Lettre à une amie

Merci pour ton message.

Oui je vais très bien — personnellement. Mais j’ai tous les jours l’impression de découvrir que la société dans laquelle je vie est plus malade que je ne le pensais. Ce déballage presque quotidien de petits et grands bobos, de copinages, de choix douteux et de processus viciés me fait très mal. Je n’arrive plus à prendre cela avec distance… il y a comme quelque chose qui nous rattrape, quelque chose qu’on a négligé et qui remonte soudainement à la surface.

L’invraisemblable journée d’hier est peut-être en train de devenir une sorte de point tournant — tellement d’images qui cristallisent toutes sortes d’impressions. Un début de haut le coeur. Je ne sais trop, j’ai probablement besoin d’un peu de temps pour réfléchir. Prendre du recul, si c’est encore possible.

J’avais prévu me rendre à Montréal en famille demain pour offrir aux enfants une première expérience de manifestation — sur le thème du bien commun (imprécis, certes, mais ouvert, généreux) ça me semblait une remarquable occasion éducative, une occasion rêvée (et rare) de faire sentir concrètement aux enfants « leur appartenance au collectif », l’existence de la Société. Et voilà que j’irai seul.

On ne sent plus de le faire en famille — après les images que les enfants ont vu à la télévision hier, ils n’ont pas une bonne impression de la chose. Ils comprennent qu’il faut que j’y aille et que je trouve cela important — indispensable — mais ils n’en seront pas partie prenante. J’ai été volé. On m’a confisqué une partie importante du sens de la journée de demain. C’est à l’image de l’ensemble, des dernières semaines et des derniers mois, et ça me reste en travers de la gorge.

Tu es troublée, me dis-tu. Je pense que c’est le bon mot pour décrire aussi mon état d’esprit.

Un trouble dont je ne sais encore trop ce qui ressortira…

À bientôt.

4 réflexions sur “Lettre à une amie

  1. C’est tout à fait cela. Être dépossédée des quelques certitudes qui me restent sur ma société. Troublant. Et ne pas savoir comment se réapproprier cela. Faut-il vraiment tout casser pour reconstruire? Peut-être. Ou peut-être avons-nous collectivement besoin d’une pause.

  2. Oui, le réveil est brutal. C’est grâce aux étudiants, on leur doit une fière chandelle, c’est vrai.
    Je réalise aussi que c’est grâce à la malhonnêteté de Charest également, qui s’est allumé une bombe dans la figure ou tiré une balle dans le pied. Ce sont les résidus de ce même sommeil qui fait qu’il est encore là à se penser crédible en père bienveillant et excédé.

    Le réveil sera brutal pour lui et son entourage. Je fais plus que l’espérer, j’y compte.

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