Dans une lettre publiée dans Le Devoir (et probablement dans d’autres journaux ) le 21 août, le président de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Monsieur André Caron, nous dit qu’en éducation, l’heure n’est plus à la critique, mais à l’action — en ajoutant que nous sommes trop sévères avec notre système scolaire, qui est l’un des meilleurs du monde.
Je partage son point de vue selon lequel nous bénéficions globalement d’un très bon système d’éducation — et il est vrai que nous avons toutes les raisons d’en être fiers. Je crois toutefois qu’il en est ainsi précisément parce que nous n’avons cessé d’être exigeants à son égard. Je trouve par conséquent pour le moins paradoxal qu’il nous demande de suspendre notre esprit critique pour plonger davantage dans l’action.
Plus concrètement, ce n’est certainement pas en cessant d’interpeller les commissions scolaires que nous renforcerons le système public d’éducation — dont je suis un fervent défenseur. Ce n’est pas en nous demandant de suspendre notre esprit critique ou en faisant appel à la solidarité pour que cesse l’expression des des points de vue divergents que nous ressortirons globalement plus fort de cette période où l’éducation est — plus que jamais — déterminante pour l’avenir de notre société.
J’aurais préféré qu’André Caron fasse un meilleur accueil à la critique, tout en nous invitant à le faire de façon plus constructive — en faisant davantage appel à la proposition qu’à la démolition. Parce qu’il a raison sur le fait que nous sommes souvent injustes dans notre façon de critiquer ceux qui font l’école.
Une telle attitude aurait été plus conforme à l’idée que je me fais du fonctionnement d’une société démocratique dont la force repose à la fois sur la possibilité pour les citoyens de s’exprimer et sur la capacité des leaders à favoriser la concertation, l’apparition d’une vision partagée de l’avenir et de faire naître de petits et grands projets collectifs.
Pour combattre le cynisme que déplorait François Legault un peu plus tôt cette semaine il faut miser sur l’esprit critique, la parole et la créativité des gens; certainement pas leur demander de se taire.
Cela dit: bonne rentrée à tous celles et ceux qui font l’école au quotidien — au ministère de l’Éducation du Loisir et des Sports; dans les services des commissions scolaires (les services éducatifs notamment); dans les écoles publiques et privées et dans les classes, surtout, et les profs tout spécialement. Et les élèves aussi bien sûr!
Je vous souhaite vraiment tout le soutien auquel vous êtes en droit de vous attendre de votre communauté .
En lisant entre les lignes de la lettre de M. Caron, je devine qu’il vise surtout les critiques qui s’attaquent à la pertinence des commissions scolaires.
J’avais bien compris que cela faisait aussi parti de la lettre François.
En me relisant ce matin, je constate que j’avais peut-être la mèche un peu courte hier. C’est surtout le titre qui m’a choqué, parce que je suis frappé depuis mon retour par toutes sortes d’appels de ce type qui associent le fait de ne pas critiquer à la solidarité. Et ça m’énerve.
Mais il est vrai qu’André Caron n’est pas aussi clair à cet égard dans le reste du texte… et j’aurais dû prendre en considération que ce n’est peut-être pas lui qui a choisi le titre qui a été donné au texte.
Je crois moi aussi qu’un sain processus pour faire avancer les choses comporte un volet action et un volet réflexion. ces deux volets évoluent à certains moments en alternance puis, à d’autres, évoluent simultanément.
Le problème, c’est que, parfois, l’esprit critique est confondu avec l’attaque sans nuance. Il y a une différence entre confronter des idées et attaquer publiquement les personnes qui défendent ces mêmes idées.
Trop souvent des personnes confondent les deux. Ces personnes croient alors qu’elles critiquent alors qu’elles agressent. À titre d’exemple, cet extrait d’un commentaire sur le blogue du RAEQ relatif à la confection des programmes du MELS : «…ce sont des fonctionnaires tout puissants et obscurs qui dirigent tout. Les profs dont on retient l’avis auraient, selon eux, l’allure de béni-oui-oui…» (1/23/07 @ 14:22)
On verse alors rapidement dans les affirmations gratuites et les attaques personnelles.
Cette forme de jugement n’est qu’une imposture de l’esprit critique. Il faut s’en défaire si on veut favoriser une action réfléchie.
@André: Je suis d’accord avec toi pour dire que certains travestissent l’esprit critique. Je disais d’ailleurs dans mon texte qu’un appel à « critiquer de façon plus constructive » — voire de proposer plutôt que de se contenter de « criticailler » — aurait été bienvenu de la part d’André Caron. On s’attendrait aussi à ce que la ministre puisse faire ce genre d’appel/rappel en début d’année scolaire.
Apprenons aux gens à s’exprimer, à critiquer, à proposer… mais continuons néanmoins à valoriser la critique et à remercier, de temps à autres, ceux qui le font de façon respectueuse — même quand ils ne sont pas d’accord avec nous.