Marcher (2)

Ça fait déjà un peu plus de deux ans que j’ai choisi d’être travailleur autonome. Pourtant, je commence tout juste à savoir profiter de la latitude que ça me procure — au moins certains jours — pour profiter du beau temps, comme cet après-midi, par exemple.

J’avais commencé à travailler à 7h30, je n’avais presque pas pris de pause pour le dîner… alors quand j’ai vu toute l’eau qui coulait du toit et le soleil qui faisait briller la neige, j’ai décidé d’aller prendre une petite marche. Une journée de printemps au coeur de l’hiver: fantastique! Et fort de mon expérience d’hier, j’ai décidé de marcher dans la direction opposée avec l’idée de rapporter une autre série de photos-témoignages sur l’allure de mon quartier en 2018.

Vingt minutes vers l’est, sur le chemin Sainte-Foy, en fin de journée hier. Vingt minutes vers l’ouest, toujours sur le chemin Sainte-Foy, cet après-midi. Avec quand même un petit croche dans la paroisse Saint-Benoît pour me rendre au Second Cup — travailler une petite demi-heure devant un café.

Tout au long de cette promenade: réflexion sur le temps qui passe… et, surtout, surtout sur le temps à venir… sur le futur proche — à la recherche des choses qui pourraient changer dans les prochaine années, et dont il pourrait être intéressant de témoigner aujourd’hui.

Réflexion aussi sur les contextes, tellement variés, dans lesquels j’ai parcourus ces trottoirs depuis 40 ans.

Élève au primaire, en route pour la tabagie Delta ou pour le Rendez-vous, où on achetait des bonbons à une cenne en plongeant nos mains directement dans le plats.

Élève au secondaire, pour prendre le bus vers le Vieux-Québec pour rencontrer des amis ou assister à un spectacle au Festival d’été.

En vélo, dans le traffic, à travers les bus, le jour comme la nuit, pour me rendre au cégep et à l’université… ou pour me rendre au Temps Perdu.

L’hiver, l’été, sous la pluie, sous la neige — en écoutant de la musique grâce à un Walkman, un Discman, un iPod, un iPhone…

En campagne électorale, pour faire du porte-à-porte, aussi.

Et aujourd’hui, au beau milieu de l’après-midi, en réfléchissant, à travers tout ça, au texte que Le Devoir consacrait ce matin aux slasheurs / les adeptes du pluritravail — ce que je suis, moi aussi, d’une certaine façon.

***

En portant autant attention à mon environnement visuel, j’ai été forcé de constater qu’il ne s’est pas amélioré depuis quinze ou vingt ans. Et j’ai beaucoup de difficulté à m’expliquer ça.

C’est un secteur bien situé, dans une ville en pleine santé économique, une zone parfaite pour l’accueil des immigrants (qui l’adoptent d’ailleurs en grand nombre), bien desservi par les transports en commun, à proximité de bonnes écoles, etc. C’est un coin de la ville qui a tout pour lui… et pourtant, on n’a pas l’air d’avoir le goût d’en prendre soin.

Sans oublier que le chemin Sainte-Foy est une des routes les plus déterminantes dans l’histoire de la ville. Je ne comprends pas comment on peut le laisser aussi négligé, comme s’il n’avait vocation qu’à être une simple track d’asphalte. C’est dommage.

La ville devrait apporter plus de soins aux axes importants de la ville, comme le chemin Sainte-Foy: y mettre du beau, donner envie d’y marcher. Surtout quand ils traversent les quartiers résidentiels.

***

J’ai pris les photos en repartant du Second Cup en route vers la maison — pour éviter le contre-jour.

Première photo, rue de la Pérade: je découvre qu’on détruira bientôt le Jardin Mobile pour le remplacer par des condos locatifs. Je pense que c’est de la densification intelligente (à défaut qu’elle soit très esthétique).

Deuxième photo: la rue Bégon, par laquelle je retourne au chemin Sainte-Foy.

Troisième photo: le Poulet Frit Kentucky: à peu près inchangé depuis 40 ans. Et ses montagnes de neige sale.

Quatrième photo: la Giroflée, épicerie santé, mon premier emploi comme étudiant — où j’ai tellement appris, avec des gens tellement sympathiques. Auparavant, ça avait été le restaurant El Picador.

Un peu plus loin il y a le petit centre commercial Place Beshro, où est situé le Salon Michel, où je vais me faire couper les cheveux depuis que j’ai cinq ans, ou à peu près. Le fleuriste qui a accompagné naissance, décès, Saint-Valentin et tant d’autres occasions aussi. Et la pâtisserie Denis Tannous.

Cinquième photo: le local du Centre du bicycle, qui a fermé l’an dernier, où mes parents m’ont probablement acheté mon premier vrai vélo — et où nous avons acheté nos sapins de Noël pendant tant d’années.

Sixième photo: le terrain d’une ancienne station service, qui est laissé en friche depuis une bonne dizaine d’années.

Septième photo, l’immense terrain de l’ancien Marie-Antoinette (dont le bâtiment a été détruit l’an dernier après avoir été occupé pendant des années par un resto-bar aux allures très louches). C’est dans ce Marie-Antoinette que j’ai mangé une délicieuse tarte aux pommes après être monté sur scène pour la première fois (pour réciter la fable Le Loup et le chien, en guise d’épreuve finale d’un cours de diction).

Huitième photo: un garage de mécanique qui est là depuis au moins quarante ans et qui est notamment mentionné dans un roman de Jacques Côté, publié chez Alire (voir ce texte).

Neuvième photo: le centre commercial où j’ai eu mon premier compte de banque, à la Caisse populaire de la Colline, et où était situé le Buffet de la Colline, tout premier restaurant de la famille Germain (qui était devenu un Normandin quand nous avons aménagé à Québec, et dont le local est inoccupé depuis environ cinq ans).

Et à droite du centre commercial, de l’autre côté de la rue Duchesneau: l’immeuble qui a remplacé le Speed and Sport.

***

Ces quelques notes pour partager quelques réflexions — et comme traces pour pouvoir poser un autre regard sur tout ça dans dix ou vingt ans. En espérant que ça aura changé… pour le mieux!

Mais quand on pense que certains bâtiments sur ce bout de rue sont à l’abandon depuis plus de 35 ans sans que la ville ne fasse rien… (voir la huitième photo d’hier, un immeuble auquel j’avais déjà fait référence en 2012) il ne faut rien tenir pour acquis.

***

En rouge, le segment du chemin Sainte-Foy que j’ai parcouru aujourd’hui. En bleu, celui que j’ai parcouru hier.

4 réflexions sur “Marcher (2)

  1. Le quadrilatère que tu décris, c’était mon quartier quand je suis arrivée à Québec en 1998 pour étudier à l’Université Laval. J’habitais sur la rue des Mélèzes. J’aime y retourner mais c’est vrai qu’on dirait qu’il a été abandonné, il est figé dans le temps. D’après moi, pourtant, c’est un des meilleurs quartiers de Québec où habiter. C’est dans ce secteur que je retournerai sans hésiter si je refaisais le saut vers la rive-nord!

  2. J’ai lu votre texte avec beaucoup d’intérêt car j’ai habité ce coin de Sainte-Foy pratiquement de ma naissance à mes 21 ans (de 1967 à 1987), sauf que j’étais en bas du Chemin Ste-Foy, près de la rue Clérin, pas trop loin du boul. Pie XII.

    Le coin que vous évoquez m’est donc très familier puisque je le voyais tous les jours ou presque. J’allais à la messe avec mes parents à l’église de St-Benoit (avec son toit en perpétuelle rénovation), j’ai (misérablement) joué au baseball sur les terrains aujourd’hui disparus du parc Saint-Benoit, j’ai vu des films le dimanche après-midi au gymnase de l’école Filteau (pour 10 cents…) au début des années 1970. Mon premier emploi d’été a été dans un commerce de matériel biologique pour les écoles et les laboratoires situé dans le petit centre annexant le Steinberg, aujourd’hui métro. J’achetais mes magazines à la tabagie « Le rendez-vous ENR » de ce qui est aujourd’hui la Place Beshro et comme vous, je fréquentais le Centre du bicycle en face de l’espèce d’horreur en tôle ondulée… Et je me souviens du Pop-Shoppe
    Le PFK existe en effet depuis fort longtemps et à l’emplacement du 3375 se trouvait une station service Texaco où mes parents allaient faire le plein.

    Je me souviens aussi qu’au 3359, il y a eu un disquaire qui n’a pas duré longtemps. Probablement vers 1981 ou 1982. Enfin, à l’emplacement de la Giroflée au 3320, se trouvait une vielle et grande maison blanche, plutôt haute, qui contenait une épicerie/dépanneur. J’aimerais bien la (re)voir en photo… Pas loin, sur du Brabant, il y avait la Grange à Tapis.

    J’ai quitté ce coin pour Montréal en 1987, puis pour Vienne en Autriche où je vis depuis 1993 avec ma femme (Québécoise aussi, c’est une fille de Ste-Ursule!) et quand mes parents ont vendu leur maison en 2000, j’ai cessé d’y passer car je n’avais plus de raison.

    Je ne peux pas dire que je suis charmé parce que je vois. Je ne me souviens évidemment pas d’un chef d’oeuvre d’intégration architecturale mais j’ai l’impression -mais peut-être sont-ce mes souvenirs qui s’embellissent avec les années- que les immeubles, les commerces et les maisons privées s’harmonisaient davantage. Une station service n’est certes pas un bel immeuble, mais ce qui se trouvait au 3375 ressemblait aux maisons que l’on trouvait dans le coin, n’était pas haut et surtout n’avait pas cet espéce de style « passe-partout » et mortellement ennuyant de ce qui s’y trouve maintenant. Et quand je vois comment des immeubles ont été transformés (comme le 3344), ou nouvellement construits (tiens, le 3350 était aussi une station service, un BP si mes souvenirs sont bons), je vous trouve bien optimiste quand vous écrivez que vous espérez que ça change. Là, c’est un peu du n’importe quoi sans grand souci d’harmonisation. C’est là, ça a une fonction. Rien de plus.

    J’ai roulé sur le chemin Ste-Foy du Cégep Ste-Foy à la côte de Cap-Rouge pour la première fois depuis très longtemps en janvier dernier à l’occasion d’une visite à ma vieille mère et, j’ai trouvé cela plutôt déprimant… Comme vous le dites, on dirait qu’on laisse cette avenue historique n’être qu’une « track d’asphalte ». Et quand on voit ce qu’on est parvenu à faire avec des rues qui, dans ma jeunesse, n’avaient rien d’excitant comme la rue Myrand ou la rue Magoire, on peut se dire que c’est une occasion manquée.

    Je sais qu’il est très à la mode de critiquer les banlieues et les banlieusards et de crier à l’étalement urbain, mais moi, j’ai passé de très belles années à Saint Ben et je me souviens d’un coin vivant (en gros, tout le monde ou presque avait le même âge) avec des familles, des enfants, des « béciques », du baseball l’été et du hockey de rue l’hiver, et beaucoup de neige…

Laisser un commentaire