Un appel pour un Québec plus numérique

Un Québec numérique, qu’attendons-nous? C’est le titre que treize personnes ont choisi de donner à une lettre qui est reprise et commentée par plusieurs médias depuis hier. Certains médias y font référence comme une simple « lettre d’opinion », d’autres comme un texte directement adressé au gouvernement du Québec (et parfois aussi aux partis d’opposition).

Je me réjouis de l’initiative de ces treize étonnés (c’est leur expression), parmi lesquels se trouvent plusieurs personnes que je connais et que j’estime au plus haut point. Je les remercie de jeter ainsi un pavé dans la marre — de chercher à faire réagir. Il est en effet urgent que nous prenions conscience, collectivement, et à tous les niveaux, de l’importance que le numérique est en train de prendre dans la manière dont s’organise la société — et que le gouvernement s’organise en conséquence, ce qui n’est manifestement pas le cas aujourd’hui.

Il ne fait pas de doute que les preneurs de décisions doivent être beaucoup mieux conseillés par rapport au numérique — et tout spécialement dans des secteurs particulièrement sensibles comme la culture et l’éducation, mais je m’interroge à la lecture de la lettre. Est-ce que c’est en multipliant les nouvelles structures que nous y arriverons le mieux?  Et est-ce que tout est si noir que ne le laissent croire certains passages de la lettre?

Le Québec glisse en bas de l’échelle de compétitivité… tous les rapports sont tablettés ou risquent de l’être… nous n’entreprenons que des actions individuelles et souvent désordonnées… nous vivons une série de crises… nous sommes uns société tellement divisée que nous ne pouvons plus établir de consensus concernant nos projets d’avenir… nous perdons nos points de repères, devenons inquiets…

Les treize ont raison de mettre les projecteurs sur le fait que plusieurs des bouleversements économiques et sociaux qui nous affectent aujourd’hui sont directement ou indirectement liés à l’omniprésence discrète du numérique — même (surtout) quand on n’en a pas connaissance de prime abord.

Cela dit, est-ce que ces changements sont si dichotomiques que la lettre le fait croire? Doit-on parler de révolution? Faut-il y voir des ruptures ou de profondes évolutions — des transformations?

Est-ce qu’on passe vraiment d’une démocratie élective à une démocratie participative? N’est-il pas mieux d’y voir un phénomène d’addition?

Est-ce que la majorité silencieuse est réellement en train de perdre de l’importance? Les dernières élections me portent pourtant à croire le contraire…

Sommes-nous vraiment en train de passer de l’individualisme forcené (!) à une responsabilisation collective? Je partage ce souhait, mais je doute qu’il corresponde à la réalité..

Et le passage du livre aux images-écran? Je pense qu’il faut éviter d’en faire une  fixation fétichiste (sur l’objet) — au détriment du phénomène de création (cela dit même si on parlait du texte, plutôt que du livre).

Quant au fait de passer de la loi de l’offre à celle de la demande? Je sais qu’on en a parfois l’impression, mais est-ce le cas de façon générale?

Je suis reconnaissant aux signataires d’avoir partagé avec cette lettre leur étonnement « devant notre peu d’envergure et de prévoyance » (et je partage ce constat), mais je suis déçu de la forme que prend leur appel et par la nature de leurs demandes. Il me semble qu’il aurait été préférable de décrire davantage « les bénéfices des nouveaux modes de communication de l’économie immatérielle » plutôt que d’insister autant sur ce qui va mal.

Pourquoi est-ce que je prends la peine de le dire?

D’abord et avant tout parce que je pense que ça pourra contribuer à stimuler le débat — parce qu’on a vraiment besoin de cette discussion et que je suis certain que c’est, au fond, ce que les étonnés appellent de leurs voeux.

Aussi parce qu’il semble qu’il y aura un point de presse sur le sujet jeudi prochain, le 22 novembre, et que je pense que ce serait bien qu’on assiste d’ici-là à un crescendo dans la prise de conscience sociale des enjeux réels qui sont soulevés par ce texte.

Et finalement — et peut-être surtout — parce que je partage leur conviction à l’effet que

« Nous basculons [actuellement] vers une société de la connaissance où l’information devient notre matière première et l’Internet la place publique où se prennent nos décisions. »

Et que ça, c’est vraiment fondamental!

Alors sur l’essentiel: bravo aux étonnés et surtout un grand merci pour avoir initié quelque chose qui se poursuivra, et s’intensifiera, j’espère, dans les prochaines semaines et les prochains mois.

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