Le monde a tellement changé

L’horaire du temps des Fêtes étant plus bohême… et les heures de sommeil beaucoup moins régulières, je me suis retrouvé à lire un livre au beau milieu de la nuit: Petite Poucette, de Michel Serres, publié en 2012

C’est un livre qui fait du bien. Un livre optimiste qui fait confiance aux nouvelles générations et à leur capacité de tirer profit des technologies pour construire un monde meilleur. Un monde qui sera forcément très différent — et c’est là tout le défi de ceux qui souhaitent accompagner son avènement.

Quelques passages que j’ai surlignés au cours de ma lecture:

«Je voudrais avoir dix-huit ans, l’âge de Petite Poucette et de Petit Poucet, puisque tout est à refaire, puisque tout reste à inventer.»

«Petite Poucette apostrophe ses pères: Me reprochez-vous mon égoïsme, mais qui me le montra? Mon individualisme, mais qui me l’enseigna? Vous-même, avez-vous su faire équipe? Incapable de vivre en couple, vous divorcez. Savez-vous faire naître et durer un parti politique? Voyez dans quel état ils s’affadissent…»

«Vous vous moquez de nos réseaux sociaux (…) Vous redoutez sans doute qu’à partir de ces tentatives apparaissent de nouvelles formes politiques qui balaient les précédentes, obsolètes.»

«[Certaines] grandes institutions (…) ressemblent aux étoiles dont nous recevons la lumière, mais dont l’astrophysique calcule qu’elles moururent voici longtemps.»

«Concentrée dans les médias, l’offre politique meurt; bien qu’elle ne sache ni ne puisse encore s’exprimer, la demande politique énorme se lève et presse.»

«Petite Poucette — individu, client, citoyen — laissera-t-elle indéfiniment l’État, les banques, les grands magasins, s’approprier ses données propres, d’autant qu’elles deviennent aujourd’hui une source de richesse? Voilà un problème politique, moral et juridique dont les solutions transforment notre horizon historique et culture. Il peut en résulter un regroupement des partages socio-politique par l’avènement d’un cinquième pouvoir, celui des données, indépendant des quatre autres, législatif, exécutif, judiciaire et médiatique.»

«Comment transformer […]? Réponse: en écoutant le bruit de fond issu de la demande, du monde et des populations, en suivant les mouvement nouveaux des corps, en essayant d’expliciter l’avenir qu’impliquent les nouvelles technologies.»

«Pourquoi ces nouveautés ne sont-elles pas [encore] advenues? Je crains d’en accuser les philosophes, dont je suis, gens qui ont pour vocation d’anticiper le savoir et les pratiques à venir et qui ont, ce me semble, failli à leur tâche. Engagés dans la politique au jour le jour, ils n’entendirent pas venir le contemporain.»

Il ne s’agit donc pas de changer le monde, il a déjà changé. Il nous reste toutefois «à réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d’être et de connaître…»

Merci à Yves William pour m’avoir suggéré ce livre.

Je vous le recommande à mon tour.

4 réflexions sur “Le monde a tellement changé

  1. Petite poucette est bien rangée sur ma bibliothèque, j’ai aussi bien aimé le regard différent porté sur les réseaux et les nouvelles générations. Plaisir de relire des extraits. Merci

  2. C’est vraiment rafraîchissant. Pour celles et ceux qui n’ont pas le livre. Allez sur YouTube, une couple de vidéos où Michel Serres la présente. Un délice.

  3. La sagesse que les précédentes générations se targuent de posséder doit comprendre une bonne dose d’accueil aux changements qu’initie la nouvelle génération. Nous sommes passés par là nous aussi face à nos parents. Place à l’entraide intergénérationnelle !

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