Un courriel reçu en réaction à ce texte m’a ramené à l’esprit quelques autres souvenirs de mon baptême de l’air, à bord d’un Cessna, autour de 1990.
Je me souviens particulièrement bien du moment où le pilote (qui avait le même âge que moi) m’a proposé de prendre les commandes.
— T’es pas sérieux?
— Ben oui… tiens, maintenant c’est toi le pilote!
Nous étions au dessus du fleuve, en direction de l’Île d’Orléans.
Ce n’est pas la peur qui m’a envahi à ce moment là. C’est l’impression d’avoir soudainement perdu tous mes repères.
À cette hauteur, au dessus du fleuve, comment on fait pour savoir si on monte? Si on descend? Si on tourne beaucoup on le sent tout de suite, l’avion s’incline, mais si c’est un mouvement très faible? Comment savoir quoi faire pour se rendre où on veut aller? Il n’y a pas de rues dans le ciel, pas de signalisation non plus.
Il y avait bien sûr que tous ces cadrans devant moi, mais je n’y comprenais strictement rien. Louis semblait pourtant pouvoir en faire une lecture précise:
— Tu as tendance à monter un peu, tu vois? (pointant un cadran, mais lequel?)
— (…)
— Dirige-toi maintenant vers la Chute Montmorency.
— (facile à dire… à cette hauteur…)
J’étais aux commandes, mais j’étais totalement désemparé. Incapable d’interpréter mon environnement et d’utiliser l’information qui était mis à ma disposition.
J’écris ça et je me dis que c’est probablement comme ça que bien des élu(e)s doivent se sentir quand vient le temps de concevoir de nouvelles lois et d’adopter des règlements pour tenir compte du numérique.
Il y a une certaine ivresse à avoir les commandes, c’est vrai, mais je me suis senti beaucoup plus en confiance après avoir redonné les commandes à celui qui savait lire les cadrans.
Je n’aurais évidemment pas osé improviser un atterrissage.
Heureusement, de plus en plus d’élu(e)s semblent avoir le réflexe de faire la même chose.
Des lois sur le numérique… ou sur autre chose (je pense à l’école à la maison: le projet de loi débattu a fait sortir des absurdités et des préjugés énormes et ignorants, mais c’est la même chose pour le cannabis: ça vole bas et sans s’informer!). Même si certains élus sont des experts, ils ne le sont que dans leur domaine. Quand ils en sortent, ils n’ont pas plus de compétences que (dans le meilleur cas) n’importelle personne raisonnable ou (dans le pire) n’importe quel jambon… Effectivement: qu’ils consultent les pilotes, à tout le moins! ET VITE! (Je trouve qu’on joue beaucoup sur la peur et l’ignorance et j’en peux plus: comme si on voulait nous refiler cette terreur sans repère!) J’aime ton analogie.