Retour sur mon texte d’hier, à partir de quelques-unes des réactions qu’il a suscitées.
La Révolution tranquille est terminée depuis longtemps, bien sûr. Le moment où elle s’est terminée m’importe peu. La réflexion que je partageais part seulement du constat que nos grandes institutions sont le leg de cette étape déterminante de l’histoire du Québec — et que la crise actuelle met cruellement en lumière leur essoufflement.
Plusieurs leviers essentiels de notre développement collectif ont manifestement mal vieilli — en éducation et en santé, particulièrement. On voit bien qu’ils ont du mal à jouer leur rôle dans le contexte actuel, au point qu’il ne suffira probablement pas de les patcher, il faudra les transformer en profondeur.
Il faudra pour cela retrouver l’état d’esprit qui a permis la révolution tranquille: oser inventer, sortir des sentier battus, se faire confiance devant l’inédit.
En réagissant à mon texte, mon père me disait:
« Nos politiciens du début des années 1960 ont voulu répondre aux besoins de l’époque en sortant d’un système épuisé. Les intentions étaient bonnes, sans aucun doute, mais on n’a pas tenu compte du fait qu’une société est toujours en évolution et qu’elle doit continuellement inventer et/ou suivre cette évolution… »
Je trouve qu’il soulève quelque chose d’important: la société change plus rapidement que jamais — et cela ne va pas ralentir — il faut donc qu’on se dote d’institutions qui seront capables d’évoluer continuellement, avec agilité.
Mario Asselin m’a aussi ramené à l’esprit ce texte que j’avais écrit en 2008: L’utopique (mais pourtant nécessaire) cité éducative. Et tout particulièrement ce passage:
« Il faut accepter de réfléchir sur les questions d’éducation autrement. Il faut accepter de remettre en question le paradigme fondateur de l’école contemporaine: 100% des élèves à l’école, en présence d’un prof 100% du temps. »
On est peut-être rendus à un moment où il faudrait identifier les paradigmes sur lesquels s’appuient les institutions dont nous avons hérité de la Révolution tranquille, dans tous les domaines.
Pour en être conscients d’abord, mais aussi pour les remettre en question, les mettre à jour ou les remplacer par d’autres.
Pour reprendre l’exemple de l’éducation:
Est-ce que c’est en s’assurant que 100% des enfants sont 100% du temps en présence physique d’un enseignant qu’on sert le mieux l’apprentissage? De tous les styles et difficultés d’apprentissage? Dans tous les types de milieux? Et au prix de se trouver complètement démunis devant une crise sanitaire comme celle que nous traversons actuellement?
Si on répond non à cette question, on ne pourra pas se contenter de chercher des ajustement au système scolaire actuel. Il va falloir envisager une très profonde transformation.
En ce qui me concerne, on est rendu là.
En éducation, assurément, et dans plusieurs autres domaines aussi…
Changer de paradigme est maintenant une évidence. J’irais plus loin en évoquant un paradigme du changement. L’accélération de l’évolution, largement mue par la scolarisation et les réseaux numériques, conduit inévitablement à la mutation de l’éducation. On serait idiot de reprendre l’école comme elle était : ce serait avouer que nous n’avons rien appris de cette crise. Il faut se préparer aux prochains séismes, plus imminents qu’on ne pense; sinon une autre pandémie, les crises écologiques.
Nous avons enfin le temps, pendant cette période de confinement, de réfléchir à la suite des choses. Ne ratons pas l’occasion.