Culture et numérique (2)

Je souhaite revenir quelques instants sur le texte que j’ai publié dimanche — et qui a suscité de nombreuses réactions au cours des dernières heures.

Ça va bientôt faire 25 ans que je travaille dans le domaine de la culture et du numérique. Ça me passionne toujours autant. Et je suis plus convaincu que jamais que la culture québécoise a tout à gagner dans le développement du numérique.

Mais on ne va quand même pas se mentir: j’ai eu plus souvent à affronter des réflexes conservateurs que des réflexes avant-gardistes au cours de toutes ces années.

Comme bien d’autres, j’ai dû apprendre à composer avec le fait que le milieu de la culture est un milieu prudent, qui préfère généralement un tiens à deux tu l’auras. Je sais que c’est un milieu qui défend plus spontanément ses acquis qu’il ne réclame des moyens pour explorer de nouvelles façons de diffuser ou de distribuer ses créations.

Dans ce contexte, je salue évidemment la campagne que la Coalition pour la diversité des expressions culturelles a mise en place à l’occasion de l’élection fédérale qui s’amorce. C’était important de le faire. Essentiel même.

Si j’ai écrit Culture et numérique, c’est parce qu’il m’apparaissait tout aussi important d’éviter que la campagne ne nourrisse indirectement les réflexes conservateur du milieu culturel. Parce que ce serait contreproductif.

La CDEC a raison de souligner que les pouvoirs publics ont le devoir d’intervenir pour assurer une meilleure distribution des revenus qui découlent de l’exploitation commerciale des productions culturelles.

Mais pour que cela soit entendu, je pense qu’il faut aussi dire, haut et fort, que c’est pour innover que le milieu culturel a besoin de plus de moyens, et que c’est aussi pour cette raison qu’il est nécessaire de mettre en place un nouvel environnement fiscal et réglementaire plus équitable pour tous les acteurs.

Il faut que ce soit très clair que les revendications qui sont mises de l’avant à l’occasion de la campagne électorale n’ont pas pour but de défendre le statu quo, les modèles économiques d’avant le Web et la belle époque où la culture évoluait dans un écosystème protégé par Ottawa.

Il ne faut pas hésiter à dire que dans une période de transformation comme celle que nous traversons, ce sont les acteurs qui font le choix d’innover qui méritent un soutien accru de l’État — pas ceux qui résistent au changement. Ça ne veut pas dire d’abandonner tout ce qui a été fait par le passé, au contraire, mais ça suppose d’accepter de le remettre en question.

Je suis convaincu que cet optimisme, cette volonté d’embrasser le numérique, est une condition essentielle pour que la population (et donc les hommes et les femmes politiques) portent attention à nos demandes… et qu’ils vont y répondre éventuellement de façon positive.

2 réflexions sur “Culture et numérique (2)

  1. Merci Clément pour tes deux textes. J’ai envie d’y ajouter mon grain de sel. Pour permettre à notre culture de traverser la tumulte numérique, j’ai bel et bien affirmé à mon tour, que nos élus et décideurs publics devaient se responsabiliser et prendre note des constats et des chiffres que peuvent leur partager les milieux culturels. L’actuelle campagne #SauvonsNotreCulture de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles est importante et fondée. Par ailleurs, il faut aussi le redire, les milieux culturels eux-mêmes doivent adopter des parades de défense et améliorer leur comportement dans les espaces numériques afin de tirer leur épingle du jeu. Si nous sommes d’accord pour dire que les GAFAM et autres plateformes d’ubérisation font de l’évasion fiscale un modus operandi inadmissible, il faut aussi chercher d’autres avenues que celle de leur seule taxation. De mon côté, je crois que nous ne nous en sortirons pas sans la mise en place d’un #Recensement annuel systématique des productions artistiques (un élargissement et un renforcement du dépôt légal) et la mise sur pied d’une #Fiducie nationale des données culturelles, données de contenu en aval et données de consommation en amont. Il faut savoir que nous n’avons actuellement pas d’idée exacte et documentée de la culture que nous voulons sauver!

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