Les sondages et le Jell-O

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Le Devoir proposait hier une intéressante réflexion de Nicole Stafford au sujet de la difficulté croissante de prévoir le résultat d’une élection: Prévisions électorales: tous se trompent!

Je m’interroge à mon tour sur ce que cela signifie, très concrètement, pour le Parti Québécois — dans la perspective de l’élection d’octobre 2018.

***

Le texte de l’ancienne directrice de cabinet de Pauline Marois s’articule autour de sept exemples d’élections ou de référendum dont le résultat n’a pas du tout été celui qui avait été prévu par les sondages:

  • l’élection québécoise de 2014 — la défaite de Mme Marois;
  • l’élection fédérale de 2015 — la victoire de Justin Trudeau;
  • le Brexit;
  • l’élection de Donald Trump;
  • l’élection de Jean-François Lisée comme chef du Parti Québécois;
  • la victoire de François Fillon à la primaire de la droite, en France,
  • la victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche, aussi en France;

Je crois, pour ma part, qu’il faudrait retirer l’élection québécoise de 2014 de cette liste parce que son résultat, bien que surprenant (décevant!), s’explique aisément par la mauvaise campagne du Parti Québécois.

Dans les six autres cas, le résultat final est effectivement apparu improbable jusqu’au tout dernier instant — comme s’il avait été insaisissable par les méthodes d’analyses traditionnelles. Mais est-ce bien le cas?

Je crains qu’en faisant cette analyse, on soit en réalité en train de simplement définir une nouvelle sorte de «mystère Québec»: une explication commode qui nous évite surtout de trop se remettre en question.

J’ose une explication beaucoup plus simple qui, si elle n’est qu’une hypothèse, a au moins le mérite de ramener le raisonnement sur le terrain du tangible.

Je crois que depuis une dizaine d’années (voire plus), une proportion croissante de la population de plusieurs pays occidentaux ressentent que la société dans laquelle ils vivent est bloquée, qu’elle se trouve dans une impasse — comme si elle était prise dans le Jell-O.

Les problèmes se répètent, les solutions proposées s’avèrent chaque fois inefficaces, les discours semblent déconnectés de la réalité et les partis presque politiques apparaissent tous interchangeables. Tout semble de plus en plus compliqué et les gens se sentent de plus en plus impuissant devant une situation qui n’évolue pas comme ils le souhaiteraient.

Le rapport de la tournée «Faut qu’on se parle» — Ne renonçons à rien — fait d’ailleurs le même constat.

Et c’est dans ce contexte qu’arrivent les élections — et, avec elles, une mise en lumière intensive, pendant plusieurs semaines, de tout ce qui fonctionne mal dans la société. L’omniprésence des discours partisans, inévitable en période d’élection, a aussi pour effet d’exacerber le sentiment de blocage et l’impression que les politiciens sont déconnectés de la réalité.

Dès lors, comment s’étonner que les électeurs soient de plus en plus nombreux à choisir, au moment de voter, le candidat ou la candidate qu’ils perçoivent comme le/la plus susceptible de les sortir du Jell-O?

Et pourquoi n’expriment-ils pas ce choix aux sondeurs? Mon hypothèse est que c’est tout simplement parce que le sentiment d’impuissance et le cynisme les amènent à ne tirer leurs conclusions qu’au tout dernier moment.

Cela ne veut pas dire que le résultat n’était pas prévisible! Ça veut seulement dire que pour bien comprendre la situation, il aurait fallut interroger les électeurs sur leur état d’esprit plutôt que se contenter de les questionner sur leur intention de vote.

***

Alors, si cette hypothèse est bonne, qu’est-ce que cela veut dire pour l’élection de 2018? En particulier pour le Parti Québécois?

Je pense que ça veut dire qu’il sera indispensable de formuler des propositions audacieuses, radicalement nouvelles, qui porteront sur des enjeux profondément ancrés dans la réalité des gens. Et ne pas trop s’en faire avec les sondages.

Je pense que ça implique aussi que notre programme ne devra pas tourner uniquement autour des thèmes qui ont fait notre marque de commerce au cours des dernières années.

Concrètement: ce n’est vraisemblablement pas une surenchère sur la question identitaire ou sur la langue qui va nous permettre de sortir des sentiers battus. Pas parce que ce ne sont pas des sujets importants (évidemment!), mais parce que nous n’avons (malheureusement) pas encore su faire la démonstration que c’est en travaillant sur ces thèmes qu’on peut sortir le Québec de l’impasse (réelle ou perçue) dans laquelle il se trouve.

Ça veut dire qu’il faudra que le Parti Québécois soit perçu comme une force de changement réelle, déterminée, qui ne se barrera pas les pieds dans les premières fleurs du tapis. Et pour ça, faire preuve d’authenticité et être capable de reconnaître les erreurs que nous avons pu faire dans le passé.

Ça veut aussi surtout dire qu’il faudra éviter, à tout prix, de donner l’impression qu’on demande aux électeurs une nouvelle chance pour réaliser le programme que nous avions proposé la dernière fois (voire la précédente!) — ce serait s’inscrire dans la continuité du Jell-O dont les gens ne veulent plus…

Une chose est certaine, avant de voter pour le Parti Québécois, les électeurs devront pouvoir répondre spontanément à la question que posait récemment Michel David: Pourquoi le PQ?

Photo: partie de l’oeuvre Thom Browne Selects, vue au Cooper-Hewitt Museum de New York en mai 2016.

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