrait motiver tous ceux qui rêvent qu’un changement en profondeur de notre système. Convenons aussi que c’est une des meilleures motivations pour regrouper ceux qui souhaitent sortir du pouvoir ceux qui bénéficient du système actuel.

    Pour ce qui est de ta priorité no 2, je propose de nous rallier à « l’indépendance économique » qui inclus l’économie circulaire mais qui comprend aussi une diminution significative de nos importations.
    Depuis 50 ans, nos yeux sont tournés vers la valeur de nos exportations. C’est bien, mais cela exige de convaincre un tiers d’acheter nos produits et services.
    Par opposition, nous n’avons pas besoin de convaincre des gens hors Québec pour réduire nous importations. Nous avons une assez grande autonomie de décision sur cet aspect. Et tout 1$ de moins d’importation équivaut à 1$ d’exportation supplémentaire.
    Attention, je ne traite pas ici de replis sur soi, de fermeture sur le monde.
    Je crois que dorénavant, en tenant compte de l’empreinte environnementale, tous nos légumes et petits fruits devraient être cultivé au Québec. Nous avons les 3 éléments requis : la terre, l’eau et la chaleur (électricité ou biomasse forestière).
    Nous devrions aussi réduire nos importations de produits pétroliers qui depuis peu proviennent presqu’uniquement des USA (Dakota). Le passage au transport en commun et aux véhicules électriques nous le permet. Nous l’avons fait pour le chauffage, poussons la recette un pas plus loin.
    Donnons-nous un indicateur de performance clair sur cet aspect (diminution de nos importations) et développons des mesures appropriées pour obtenir des résultats tangibles.
    Pour ce qui est des exportations, cessons les exportations de matière première et exigeons que ces dernières soient transformées au Québec avant d’être exportées.
    Enfin, importons des clients et non des biens. En Allemagne et à Cuba plus de 10% des soins de santé sont fournis à des « gens d’ailleurs ». Nos services en santé sont de haut niveau (je ne parle pas de l’accès) ; alors donnons une ouverture à nos médecins entrepreneurs… de facturer à des non-Québécois et cessons de contingenter nos universités. Toute une industrie pourra se développer autour de cette nouvelle grappe et les soins offerts aux Québécois jouiront des avancés techniques et technologiques que cette grappe générera.

    Tant qu’à ta priorité no 3, elle est incontestable. Le problème ce n’est pas de faire consensus sur l’importance de l’éducation mais bien de réinventer (comme M. Paul Gérin Lajoie la fait) notre façon d’aborder ce dossier. Nous devons cesser de penser en termes de jeunes à former pour passer en terme de citoyens apprenants tout au long de sa vie. Notre système d’éducation doit supporter les gens dans la migration de leurs connaissances afin qu’une femme de ménage en hôtellerie puisse devenir préposée aux soins ou qu’un livreur de pizza puisse devenir guide dans un musé.

    L’avenir nous appartient, à nous de le concevoir et de la construire.

  2. Un système de justice qui fonctionne. L’impunité qui règne ici est malsaine. Nathalie Normandeau et Marc-Yvan vont maintenant bénéficier d’un arrêt de procédure sous prétexte du bordel de leur dossier…

  3. Clément,

    Je partage complètement ton malaise concernant les éléments de distraction qui s’infiltrent, semaine après semaine, dans le débat politique.Et qui varient également de semaine en semaine. Les occasions de déchirer sa chemise ne manquent pas et tous en profitent. Occasions que ne laissent pas passer les porte-parole officiels des partis de l’opposition, qui n’en ratent jamais une dès qu’ils passent devant un micro. C’est toujours une façon de se faire une belle jambe et de demeurer dans le clip du soir. Comme si les citoyens n’étaient pas capables de comprendre un message intelligent, de bon niveau, et rendu dans une langue correcte. De sorte que l’on ne distingue plus la « saveur de la semaine » de l’essentiel. À ce chapitre, il me semble que les chefs de partis de l’opposition auraient avantage à réserver leurs réactions aux messages centraux tout en laissant aux porte-parole officiels le soin de la quotidienneté.

    Si on en venait à l’essentiel de ton message qui propose de s’en tenir à quelques priorités. J’ai ici encore un malaise. Un parti qui aspire à diriger un gouvernement ne peut se limiter à trois ou quatre priorités. Il y a trop à faire. Ce qui m’a confirmé dans cette position, c’est cet article de Pierre Trudel dans Le Devoir de ce matin (http://www.ledevoir.com/societe/justice/496550/la-justice-n-est-pas-une-priorite). La transformation que doit opérer le Québec, c’est dans tous les domaines. Et la Justice, à ce chapitre est aussi importante que l’Éducation, la Culture, l’Économie, la Santé, les Services aux citoyens jeunes et aînés, l’Immigration et l’insertion des nouveaux arrivants, l’Environnement, le Transport,… .

    Les Québécois doivent prendre conscience de trois ou quatre priorités, mais dans chaque secteur.

    Ce n’est pas le gouvernement d’une personne que le Québec a besoin, c’est le Gouvernement d’une équipe qui travaille ensemble. Et il est grand temps de le ressentir dans les messages d’un vrai chef de parti. Et qu’on élève le débat à un niveau de dignité exemplaire.

  4. @Richard: je suis d’accord avec l’idée de réduire les importations… mais il va falloir présenter ça de façon plus stimulante je pense si on veut que les gens y adhèrent.

    @Thomas: la justice est évidemment un enjeu clé, essentiel même! Je m’étais imposé une liste de trois priorités, mais si j’en avais retenu quatre ou cinq, je l’aurais probablement ajouté.

    @Vincent: merci de me confirmer que je ne suis pas le seul à m’inquiéter des distractions auxquels on ne semble pas pouvoir résister, et de la dispersion qui s’en dégage.

    Pour ce qui concerne le nombre de priorités (préoccupation partagée par Richard) je précise qu’établir des priorités ne veut pas dire que tout le reste n’est pas important.

    Ce que je plaide, c’est que dans l’environnement médiatique dans lequel on se trouve, vouloir tout mettre sur un même pied, parler de tout avec la même importance, c’est courir le risque de ne pas être entendu… tout se fond dans le bruit, les gens nous entendent sur une chose, sur autre chose le lendemain… il ne semble pas y avoir de fil conducteur, rien de plus important que le reste. C’est comme ça qu’on devient inaudible… et qu’on laisse la place aux populistes qui obtiendront toute l’attention.

    C’est pour cela que, malgré vos réserves, je continue de penser qu’il faudra qu’on identifie nos priorités — c’est à dire ce qui servira de colonne vertébrale à l’ensemble de nos prises de positions et de nos interventions.

    Si on demande à trente personnes quelles sont les idées phares du Parti Québécois et qu’on obtient autant de réponses qu’il y a de répondants… c’est qu’on n’aura pas réussi… et je pense qu’on ne pourra pas gagner dans ces conditions.

    Il va falloir choisir. Accepter de mettre des choses au premier plan et d’autres au second plan (même si elles restent importantes).

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