Quelle vision du numérique?

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Je me suis rendu à la Chapelle du Musée de l’Amérique francophone mercredi dernier pour assister à l’activité Le Devoir de débattre, qui avait cette fois pour thème: AirBnB, Uber et compagnie, les effets bénéfiques et pervers de l’économie du «partage». Voici le compte-rendu qu’en a fait la journaliste Isabelle Porter:

L’économie du partage, entre peur et colère | Le Devoir | 22 octobre 2015

Je connaissais déjà assez bien les points de vue de Martine Ouellet, Ianik Marcil et Michelle Blanc sur ce type de sujets. Pas du tout celui de Guillaume Blum. Pas de très grandes surprises dans les échanges, donc. J’en retiens tout de même quelques observations:

Une grande difficulté à définir de quoi on parle quand il s’agit d’innovation du type AirBnB ou UberX. Si les intervenants semblaient partager la même compréhension de ces phénomènes, au moins pour l’essentiel, je ne suis pas certain que les personnes présentes dans l’auditoire avaient le même niveau de compréhension — par delà les préjugés régulièrement lus ou entendus dans les médias. Il y a un grand besoin de vulgarisation si on veut pouvoir aborder ces enjeux, sociaux et économiques, de façon démocratique.

L’absence de méthode ou de modèle critique pour aborder l’innovation économique. Les échanges sont pas mal restés au niveau des opinions. De bons échanges, des opinions bien exprimées, mais guère d’informations factuelles. Pas beaucoup plus de références à ce qui se passe ailleurs. Or, nous ne sommes pas les seuls à s’interroger sur les manières de réagir. Il aurait été utile d’y faire référence, avec des exemples concrets. On doit absolument sortir des réactions émotives, souvent défensives, devant l’innovation.

Une vision limitée des formes d’actions possible pour un État. Je suis d’ailleurs intervenu lors de la période de questions pour signaler que les intervenants avaient souvent fait référence à des sanctions, à de la répression, à la taxation — qui sont tous des moyens d’interventions légitimes et souvent nécessaires, mais qui ne sont pas les seuls. Il ne faut pas oublier qu’un État peut aussi exercer son influence par des mesures incitatives, en imposant des normes et des standards, en utilisant son propre pouvoir d’achat, etc. Cela me semble d’autant plus important de ne pas le perdre de vue que les pouvoirs coercitifs des États ont été progressivement encadrés (j’allais dire affaiblis) par différents traités de libre-échange, notamment — alors que le champ des mesures incitatives reste plus accessible, pour qui veut s’en saisir. Mais on a besoin pour cela de femmes et d’hommes politiques audacieux et courageux.

Protéger les gens touchés par les effets néfastes de l’innovation, c’est bien, c’est même nécessaire, mais cela ne peut pas suffire. Il faudra aussi aller au-devant, apprendre à profiter des opportunités liées à ces innovations.

Alors, au moment où le gouvernement du Québec met à l’étude un projet de loi destiné à encadrer l’hébergement illégal…

Québec dépose un projet de loi visant Airbnb et l’hébergement illégal | Branchez-Vous | 23 octobre 2015

…et où il lance une ixième consultation pour guider ses réflexions et ses actions sur le numérique…

Le premier ministre Philippe Couillard, le ministre Jacques Daoust et le député André Fortin annoncent la création d’un groupe conseil et le lancement des consultations | Communiqué | 23 octobre 2015

…je suis absolument sidéré par la déclaration du premier ministre qui plaide la nécessité ne pas aller trop vite (!) dans ce domaine.

Stratégie numérique: Québec veut prendre son temps | La Presse | 23 octobre 2015

Comme je l’ai dit sur Facebook un peu plus tôt cette semaine:

Le gouvernement du Québec veut prendre son temps…?!??!? On regarde passer le train assis sur une chaise longue depuis des années et tout ce qu’on trouve à faire c’est de relever un peu le dossier pour éviter d’avoir le soleil dans les yeux?  Non, sérieux… ce qu’il faut c’est se lever debout et sauter dans l’train… c’est urgent. Urgent.

Sans un gouvernement avec une vision claire des enjeux liés au numérique dans le développement de la société québécoise, je pense qu’il va falloir que la société civile s’engage beaucoup plus directement dans ces enjeux. Comment? Je ne le vois pas encore clairement, mais il faudra manifestement commencer à y penser encore plus sérieusement.

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