Le Devoir — avant / après

J’aime beaucoup prendre le temps de faire des collages pour m’occuper les méninges (et les mains) de façon créative.

J’aime particulièrement le faire à partir d’un magazine (le plus souvent le New Yorker) en m’imposant la contrainte de ne puiser mes images que dans un seul exemplaire.

J’ai quelques fois publié ces collages sur Instagram, mais comme je vais délaisser progressivement cette plateforme dans les prochaines semaines, je suis à la recherche d’autres endroits pour conserver le plaisir de partager ces créations.

Je me suis créé un compte sur BlueSky, et un autre sur PixelFed, pour tester, mais je vais probablement surtout publier mes prochains collages ici, dans un endroit que je maîtrise beaucoup mieux.

Voici donc ma création de ce matin, que j’ai réalisé à partir de l’édition d’aujourd’hui du Devoir.

Avant:

Après:

Un conte de Noël fantaisiste

À un moment de l’année particulièrement chargé, où le boulot aurait pu bouffer toutes mes capacités intellectuelles, j’ai choisi de réserver une petite place pour l’exercice de mon imagination…

C’est comme ça que j’ai décidé de rédiger, chaque jour de décembre, à la manière d’un calendrier de l’Avent, une sorte de conte de Noël fantaisiste. Chaque texte a été envoyé dans un premier temps à quelques abonnés, par courriel, en utilisant Substack.

Maintenant, pour en faciliter la lecture après coup — et pour m’assurer d’en garder une copie — j’ai regroupé tout ça dans un fichier pdf, qu’il est possible de télécharger en cliquant sur ce lien.

Bonne lecture!

Un petit voyage dans le temps

J’aime beaucoup replonger dans les textes que j’ai publiés sur mon blogue au fil des ans — particulièrement au moment de changer d’année. 

Ce matin, l’exploration m’a ramené un texte que j’ai publié le 5 janvier 2003 — en écho à l’édition de la veille du journal Le Soleil, dans laquelle se trouvait un cahier spécial sur le thème « Une journée dans la vie de Québec ». Quelle belle idée!

Grâce au site de BAnQ, j’ai pu relire l’édition du journal et l’ensemble des textes du cahier spécial.

En format pdf:

On dit souvent que l’avènement d’Internet (alors à ses débuts), celui des téléphones intelligents et des réseaux sociaux (qui n’arriveront que quatre ans plus tard) ont complètement transformé nos vies.

Mais est-ce tant le cas?

Je trouve qu’on se reconnaît quand même très bien dans les courts récits de la vie quotidienne qui sont présentés dans ces textes… Et vous? 

***

Rappel du contexte:

À la une du journal — Ce qui s’avèrera être une supercherie: le prétendu clonage humain réalisé par les raëliens.

En éditorial — Gilbert Lavoie écrit: « Sondage après sondage, nous invoquons constamment le manque de temps pour expliquer notre incapacité à consacrer plus de temps à ceux que l’on aime et à la société qui nous entoure. Paradoxe des temps modernes, notre course effrénée contre la montre nous laisse tout de même quatre heures par jour devant le petit écran. (…) Mais la solution ne se limite pas à un blâme de la télé ou d’Internet. » (Note: selon Statistique Canada, on passe aujourd’hui 3,2 heures par jour devant un écran).

Fusion municipale — On souligne le premier anniversaire de la nouvelle ville de Québec. La ville comptait à ce moment huit arrondissements.

Étonnant — On évoque le président nouvellement élu au Brésil qui est Luis Inacio Lula da Silva. Il est de nouveau président depuis l’an dernier. 

***

Quelques éléments de changement et quelques perles qu’on retrouve dans le cahier spécial:

Rues de Loretteville — on accompagne l’éboueur, qui rêve que tout le monde ait des bacs pour ne pas avoir à ramasser les sacs de plastique à la pièce (Note: c’est maintenant chose faite, presque partout dans la ville).

Rue Dubeau, Beauport — « La distribution des journaux représente souvent le premier travail payant pour un adolescent. Pour un quotidien, il s’agit d’une main-d’œuvre précieuse et indispensable. LE SOLEIL compte environ 950 camelots dans la ville de Québec, dont 125 dans l’arrondissement Beauport. » (Note: depuis un an, il n’existe plus de version imprimée du Soleil).

Dans les rues de Lebourneuf — on parle à des citoyens qui se plaignent de la circulation, trop rapide, dans leur quartier. Et on discute du prolongement de l’autoroute du Vallon (Note: c’est maintenant chose faite)

Incinérateur — on parle avec Spaceman, un employé très coloré, qui voit une certaine justice dans le fait que les Québécois soient parfois incommodés par leur incinérateur: « Il cause des inconvénients à ceux-là mêmes qui produisent des déchets, dit-il, tandis que l’enfouissement va causer des inconvénients aux générations futures ». 

Parc de la Chute Montmorency — on voit deux touristes faire un selfie… avec un appareil photo argentique.

Chemin Saint-Louis, à la sortie des ponts — on parle avec un garagiste qui nous dit: « Les cartes [routière] de la ville de Québec, je les achète à la caisse. J’en vends au moins 500 par année. Les gens veulent trouver un hôpital, le Château Frontenac, Loto-Québec. »

Quartier du boisé des Roches — on évoque un boom de construction partout dans la région de Québec. « À la grandeur de la nouvelle ville, la hausse [des mises en chantier] a été de 62% ». (Note: en 2002, c’est 1743 logements qui ont été mis en chantier et le taux d’inoccupation à 0,8%. En comparaison, en 2024, il y a eu 3200 mises en chantier dans les onze premiers mois de l’année et le taux d’inoccupation est de 0,9%).

Rue du Parc-Boivin — on parle avec un col bleu qui finit d’enlever la neige deux jours après une bordée. La neige est transportée jusqu’au dépotoir du boulevard de la Colline, « le premier conforme aux normes du ministère de l’environnement [et qui] est maintenant entièrement informatisé. On évoque aussi des économies dans l’épandage du sel grâce à « une application intelligente ». 

Hippodrome — il y avait toujours des courses de chevaux… (Note: le bâtiment a été démoli en 2012 pour faire place au Centre Vidéotron)

Bar le Drague — « beaucoup de paillettes, pas mal d’autodérision, un peu de grivoiserie et juste ce qu’il faut d’aplomb pour épingler un quidam un peu épais. La recette est éprouvée. ».

Place d’Youville — rien ne semble avoir changé…

***

J’ai vraiment eu du plaisir à relire tout ça. Je trouve que ça aide à relativiser le changement.

Même dans une période où ont dit que la société a été complètement transformée par les technologies… j’ai l’impression que la vie quotidienne n’a pas tant changée.

***

Et comme un drôle de clin d’œil de l’histoire, j’ai souri en parcourant la dernière page du cahier spécial, qui est occupée par une publicité de la Ville de Québec.

J’y ai reconnu le visage d’une fonctionnaire avec laquelle j’ai maintenant le plaisir de collaborer régulièrement… 22 ans plus tard!

Rassembler, pour continuer!

C’est toute une aventure la politique! On se coltaille beaucoup avec la réalité… Heureusement, c’est aussi très stimulant. 

Depuis trois ans, j’ai l’immense privilège de faire partie d’une équipe qui travaille tous les jours à améliorer la ville de Québec, dans le présent, et à la préparer pour faire face aux défis que l’avenir nous réserve. Et comme on l’avait promis, on le fait avec ouverture, en écoutant les différents points de vue, en privilégiant la participation de tout le monde, et également avec le courage de faire des arbitrages et d’assumer les décisions difficiles quand il le faut.

En 2021, à quelques jours de l’élection municipale, je publiais ceci:

Pourquoi j’appuie Bruno Marchand

L’an dernier, je faisais ce bilan de mon engagement:

Soutenir un mouvement politique

Et aujourd’hui, où j’en suis? 

Je suis vraiment très fier du chemin parcouru!

Depuis l’élection, Québec Forte et fière est passé de 7 élu.e.s à 12, parce qu’on a su nous adapter, réunir, faire face aux défis d’un travail de coalition, apprivoiser les compromis sans perdre le sens. C’est très motivant. Et on continue d’avoir du plaisir — ingrédient que je crois plus que jamais essentiel si on veut prendre soin de notre démocratie. 

On a fait ce que les citoyens sont en droit de s’attendre des hommes et des femmes politiques: qu’ils trouvent le moyen de s’unir pour faire fonctionner les institutions, de prendre des décisions et de faire avancer les choses.

Tout n’est évidemment pas parfait, on apprend, on fait avec les contextes, on s’adapte d’une décision à l’autre… mais on avance. Et le mouvement, en soi, est important.

On travaille fort, mais ça ne suffit pas. On a besoin d’appuis pour préparer la prochaine année. Il faudra des bénévoles pour faire campagne et il faut aussi des moyens financiers. 

Alors, si vous croyez aussi au mouvement, je vous invite à vous joindre à nous pour un événement-bénéfice le 14 novembre prochain, au coût de 100$. C’est la meilleure façon de joindre l’utile à l’agréable. 

Voici le lien pour vous inscrire à l’événement:

RASSEMBLER — l’événement bénéfice de QFF

Si vous ne pouvez, ou ne souhaitez pas participer à l’événement, vous pouvez aussi simplement faire un don à partir du site Web — selon vos moyens. Chaque don est important. 

Voici le lien pour faire un don:

Faire un don à QFF

Notez que les dons sont déductibles d’impôt à 80%.

Et pour celles et ceux qui souhaitent rester discrets sur leurs contributions politiques, je souligne que seuls les dons de plus de 50$ sont rendus publics par le Directeur général des élections. 

***

Je vous remercie à l’avance. Votre soutien est précieux, indispensable même, pour qu’on puisse continuer (et faire encore mieux!) notre travail dans les prochaines années.

Ça nous aide bien sûr aussi que vous preniez le temps de partager (en commentaire, ci-dessous, ou par courriel) ce que vous souhaiteriez qu’on améliore, ou qu’on fasse autrement, dans la prochaine année et/ou dans un prochain mandat. 

Je vous en remercie à l’avance!

L’été se poursuit

C’est le retour au travail ce matin, après de très agréables vacances. L’été se poursuivra donc, mais avec d’autres routines. Et un peu plus de contraintes.

J’ai beaucoup aimé faire l’exercice de relecture par lequel j’avais choisi de débuter chaque journée des vacances. Je pense que je vais continuer à le faire… mais vraisemblablement pas au même rythme. Ce sera sur sur Instagram, le moment venu.

D’ici-là, j’ai regroupé les vingt-cinq premières relectures dans un document pdf — à la fois comme une façon de conclure les vacances et pour en faciliter la lecture.

C’est ici pour le télécharger.

Une simple fantaisie?

Il y a quelques jours je me suis presque défait d’un petit livre qui ne me disait rien. C’est Ana qui, au dernier moment, m’a dit « ben voyons! Un livre de Jules Verne qui a pour titre Une fantaisie du docteur Ox… c’est tout toi ça… commence donc par le lire! ».

Ce que j’ai fait. Et je ne l’ai pas regretté! Je peux vous assurer que ce livre va retrouver sa place dans la bibliothèque.

Le livre raconte l’incroyable histoire de la petite ville de Quiquendone, que le docteur Ox a promis d’éclairer, entièrement à ses frais.

Est-ce que la ville de Quiquendone existe vraiment? Jules Verne nous l’assure:

« Si vous cherchez sur une carte des Flandres, ancienne ou moderne, la petite ville de Quiquendone, il est probable que vous ne l’y trouverez pas. Quiquendone est-elle donc une cité disparue? Non. Une ville à venir? Pas davantage. Elle existe, en dépit des géographes, et cela depuis huit à neuf cents ans. Elle compte même deux mille trois cent quatre-vingt-treize âmes, en admettant une âme par chaque habitant. (…)

Quiquendone existe bien réellement avec ses rues étroites, son enceinte fortifiée, ses maisons espagnoles, sa halle et son bourgmestre — à telle enseigne qu’elle a été récemment le théâtre de phénomènes surprenants, extraordinaires, invraisemblables autant que véridiques, et qui vont être fidèlement rapportés dans le présent récit. (…) »

Il s’agit d’une ville reconnue pour son calme, avec un maire tout à l’image de sa ville:

« Le bourgmestre était un personnage de cinquante ans, ni gras ni maigre, ni petit ni grand, ni vieux ni jeune, ni coloré ni pâle, ni gai ni triste, ni content ni ennuyé, ni énergique ni mou, ni fier ni humble, ni bon ni méchant, ni généreux ni avare, ni brave ni poltron, ni trop ni trop peu – ne quid nimis -, un homme modéré en tout. (…) Le bourgmestre Van Tricasse était le flegme personnifié. (…) »

Un maire qui avait néanmoins de l’ambition pour sa ville; ce qu’avait très bien compris le docteur Ox.

« Le progrès marche, et nous ne voulons pas rester en arrière! (…) Il faut bien marcher avec son siècle. Si l’expérience réussit, Quiquendone sera la première ville des Flandres éclairée au gaz oxy-hydrique. »

Je crois qu’il est utile de rappeler ici que le livre a été écrit en 1872, que l’ampoule électrique a été inventé en 1878, et que c’est seulement en 1884 — douze ans plus tard — qu’une première ville française a été électrifiée.

Ainsi donc, une usine est construite à Quiquendone et des tuyaux sont posés dans toute la ville. Et c’est à ce moment que des phénomènes surprenants commencent à se manifester.

« — Là, j’ai été témoin d’une altercation telle que… monsieur le bourgmestre, on a parlé politique!

— Politique! répéta Van Tricasse en hérissant sa perruque.

— Politique! reprit le commissaire Passauf, ce qui ne s’était pas fait depuis cent ans peut-être à Quiquendone. »

Lentement mais sûrement, les esprits se sont enflammés:

« Mais, phénomène absolument inexplicable, qui eût mis en défaut la sagacité des plus ingénieux physiologistes de l’époque, si les habitants de Quiquendone ne se modifiaient point dans la vie privée, ils se métamorphosaient visiblement, au contraire, dans la vie commune, à propos de ces relations d’individu à individu qu’elle provoque. (…)

« À la bourse, à l’hôtel de ville, à l’amphithéâtre de l’Académie, aux séances du conseil comme aux réunions des savants, une sorte de revivification se produisait, une surexcitation singulière s’emparait bientôt des assistants. Au bout d’une heure, les rapports étaient déjà aigres. Après deux heures, la discussion dégénérait en dispute. (…)

« Mais que se passe-t-il donc? se demandait [le bourgmestre]. Quel esprit de vertige s’est emparé de ma paisible ville de Quiquendone ? Est-ce que nous allons devenir fous? »

Ce n’était évidemment pas que pour le pire. Ce sursaut d’énergie avait aussi des avantages:

« Des talents, qui seraient restés ignorés, sortirent de la foule. Des aptitudes se révélèrent. Des artistes, jusque-là médiocres, se montrèrent sous un jour nouveau. Des hommes apparurent dans la politique aussi bien que dans les lettres. Des orateurs se formèrent aux discussions les plus ardues, et sur toutes les questions ils enflammèrent un auditoire parfaitement disposé d’ailleurs à l’inflammation. Des séances du conseil, le mouvement passa dans les réunions publiques, et un club se fonda à Quiquendone, pendant que vingt journaux, Le Guetteur de Quiquendone, L’Impartial de Quiquendone, Le Radical de Quiquendone, L’Outrancier de Quiquendone, écrits avec rage, soulevaient les questions sociales les plus graves. »

Même la nature s’en trouvait apparement transformée:

« En effet, dans les jardins, dans les potagers, dans les vergers, se manifestaient des symptômes extrêmement curieux. Les plantes grimpantes grimpaient avec plus d’audace.

Les fruits ne tardèrent pas à suivre l’exemple des légumes. Il fallut se mettre à deux pour manger une fraise et à quatre pour manger une poire. »

Tout dans la ville, habituellement si calme, s’accélérait follement.

Même les concerts, qui étaient traditionnellement exécutés plus lentement qu’ailleurs, se mirent à s’emballer. Un soir, un concert qui devait durer six heures ne dura que dix-huit minutes!

« Chanteurs et musiciens s’échappent fougueusement. Le chef d’orchestre ne songe plus à les retenir. D’ailleurs le public ne réclame pas, au contraire; on sent qu’il est entraîné lui-même, qu’il est dans le mouvement, et que ce mouvement répond aux aspirations de son âme (…) »

Sans trop qu’on sache pourquoi, toute cette énergie a même fait réapparaître une querelle vieille de plusieurs siècles avec le village voisin de Virgamen.

« [Il n’y avait aucune arme dans la ville], mais le courage, le bon droit, la haine de l’étranger, le désir de la vengeance [ont tenu] lieu d’engins plus perfectionnés et [pour] remplacer les mitrailleuses modernes et les canons (…) »

Le bourgmestre s’en est trouvé complètement désemparé.

« Mais qu’est-ce que nous avons ? Mais quel est ce feu qui nous dévore? Mais nous sommes donc possédés du diable? »

***

Mais qui était donc le mystérieux docteur Ox qui était à l’origine du projet d’éclairer la ville:

« Le docteur Ox était un homme demi-gros, de taille moyenne (…) Nous ne saurions préciser son âge, non plus que sa nationalité. D’ailleurs, peu importe. Il suffit qu’on sache bien que c’était un étrange personnage, au sang chaud et impétueux, véritable excentrique (…) Il avait en lui, en ses doctrines, une imperturbable confiance.

Toujours souriant, marchant tête haute, épaules dégagées, aisément, librement, regard assuré, larges narines bien ouvertes, vaste bouche qui humait l’air par grandes aspirations, sa personne plaisait à voir. II était vivant (…) bien allant, avec du vif-argent dans les veines et un cent d’aiguilles sous les pieds. Aussi ne pouvait-il jamais rester en place, et s’échappait-il en paroles précipitées et en gestes surabondants. »

Le docteur Ox était évidemment aussi très riche pour pouvoir entreprendre à ses frais l’éclairage de toute une ville.

Sauf que le projet d’éclairer la ville cachait sa véritable intention…

Le docteur Ox voulait en réalité faire la démonstration que l’esprit des Quiquendoniens peut être manipulé en dispersant un gaz dans la ville.

« Vous les avez vus, hier, à notre réception, ces bons Quiquendoniens à sang-froid? (…) Vous les avez vus, se disputant, se provoquant de la voix et du geste! Déjà métamorphosés moralement et physiquement! Et cela ne fait que commencer! Attendez-les au moment où nous les traiterons à haute dose ! (…)

N’avais-je pas raison? Voyez à quoi tiennent, non seulement les développements physiques de toute une nation, mais sa moralité, sa dignité, ses talents, son sens politique. Ce n’est qu’une question de molécules… (…)

L’expérience sera décisive (…) nous réformerons le monde! »

***

Je savais que Jules Verne avait été extraordinairement visionnaire au plan scientifique — avec De la Terre à la Lune et Autour de la Lune, notamment — mais à la lecture de ce petit livre, il me semble évident qu’il a également fait la démonstration d’une incroyable clairvoyance sociologique.

Cent cinquante ans plus tard, c’est Elon Musk qui revêt les habits du docteur Ox et c’est Twitter, devenu X, qui joue le rôle du gaz oxy-hydrique. Ni plus, ni moins.

Et pour conclure ce compte-rendu de lecture, je laisserai, comme il se doit, le mot de la fin à l’auteur:

« On a le droit de ne pas admettre la théorie du docteur Ox, et pour notre compte nous la repoussons à tous les points de vue, malgré la fantaisiste expérimentation dont fut le théâtre l’honorable ville de Quiquendone. »

C’était en 1872.

Quelles histoires?

J’expérimente depuis quelques temps Pavillons, qui propose un nouveau modèle de diffusion qui ressemble un peu à des feuilletons qu’il est possible de lire moyennement un abonnement de quelques dollars. Quelque part entre Substack et Patreon, je dirais.

J’ai lu plusieurs « première entrées » de publications. Elles sont toujours gratuites pour nous permettre d’explorer un projet ou de découvrir un auteur ou une autrice.

Je me suis abonné à une publication: Défiler vers le bas, d’Annabelle Nicole. J’ai aussi acheté, à la pièce, quelques entrées d’une autre publication: PHTGRPH, de Benoît Erwann.

Dans cette dernière série, l’auteur redécouvre le contenu de boîtes en carton remplies de photographies oubliés au fond d’une armoire familiale pendant vingt-cinq ans.

Dans la sixième entrée, il écrit:

« Cette boîte, ce coffre-fort sans serrure, contient 1081 tirages, je les ai comptés. (…) En les regardant une première fois un à un, ces tirages m’ont enseigné une chose essentielle : je me souviens des lieux et de quelques personnes, et c’est tout. Aucun détail. Rien. Nada. J’ai rangé la boîte pendant quelques jours, puis je les ai regardés de nouveau. Alors, la mémoire me revenait grâce aux détails, justement, qui apparaissaient enfin dans l’image. Ils révélaient une atmosphère que je pensais oubliée à jamais. Ils me montraient dans mes environnements immédiats, que cela me plaise ou non. Je retrouvais des visages perdus, des rencontres improbables, des objets à première vue anodins, et pourtant tout me parlait, tout me communiquait une part de vie que j’avais rangée sans même m’en apercevoir et que ma mémoire avec choisi d’évacuer. (…) Petit à petit, j’en ai mis de côté dans une enveloppe, ceux des tirages qui m’interpelaient dans leurs détails, qui faisaient remonter à la surface de ma conscience des souvenirs enfouis (…). »

Ça m’a rappelé l’impression que je ressens parfois pendant l’exercice matinal de relectures que je fais depuis le début des vacances (repris sur mon blogue et sur Instagram)

Une forme d’étonnement, quand je tire un livre de la bibliothèque — ou que je vais le chercher au fond d’un des paniers, à côté du canapé, parmi les oubliés.

Mais comment ce livre a bien pu aboutir ici? Ou dans quel contexte est-ce que j’ai bien pu lire ça?

Je dois alors partir à la recherche d’indices.

Une inscription sur la première page? Des annotations? Une facture qui fait office de marque page? Une carte postale? Une étiquette de prix à l’arrière du livre indiquant le nom de la librairie? Une recherche sur mon blogue ou dans mes notes personnelles m’aide aussi parfois aussi à trouver une première piste pour reconstituer le contexte.

Et si une chose est plus claire pour moi que jamais c’est qu’il faut écrire dans les livres! Ou au moins y glisser des documents. Il faut se l’approprier, l’enrichir d’un contexte — s’assurer d’en faire le témoignage d’un moment, en faire une clé mémorielle. Comme une photo peut le faire.

C’est comme ça que je considère les gribouillages qui témoignent de mes relectures. Ils s’inscrivent dans cette dynamique d’appropriation — même si je sais qu’ils sont choquants aux yeux de certains.

De mon point de vue, ils ne sont pas un affront fait au le livre, au contraire! C’est un honneur qui se trouvera à lui garantira une place dans ma bibliothèque pour longtemps.

Parce que ce matin, je regarde ma bibliothèque et je me demande si les livres qui ne me disent rien y ont encore leur place? Ou en tout cas, s’ils ne me disent rien et que j’hésite à m’en départir, est-ce que je ne devrais pas au moins écrire la raison de cette hésitation sur une petite carte et la glisser entre les pages? Ce qui donnerait déjà un sens à leur présence parmi les autres?

***

Je tire trois livre au hasard de la bibliothèque pour faire l’exercice.

117 Nord, de Virginie Blanchette-Doucet, chez Boréal — Je me souviens très bien de l’avoir lu et apprécié. Catherine Voyer-Léger y fait d’ailleurs référence dans un court texte publié dans le dernier numéro de Lettres Québécoises.

Étiquette au verso: Librairie Vaugeois, août 2016. Mon nom est inscrit sur la première page, avec un ancien numéro de téléphone, ce qui me fait croire que je l’ai déjà prêté. Un signe d’appréciation. Aucune annotation toutefois. Un petit tour dans les archives de mon blogue me rappelle que j’avais fait un texte à son sujet le 26 août 2016. Je vais d’ailleurs l’indiquer sur la première page.

Comme je l’avais manifestement beaucoup apprécié je me suis demandé si Virginie Blanchette-Doucet avait écrit un autre roman depuis. Réponse positive de Google: Les champs penchés, en 2023. Surprise: la couverture me semble être une photo de Mériol Lehmann, un photographe que j’aime beaucoup. Impossible d’en avoir la confirmation sur le site de l’éditeur. Direction prêtnumérique.ca… le livre est disponible… téléchargement… confirmation! La photo s’intitule: arbres, chemin saint-jacques, saint-pierre. Une belle coïncidence. Et tant qu’à avoir téléchargé le livre, je le lirai dans les prochains jours.

Voilà que mon histoire partagée avec le livre s’est enrichie. Il mérite donc plus que jamais sa place dans la bibliothèque.

***

La Classe de neige, d’Emmanuel Carrère, chez P.O.L. — Je me souviens très bien de l’avoir lu, avec plaisir, et un certain malaise. Pourquoi? Ce n’est plus très clair. La couverture est sale (taches de jus d’orange?), la tranche est usée… il a dû se balader pas mal. À l’intérieur, page 145, un signet vintage illustré d’un cardinal en vol. Aussi, page 95, le bandeau qui ornait le livre pour souligner que le Prix Femina lui avait été accordé. Et page 47, trois signets Larousse « À: … De: … » aux couleurs de Noël.

Surprise en page frontispice, une dédicace:

Pour Ana et Clément, en espérant qu’ils approuveront le choix de Sofia et seront touchés par cette triste histoire — en tout ou en partie. [signature illisible], Montréal, 18.11.95. 

Les archives de BAnQ m’ont permis de confirmer que la date correspond bien à celles du Salon du livre de Montréal en 1995, dont Emmanuel Carrère était un des invité.

Et effectivement, avec un peu d’imagination, la signature pourrait bien être « Emmanuel ». Impossible de confirmer par des images comparables sur le Web… qu’importe, c’est la meilleure hypothèse pour le moment.

C’est donc vraisemblablement un livre qui nous a été offert à Noël 1995, par la mère d’Ana, Sofia — qui en aurait fait l’achat au Salon du livre de Montréal.

Ça fait pas mal de liens vers pas mal de souvenirs!

Je constate par ailleurs qu’il n’y avait rien aucune référence à Emmanuel Carrère sur mon blogue… avant aujourd’hui! Je vais d’ailleurs ajouter une référence au présent texte sur la troisième de couverture avant de replacer le livre dans la bibliothèque… parce qu’il n’y a plus aucun doute qu’il y mérite sa place!

***

Une fantaisie du Docteur Ox, de Jules Verne, aux éditions Mille et une nuit — J’ai beau lire la quatrième de couverture, je ne me souviens pas de l’avoir lu. Aucune d’annotations, pas de papiers glissés entre les pages. Une étiquette de prix, que j’avais manifestement transféré du dos du livre au revers de la couverture: 4,50$ à la Librairie Garneau. Probablement à la succursale des Halles de Sainte-Foy (devenu Renaud-Bray en 1999). Mais il ne me dit vraiment rien.

Je vais donc le placer dans une boîte de livres à donner.


Post scriptum: ma relectrice préférée m’a ramené à l’ordre: — Pas question que tu te départisses d’un livre de Jules Verne, à plus forte raison s’il a pour titre « Une fantaisie… »! C’est tout toi ça! Commence donc par le lire, on en reparlera ensuite.

Il se pourrait bien que son histoire soit en train de s’écrire, lui aussi… À suivre…

À mes pieds…

Je tondais le gazon hier après-midi.

Dans l’allée graveleuse qu’on emprunte pour accéder au chalet, quelque chose a soudainement attiré mon attention. Probablement une remarquable étoile végétale. Mais je n’en étais pas sûr. Qu’est-ce que ça pouvait bien être?

J’ai pris une photo:

J’ai jeté un coup d’œil rapide à la photo avant de remettre mon iPhone dans ma poche. Elle m’a rappelé certaines photos de Mériol Lehmann. C’était peut-être ça?

Après avoir terminé la corvée, j’ai observé la photo plus attentivement. Je m’y suis même perdu en constatant le nombre et la variété des espèces, les quelques fleurs, la vie, la mort, l’éclaircie ensoleillée.

J’ai même esquissé un projet: enfouir légèrement le cadre d’une ancienne œuvre d’art dans l’allée pour voir évoluer une section de la végétation au fil du temps, avec tous les honneurs qui lui sont dus. Je me suis dit que d’autres avaient dû y penser avant. Mais l’avaient-ils fait?

J’ai demandé à Google ce qu’il voyait dans cette photo. Puis à PlantNet. J’ai fait un voyage au pays des mauvaises herbes.

Et d’une chose à l’autre, une plante s’est mise à susciter particulièrement mon attention. Là, juste sous l’étoile dont l’esthétique était probablement à l’origine de ce voyage.

Vous voyez ces petites feuilles qui ressemblent à celles de la sauge. En zoomant dans l’image, on voit qu’elles sont recouvertes de longs poils. J’ai appris que c’est l’Épervière piloselle. On l’appelle parfois aussi Oreilles de souris.

C’est une plante fascinante:

« Elle s’accommode de n’importe quel sol et sait se faire de la place. Pour cela elle a un secret. Elle élabore au niveau de ses racines une toxine qui empêche le développement des autres végétaux. Elle peut ainsi former des tapis denses et serrés. Cette technique anti-concurrence a ses limites. Lorsque la piloselle a envahi un espace, elle risque à la longue de s’empoisonner elle-même. » (source)

Imaginez-vous donc qu’au Moyen-âge, on utilisait même le jus de cette plante pour prédire le sort des malades: la mort s’il vomissait après l’avoir bu et la guérison dans le cas contraire.

Qui aurait pu prévoir qu’il y avait là, à mes pieds, pendant que je passais la tondeuse, la réponse aux mystères de l’existence?

Pas étonnant que ça ait pu attirer mon attention!

Un après-midi de marche

Il y a une illusion dans l’idée de tomber en vacances. Je pense qu’on entre plutôt en vacances, progressivement, comme on entre dans la mer, ou dans une piscine.

C’est un état d’esprit, pas une switch on/off.

Pour moi, la créativité est certainement une composante de la transition recherchée.

Alors après des mois à surligner et annoter pour extraire l’essentiel d’un texte, j’ai eu envie de tirer un livre au hasard de la bibliothèque, de l’ouvrir à une page tout aussi aléatoirement, et d’en réorganiser les mots de manière à les transformer en quelque chose d’autre.

Comme une autre forme de collages.

C’est un premier essai. Je pense qu’il y en aura d’autres.

Le livre, pour cette fois, était De la marche, de Henry David Thoreau, aux éditions 1001 nuits.

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Je me suis aussi lancé dans une autre exercice d’écriture estival — sous forme d’infolettre. À la fois pour le plaisir d’écrire et pour continuer mon exploration de Substack comme outil de diffusion. Si vous avez envie de suivre cette exploration, c’est par ici.

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Mise à jour du 12 juillet — j’ai tenté l’expérience avec un livre de recettes, pourquoi pas? Alors, inspiré par Pizzas, dans la collection L’école de la cuisine italienne, chez Phaidon… voici ma création du jour:

Mise à jour du 13 juillet — à partir de Un promeneur en novembre, de Gilles Archambault, chez Boréal:

Mise à jour du 14 juillet — à partir de Les États-Unis du vent, de Daniel Canty, chez La Peuplade:

Mise à jour du 15 juillet — à partir de Traversée de Paris, de Marcel Aymé, chez Folio:

Mise à jour du 16 juillet — À partir de Les Politiques, de Aristote, collection Le monde de la philosophie, chez Flammarion:

Mise à jour du 17 juillet — À partir de Tintin au Tibet, de Hergé, dans un format réduit, chez Casterman:

Mise à jour du 18 juillet — À partir de Mademoiselle Rouge, de Michel Garneau, chez VLB éditeur:

Mise à jour du 19 juillet — À partir de Le monde fascinant des insectes, de Jean-Pierre Bourassa, aux éditions Multimondes:

Mise à jour du 20 juillet — À partir d’un gallon de peinture Benjamin Moore:

Mise à jour du 21 juillet — À partir de Une main encombrante, de Henning Mankell, dans la collection Policiers, au Seuil:

Mise à jour du 22 juillet — À partir du feuillet d’instructions du Scrabble resté sur la table hier soir:

Mise à jour du 23 juillet — À partir de Éveil à Kitchike — la saignée des possibles, de Louis-Karl Picard-Sioui, aux éditions Hannenorak:

Mise à jour du 24 juillet — À partir de Le pas du lynx, de Joana de Fréville, aux éditions Les Allusifs:

Note: à la suite d’une suggestion de Capucine, j’ai amélioré la présentation des Relectures sur Instagram, en y ajoutant le texte, réaméagé, sous forme d’une deuxième photo (il suffit de glisser vers la droite, comme ici, pour la relecture d’aujourd’hui).

Mise à jour du 25 juillet — À partir de Vernon Subutex, de Virginie Despentes, au Livre de Poche:

(Cliquer ici pour le voir sur Instagram)

Mise à jour du 26 juillet — À partir de Plateforme, de Michel Houellebecq, chez Flammarion:

Mise à jour du 27 juillet — À partir de la Une du Devoir de ce matin…

Mise à jour du 28 juillet — À partir de La théorie des jeux, de Gaël Giraud, dans la collection Champs Université, chez Flammarion:

Mise à jour du 29 juillet — À partir de La désobéissance de l’architecte, de Renzo Piano, aux éditions arléa:

Mise à jour du 30 juillet — À partir de Churchill, de François Bédarida, chez Fayard:

Mise à jour du 31 juillet — À partir de L’énigme du retour, de Dany Laferrière, chez Boréal:

Mise à jour du 1er août — À partir de Contes et légendes de la Côte-du-Sud, de Gaston Deschênes et Pierrette Maurais, chez Septentrion:

Mise à jour du 2 août — À partir de Accident nocturne, de Patrick Modiano, chez Folio:

Mise à jour du 2 août — À partir de Camarade, ferme ton poste, de Bernard Émond, chez Lux:

Mise à jour du 4 août — À partir de La liste de mes envies, de Grégoire Delacourt, chez JC Lattès.

Artifice


Ce sont les herbes hautes qui ont d’abord attiré mon attention. À contre-jour, elles donnaient l’impression d’un feu d’artifice miniature.

Je me suis demandé de quoi ça pouvait avoir l’air vu du sol, pour un insecte ou un petit mammifère.

Il y a aussi les nuages au loin, au-dessus de Charlevoix, comme on les voit sur les photos du mont Fuji.

Et la plaine, couverte de foin de mer, où viennent se nourrir les oiseaux à chaque marée basse.

Mais c’est en dirigeant mon regard vers la petite maison blanche, sur la pointe, au fond, à gauche, que la contemplation s’est transformée en divagation.

Vous avez vu cette petite affiche?

Face au fleuve.

Sur laquelle ne figure aucun message.

Est-ce qu’il y en a déjà eu un? Quel pouvait-il être?

Un avertissement? Terrain privé? Danger de baignade? Nid de pluviers?

Une invitation? À la contemplation? Observez un moment de silence? Prenez le temps de siffler? Pensez à un être cher?

À moins qu’elle n’ait été mise là délibérément pour qu’on y affiche un message? Comme un petit babillard? Qu’est-ce que je pourrais bien agrafer sur ce panneau?

De la poésie? Un vers de Roland Giguère? Les mots-flots viennent battre la plage blanche où j’écris que l’eau n’est plus l’eau sans les lèvres qui la boivent.

Ou, avec ironie: « Vous avez un nouveau message »? Ou l’image d’une notification de Radio-Canada sur l’écran de mon téléphone?

Et vous qu’est-ce que vous écririez à cet endroit? De quelle façon choisiriez-vous d’intervenir dans le moment que les passants vivent à cet endroit?

À moins que…

À moins que cette absence de message…

À moins que ce ne soit justement ça le message?

Bonne conduite

J’ai déjà mon arbre préféré sur l’autoroute 20. Autour du kilomètre 358, côté sud. Mais ce n’est pas de lui que j’ai envie de vous parler aujourd’hui.

Ce dont je veux vous parler, c’est quelque chose qui m’a sauté aux yeux pour la première fois aujourd’hui.

Le voyez-vous sur la photo?

Une fois qu’on l’a remarqué, on ne peut plus ne pas le voir. Ça m’a obsédé pendant près de 100 kilomètres.

Alors, le voyez-vous?

Je vais vous aider.

Partons de la ligne centrale, pointillée. Que voyez-vous à droite?

Une ligne blanche continue. Exactement!

Et à gauche? Une ligne jaune continue. Exactement!

Ce sont les lignes qui indiquent les limites de la route.

Ce sont aussi les lignes dont se servent les ordinateurs de bords des automobiles modernes pour apporter divers niveaux d’assistance à la conduite — jusqu’au pilotage automatique.

Mais ce n’est pas ça!

Un peu à droite de la ligne blanche? Et à gauche de la ligne jaune?

Voilà!

À gauche de la route, les fleurs sont jaunes!

Et à droite, elles sont blanches!

Un hasard, vous croyez?

Et si c’était pour faciliter le travail des ordinateurs de bord?

Et s’il y avait des graines de plantes dans la peinture, et que les gouttelettes qui s’échappent lors du lignage ensemençaient les fossés de fleurs diverses, selon les couleurs de peinture?

Et si c’était pour permettre aux voitures d’utiliser également les odeurs pour suivre plus efficacement la route?

Je sais, je sais… ça ne fonctionnerait pas toutes les saisons.

Je sais, parfois ce ne sont que des quenouilles, des deux côtés.

Je sais.

Mais ça m’amuse de laisser vagabonder mon esprit quand je conduis.

Le début de l’été

On se disait il y a quelques jours, avec Ana, que depuis que les enfants sont grands, qu’ils ont quitté l’école secondaire, l’arrivée dans l’été est vraiment très différent. La fin des classes manque au rituel qui nous a animés pendant une quinzaine d’années.

Maintenant, c’est la Fête nationale qui lance notre période estivale. C’est à ce moment qu’on entreprend de casser progressivement le rythme pour faire de l’espace pour la paresse, les déambulations et la contemplation.

C’est maintenant!

C’est probablement la raison qui m’a amené, un peu plus tôt, à m’interroger sur la forme que pourrait prendre un nouveau projet d’écriture estival… Et je pense avoir trouvé!

Je vais partir chaque fois d’une photo, probablement prise spontanément — sans soins particuliers — mais dans laquelle se trouve quelque chose qui a attiré mon attention. Cette chose se révèlera, plus ou moins clairement, à la lecture du texte qui accompagnera l’image. Mais attention! Les textes pourront être de nature très variés. Je ne m’imposerai aucune contrainte — quitte à ce que ce soit parfois dépaysant. L’avertissement est peut-être inutile… je n’en sais rien… le projet va s’inventer, prendre forme, au fur et à mesure que les jours passeront.

À quelle fréquence je publierai ces textes? Aucune idée! Ce sera selon l’inspiration.

Seule certitude: ce sera pour moi l’occasion d’aiguiser mon regard, de partager quelques réflexions et… peut-être… un peu de folie!

***

C’est en prenant la photo qui coiffe ce texte que l’idée de la série m’est venue à l’esprit.

C’est d’abord la pivoine, rose, qui a attiré mon attention. Elle semble se camoufler parmi les roses. Clic!

C’est ce qui a provoqué la photo. Mais ce n’est pas ce qui est à la source de ce texte.

C’est en voulant m’approcher pour essayer de comprendre l’enchevêtrement des tiges et des feuilles que je l’ai vue.

D’abord invisible, mais pourtant très active sous mes yeux. Elle ne faisait rien pour se cacher. Elle savait que j’avais toutes les chances de ne pas la voir — comme presque tout le monde qui passait par là. Elle faisait comme si je n’étais pas là. Et moi aussi. Cette coccinelle a-t-elle même eu connaissance que j’étais là?

Bien des choses nous échappent — simplement parce qu’on n’y porte pas attention. C’est vrai de la nature. De la société aussi.

Les villes invisibles

« À partir de maintenant, ce sera moi qui décrirai les villes et toi tu vérifieras si elles existent et si elles sont bien telles que je les aurai pensées. » (p.55)

***

Une inscription au verso de la couverture indique que c’est ma mère qui s’est procuré le livre le 3 mars 2005, suite à une suggestion de Jacques Plante, un architecte rencontré à l’occasion d’un atelier de scénographie. Quelques post-its témoignent aussi des passages qui ont marqué sa lecture.

Des notes prises par l’une de mes filles se sont ajoutées aux marges, dix-huit ans plus tard — ce qui rend évidemment la lecture encore plus fascinante!

Je viens d’y ajouter des annotations à mon tour, à l’occasion d’une lecture qui accompagnait nos déambulations dans Lisbonne, Ana et moi, afin de souligner nos cent ans (cinquante chacun!).

***

« Dans Les Villes invisibles, aucune ville n’est reconnaissable. Toutes ces cités sont inventées (…) Je ne crois pas que le livre évoque seulement une idée atemporelle de la ville, mais plutôt que s’y déroule, de façon tantôt implicite, tantôt explicite, une discussion sur la ville moderne. » (Préface)

Je peux le dire d’entrée de jeu, j’ai trouvé que c’était un livre de voyage parfait! Un livre qui rappelle qu’il ne faut pas se fier à l’image qu’une ville offre au premier regard. Un livre qui invite à chercher la fiction qui s’inscrit au cœur de la ville — sa magie. Et, par la force des choses à redécouvrir, aussi sa propre ville.

« Les villes […] se croient l’œuvre de l’esprit ou du hasard, mais ni l’un ni l’autre ne suffisent pour faire tenir debout leurs murs. Tu ne jouis pas d’une ville à cause de ses sept ou soixante-dix-sept merveilles, mais de la réponse qu’elle apporte à l’une de tes questions. » (p. 56)

***

Parmi les cinquante-cinq villes racontées par Calvino, certaines ont évidemment retenu mon attention plus que d’autres.

Je commencerai par Eusapie, pour la réflexion qu’elle offre au sujet de la ville comme espace par excellence de la vie (et de la mort) des humains:

« Aucune ville plus qu’Eusapie n’est portée à jouir de la vie et à fuir les problèmes. Et pour que le saut de la vie à la mort soit moins brutal, ses habitants ont construit sous terre une copie exacte de leur ville. (…) tous les commerces et métiers de l’Eusapie des vivants sont en activité sous terre, ou du moins tous ceux que les vivants ont tenus avec plus de satisfaction que d’ennui (…)

[Et] les morts apportent des innovations dans leur ville; pas très nombreuses, mais fruits sûrement d’une réflexion pondérée, non de caprices passagers.

D’une année sur l’autre, disent-ils, on ne reconnaît plus l’Eusapie des morts. Et les vivants, pour ne pas être en reste (…) veulent le faire eux aussi. Ainsi, l’Eusapie des vivants s’est-elle mise à copier sa copie souterraine (…) il n’y a plus moyen de savoir lesquels sont les vivants et lesquels les morts.» (pp. 127 à 129)

Il y a aussi Zénobie, qui offre aussi une belle réflexion sur les villes comme des espaces qui sont en perpétuelle transformation:

« il n’y a pas à établir si Zénobie est à classer parmi les villes heureuses ou malheureuses. Ce n’est pas entre ces deux catégories qu’il y a du sens à partager les villes, mais entre celles-ci: celles qui continuent au travers des années et des changements à donner leur forme aux désirs, et celles où les désirs en viennent à effacer la ville, ou bien sont effacés par elle. » (p. 46)

Et il y a Zemrude, dont le récit nous rappelle que notre état d’esprit influence toujours le regard qu’on porte sur une ville:

« C’est selon l’humeur de celui qui la regarde que Zemrude prend sa forme. Si tu y passes en sifflotant, le nez au vent, conduit par ce que tu siffles, tu la connaîtras de bas en haut: balcons, rideaux qui s’envolent, jets d’eau. Si tu marches le menton sur la poitrine, les ongles enfoncés dans la paume de la main, ton regard ira se perdre à ras de terre, dans les ruisseaux, les bouches d’égout, les restes de poisson, les papiers sales. Tu ne peux pas dire que l’un des aspects de la ville est plus réel que l’autre… » (p. 81)

Calvino décrit aussi très bien aussi la dynamique qui anime constamment une ville, qui doit continuer de grandir, au risque de péricliter, comme le craignent les citoyens de Tecla:

« — Pourquoi la construction de Tecla dure-t-elle si longtemps ?
Et les habitants, sans arrêter de hisser des seaux, de jouer des fils à plomb, de promener vers le haut et le bas de longs pinceaux, répondent :

— Pour que ne commence pas la destruction.
Et quand on leur demande s’ils craignent qu’à peine ôtés les échafaudages, la ville se mette à craquer et tomber en morceaux, ils ajoutent très vite, à voix basse:

— Pas la ville seulement. » (p. 147)

Il s’amuse aussi des philosophies, parfois amusantes, qui peuvent en venir à guider le développement d’une ville. C’est le cas d’Andria:

« — La correspondance entre notre ville et le ciel est à ce point parfaite, répondirent-ils, que toute modification d’Andria comporte quelque nouveauté du côté des étoiles.

Les astronomes scrutent le ciel avec des télescopes après chaque changement qui s’est produit à Andria, et signalent l’explosion d’une nova, ou le passage de l’orangé au jaune d’un point éloigné du firmament, l’expansion d’une nébuleuse, ou qu’une spirale de la voie lactée se recourbe. Tout changement implique des changements en chaîne, à Andria comme parmi les étoiles: la ville et le ciel ne demeurent jamais pareils.

Deux qualités du caractère des habitants d’Andria méritent d’être notées: la confiance en soi et la prudence. Convaincus que toute innovation dans la ville influe sur la carte du ciel, avant chaque décision ils calculent risques et avantages, pour eux, pour toutes les villes, pour l’ensemble des mondes. » (p. 173)

***

L’expérience du voyage me semble aussi particulièrement bien rendue par la description que Calvino fait de Pirra:

« Vint le jour où mes voyages me conduisirent à Pirra. À peine y avais-je mis les pieds que tout ce que j’imaginais avait été oublié; Pirra était devenue ce qu’est Pirra… » (p. 110)

Et la description d’Aglaurée témoigne aussi des plaisirs du voyage — spécialement quand on prend le temps de marcher dans la ville, de long en large, comme nous l’avons fait à Lisbonne:

« Si donc je voulais te décrire Aglaurée en m’en tenant à ce que j’ai vu et éprouvé personnellement, je devrais te dire que c’est une ville terne, sans caractère, posée là au hasard. Mais même cela ne serait pas la vérité: à certaines heures, dans certaines échappées au détour d’une rue, tu vois s’ouvrir échappées devant toi le soupçon de quelque chose d’unique, de rare, et peut-être de magnifique… » (p. 83)

C’est tout le contraire de certains voyages d’affaires au cours desquels, malheureusement, toutes les villes finissent par se ressembler. Expérience que Calvino résume efficacement avec la ville de Trude:

« C’était la première fois que je venais à Trude, mais je connaissais déjà l’hôtel où par hasard je descendis; j’avais déjà entendu et prononcé les mêmes dialogues avec acheteurs et vendeurs de ferraille; d’autres journées pareilles à celle-ci s’étaient terminées en regardant au travers des mêmes verres, ondoyer les mêmes nombrils. Pourquoi venir à Trude ? me demandais-je. Et déjà je voulais repartir.

— Tu peux reprendre un vol quand tu veux, me dit-on, mais tu arriveras à une autre Trude, pareille point par point, le monde est couvert d’une unique Trude qui ne commence ni ne finit: seul change le nom de l’aéroport. » (p. 149)

***

Je m’en voudrais de ne pas souligner aussi à quel point Calvino a aussi été précurseur, en décrivant Léonie — en 1972!

« La ville de Léonie se refait elle-même tous les jours: chaque matin la population se réveille dans des draps frais, elle se lave avec des savonnettes tout juste sorties de leur enveloppe, elle passe des peignoirs flambants neufs, elle prend dans le réfrigérateur le plus perfectionné des pots de lait inentamés, écoutant les dernières rengaines avec un poste dernier modèle. (…)

Où les éboueurs portent chaque jour leurs chargements, personne ne se le demande: hors de la ville, c’est sûr; mais chaque année la ville grandit, et les immondices doivent reculer encore (…) Les confins entre villes étrangères ou ennemies sont ainsi des bastions infects où les détritus de l’une et de l’autre se soutiennent réciproquement, se menacent et se mélangent.

Plus l’altitude grandit, plus pèse le danger d’éboulement : il suffit qu’un pot de lait, un vieux pneu, une flasque dépaillée roule du côté de Léonie, et une avalanche de chaussures dépareillées, de calendriers d’années passées, de fleurs desséchées submergera la ville sous son propre passé qu’elle tentait en vain de repousser, mêlé à celui des villes limitrophes, enfin nettoyées: un cataclysme nivellera la sordide chaîne de montagnes, effacera toute trace de la métropole sans cesse habillée de neuf. » (pp. 133 à 135)

***

Il faut finalement que j’évoque la description de la ville de Bérénice, qui m’a particulièrement interpellée. Elle me semble, en effet, être un reflet assez fidèle, des débats, dilemmes et paradoxes sur lesquels repose (malheureusement?) la dimension politique du développement d’une ville.

« Il faut que sans cesse tu tiennes compte de ce que je vais te dire: dans la semence même de la ville des justes, se trouve à son tour cachée une mauvaise graine; la certitude et l’orgueil d’être dans le juste — et de l’être bien plus que beaucoup d’autres qui se disent plus justes que la justice — fermentent sous forme de rancœurs, rivalités, échanges de coups, et le désir tout naturel de revanche sur les injustes se colore de l’envie folle d’être à leur place pour faire la même chose qu’eux. Une autre ville injuste, quoique différente de la première, est donc en train de creuser sa place dans la double enveloppe des Bérénice injuste et juste. (…)

Mais si l’on regarde encore plus précisément à l’intérieur de ce nouveau germe du juste, on y découvre une petite tache qui grandit pour devenir l’inclination croissante à imposer ce qui est juste au travers de ce qui est injuste, et peut-être est-ce là le germe d’une métropole immense…

Tu auras tiré de mon discours cette conclusion, que la véritable Bérénice est une succession dans le temps de villes différentes, alternativement justes et injustes. Mais ce dont je voulais te faire part n’est pas là: savoir, que toutes les Bérénice à venir sont déjà en cet instant présentes, enroulées l’une dans l’autre, serrées, pressées, inextricables. » (pp. 186-187)

Pour le meilleur et pour le pire, devrait-on peut-être dire.

***

Et Lisbonne alors?

Qu’en dire au terme d’un voyage accompagné par les mots de Calvino?

J’ai envie de dire que Lisbonne est une ville où des bus, des tramways anciens et modernes, des métros et des voiturettes de toutes sortes tracent jours et nuits de sinueux parcours du nord, au sud; d’est en ouest; du bas vers le haut; et même à travers le temps. C’est une ville dont le ciel prévoit quelques minutes de pluie chaque matin afin de maintenir la propreté des magnifiques trottoirs de pavés blancs.

C’est une ville inspirante, qui m’a fait beaucoup de bien.

Bien que leurs populations sont semblables en nombre, le contraste entre Lisbonne et Québec est énorme, à bien des égards. Calvino l’annonce bien au début du livre:

« L’ailleurs est un miroir en négatif. Le voyageur y reconnaît le peu qui lui appartient, et découvre tout ce qu’il n’a pas eu, et n’aura pas. » (p. 38)

Plus optimiste, j’ajouterais un dernier élément à la phrase: « à moins de rester inspiré par ses souvenirs et de travailler sans relâche. »

Je m’y remettrai dès demain.

***

« L’enfer des vivants n’est pas chose à venir; s’il y en a un, c’est celui qui est déjà là, l’enfer que nous habitons tous les jours, que nous formons d’être ensemble. Il y a deux façons de ne pas en souffrir. La première réussit aisément à la plupart: accepter l’enfer, en devenir une part au point de ne plus le voir. La seconde est risquée et elle demande une attention, un apprentissage, continuels: chercher et savoir reconnaître qui et quoi, au milieu de l’enfer, n’est pas l’enfer, et le faire durer, et lui faire de la place. » (p. 189)

 


Édition consultée: CALVINO, Italo, Les villes invisibles, Seuil (Points), 1996.

La Laurentie en fleur

Je suis un grand admirateur de l’œuvre du Frère Marie-Victorin: de son travail scientifique, de son leadership politique, et de son écriture.

La Laurentie en fleur m’a été offert par des amies de Capucine, qui ne savaient probablement pas ça. La surprise n’en était que plus agréable.

C’est un livre dans lequel j’aurais probablement eu plus de mal à plonger étant plus jeune. Yves Gingras et Gilles Beaudet y ont rassemblé une vingtaine de textes dans lesquels il décrit longuement la flore du Québec.

Ce sont des textes à la fois lyriques et savants qui, pour être appréciés, exigent un état d’esprit qui se prête à la lenteur et à la contemplation. Mais quand ont s’y laisser envoûter, quelle merveille!

Le Frère Marie-Victorin est un incroyable conteur. Il peut décrire la floraison de la sanguinaire comme d’autres le font pour une partie de hockey (lire avec le ton d’un commentateur sportif):

« Et voilà maintenant les obscurs et infaillibles mécanismes de la vie déclenchés par le choc puissant des rayons du soleil! Le bourgeon frémit, se gonfle, s’ouvre, écartant lentement ses grandes bractées incolores. Place! Sur le fond d’émeraude de la feuille, le bouton s’érige, marmoréen et lumineux, sur son pédoncule, et l’on croirait vraiment que, mis à l’échelle du monde des fleurs, le flambeau sacré de la vie luit derrière ses parois opalines.

C’est fait ! Les deux sépales verdâtres, dernier rempart protecteur, sont tombés. Les huit pétales d’un blanc de lait, telle une fraise immaculée au cou d’une beauté du vieux siècle, s’éploient, découvrant l’or des nombreuses étamines groupées autour de ce qui sera le fruit, et qui n’est encore qu’une mignonne colonnette surmontée d’un minuscule chapiteau. »

Parlant toujours de la sanguinaire, le Frère Marie-Victorin évoque la source de la pigmentation des fleurs qui permet de s’en faire des teintures.

J’ai trouvé ça particulièrement intéressant, alors qu’une série de beaux hasards m’ont fait découvrir les teintures végétales que Dahlia Milon produit dans la région du Kamouraska.

***

Au fil des pages, l’auteur a aussi l’occasion de déplorer la dimension coloniale de la poésie canadienne-française du début du vingtième siècle, dans laquelle on retrouve une abondance de référence à la flore européenne alors que la nature d’ici est souvent ignorée.

« Oui ! Nos Fougères laurentiennes sont belles autant qu’ignorées et dédaignées! Nos artistes ne les ont jamais vues, et s’ils s’avisent d’en camper une touffe au premier plan d’un tableau, on reconnaît d’emblée le cliché du manuel en vogue, venu tout droit de Paris ou de Munich. Nos poètes? Hélas! Ils en parlent beaucoup, certes! Le mot forme une rime si riche avec père, mère, frère, solitaire, et avec de jolis mots impropres pour nous : primevère, bruyère, etc.! Mais, pas plus du reste que pour les autres éléments de notre flore merveilleuse, ils n’ont daigné un instant se pencher sur elles pour surprendre leurs secrètes harmonies, leur formule de beauté. Pauvres arpenteurs d’asphalte qui s’évertuent à chanter ce qu’ils ne connaissent pas et n’ont jamais aimé! »

***

J’y ai aussi appris avec étonnement qu’à la fin du dix-neuvième siècle, il y avait en Amérique du Nord un débat concernant la supériorité des lisses de bois (d’érable) sur le fer pour construire les chemins de la colonisation. Extraordinaire: j’ai pu retrouver la référence indiquée par Yves Gingras et Gilles Beaudet: ici sur Google Books. Extrait:

« Pour se faire une juste idée de la valeur des chemins à rails de bois (…) il est bon de ne pas perdre de vue le mode de construction particulier de ces chemins.

D’abord, les travaux de terrassement, de déblai, de remblai, etc., s’exécutent comme pour une ligne de chemin de fer ordinaire, avec cette différence capitale, toutefois, qu’avec les rails de bois, les rampes peuvent être beaucoup plus raides, les pentes plus déclives, et les courbes à rayon beaucoup plus petit.

Les roues de métal mordent mal sur le fer ou sur l’acier; et pour peu que les rampes ou que les pentes soient fortes, les roues glissent et patinent. (…)

De là, avantage immense au point de vue de l’économie, et dont on ne tient pas assez compte. On s’imagine assez généralement que toute l’économie à réaliser dans la construction de ces chemins consiste dans la différence du prix de revient des rails de bois et des rails de fer; c’est une erreur.

En effet, les rampes et les pointes pouvant être beaucoup plus fortes, les travaux de déblai et remblai sont par là-même, beaucoup moindres. De plus, les courbes pouvant être à rayon beaucoup plus petit, cela permet de détourner avec la plus grande aisance les obstacles de tout genre: collines, monticules, etc., qu’il faut ordinairement percer quand il s’agit d’un chemin de fer. »

La conclusion du débat est évidemment connue: le Canada a été bâti autour des chemins… de fer.

***

Je termine la lecture de La Laurentie en fleur ce matin, au chalet, en pleine tempête de neige — et en savourant une belle coïncidence: lire parmi les remerciements formulés par Yves Gingras et Gilles Beaudet, un merci à Jacques Cayouette, botaniste et chercheur… de qui nous avons justement acheté ce chalet!