Est-ce qu’on doit avoir une opinion sur tout? Mathieu Charlebois pense que non. Je le pense aussi.
Est-ce qu’un parti politique doit avoir une opinion sur tout? Je pense que non. Michael Wernstedt le pense aussi.
Michael Wernstedt, c’est le co-fondateur d’un nouveau parti politique suédois, l’Initiative, que le New Yorker m’a récemment fait découvrir.
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que l’Initiative a été lancé sans avoir de programme politique précis — du moins au sens où on l’entend généralement. Les fondements du parti se limitent plutôt à deux courtes listes:
Une liste de six valeurs: courage, ouverture, compassion, optimisme, co-création et dynamisme (actionability).
Et une liste de trois enjeux jugés critiques: la crise de confiance dans la démocratie, la crise environnementale et la crise de la santé mentale.
C’est seulement dans l’action que le parti sera amené à formuler des propositions de manière à répondre aux trois crises, dans le respect des six valeurs fondatrices. Chacune des propositions devra donc pouvoir être expliquée en fonction de ces neufs éléments essentiels.
Les fondateurs de l’Initiative suédoise (et de l’Initiative danoise) s’inspirent largement des travaux de Emil Ejner Friis et Daniel Görtz, qui publient ensemble depuis quelques années sous le pseudonyme d’Hanzi Freinacht — un philosophe, historien et sociologue imaginaire qui vivrait reclus dans les Alpes suisses.
Pour Freinacht, à notre époque un parti politique ne devrait plus prétendre dire aux gens ce qui est bon et ce qui est mal pour eux. Un parti politique devrait plutôt être perçu un véhicule pour porter leurs besoins et leurs désirs.
C’est ce qui lui fait dire qu’un parti ne devrait plus se déployer autour d’un programme précis («it’s a party about nothing») mais plutôt s’appuyer sur l’acceptation par ses membres d’un processus délibératif continu qui s’appuie sur de courtes listes de valeurs et de priorités.
Freinacht nous invite à repenser également le rôle de l’état, qui, aujourd’hui devrait non seulement être de répondre aux besoins essentiels de la population (à la manière de l’état providence) mais également tout mettre en oeuvre pour être concrètement à l’écoute des citoyens (aspirer à être une «listening society»).
Je ne sais pas ce que vous en pensez. Moi, j’aime plutôt ça.
Beaucoup même.
Cette pensée rejoint celle que j’exprime en privé depuis un certain temps. On entend souvent « je n’ai pas voté pour ça ». En fait, on vote toujours pour des valeurs et des priorités. Valeurs humanistes ou comptables, court terme ou durable, loi et ordre ou rehabilitation et ouverture…
Pour ma part, je ne connais pas les enjeux qui se poseront au gouvernement d’ici 2022, mais je sais que ma grille d’analyse est celle des 16 principes du développement durable avec laquelle je sers et conseille le gouvernement depuis l’adoption de la loi du même nom en 2006.
Intéressant. Un gouvernement plus agile, plus rapide et avec moins de long débat pour changer un verbe ou une virgule dans un document de 200 pages… Pour en arriver à ça, il faudrait probablement une plus grande part accordée aux technologies et évidemment, une volonté de changement!
Des valeurs, c’est bien beau,mais à peu près tout le monde peut affirmer partager les mêmes. Ce sont les manifestations de ses valeurs qui comptent. Comme disent les anglos, the devil is in the details.
Au début, j’ai accroché avec le nom du parti dans ton article : « L’Alternative ». Comme LA seule. En lisant l’article du New Yorker, j’ai vu que le parti suédois s’appelle « L’initiative ». Celui-là, je l’aimé pas mal plus.
Les membres de L’initiative se sont lancés comme parti sans programme, c’est vrai, mais ils sont en train de préparer des ateliers pour élaborer un programme qui va être encadré dans leurs valeurs pour répondre aux trois principaux enjeux de leur société. Je pense que ça prend un programme, malgré que la majorité des électeurs, malheureusement, ne s’en informent pas avant d’aller voter. À mon avis, vouloir être au gouvernement sans programme, c’est de l’improvisation. Je suis d’accord avec l’idée que le programme de départ doit être flexible pour s’adapter aux changements.
J’aime beaucoup l’idée de « listening society ». Je pense que tout le monde devrait participer à la vie politique pour l’enrichir et que la raison d’être des élus et, à la base, d’écouter et d’observer les besoins des citoyens pour trouver des solutions et mettre en valeur le plein potentiel des ressources humaines et matérielles pour le bénéfice collectif. Il n’y a rien de mauvais qu’un les politiciens montrent leur vision à la population (ce qui semble être interprété, dans l’article, comme « dire quoi faire »). Mais le problème est précisément que, souvent, il n’y a pas de vision ou s’il y en a, elle répond aux intérêts d’une minorité et pour s’accrocher au pouvoir.
Je suis plutôt méfiante de l’insistance et la verbalisation sur leur bonheur et comment ils veulent le bonheur du monde. Ça m’a fait penser tout de suite au Vice-Ministère du bonheur crée, il n’y a pas trop longtemps, au Venezuela, au milieu de la pire epoque de son histoire contemporaine, ça fait aussi 1984. Les possibilités de bonheur sont si nombreuses comme quantité de personnes, c’est un concept profond et principalememt intrinsèque à la personne. La responsabilité des élus est, à mon avis, d’assurer des bonnes conditions de vie pour la population (services publics de qualité, qualité de l’environnement, opportunités de développement individuel et collectif). Dans ce sens, s’occuper de la santé mentale est vitale, totalement d’accord.
@Marjorie — Eh ben! Merci pour ta vigilance! J’ai corrigé le nom du parti partout dans le texte (et dans celui que j’ai publié hier soir).
Je suis évidemment d’accord avec toi sur le fait que le plus important c’est d’être en mesure de présenter une vision. Je pense que c’est ce que l’Initiative propose sous forme de valeurs explicite et de l’énumération des crises auxquels il apparaît prioritaire de s’attaquer. Reste la question de la mise en œuvre…
Sur le bonheur, c’est que ça peut «faire 1984» si c’est abordé de façon dogmatique «top down» — là aussi, à réfléchir (à mettre en relation avec le texte que j’ai publié hier soir: L’égalité, pourquoi?).
Merci de prendre le temps pour réagir. Ça nourrit la réflexion.