Trop de superlatifs!

On vient d’entrer dans le 11e mois de la pandémie. Tout le monde est évidemment tanné. Et tout le monde a compris qu’on en a encore pour plusieurs mois. Chacun doit trouver sa manière pour passer à travers.

Je délaisse pour ma part de plus en plus les médias — et même les journaux, dont j’étais un avide lecteur.

Je leur accorde moins d’attention parce que je suis tanné de l’abus des superlatifs. On dirait qu’il y a une surenchère pour attirer l’attention des lecteurs, pour susciter des réactions et pour provoquer l’indignation.

Tout a l’air d’être devenu grave, irréversible ou catastrophique. Et les débats que les textes provoquent sont à l’avenant: très polarisés. Je suis tanné de ça.

Comme cet article, à la une du Devoir de ce matin:

L’école virtuelle susceptible de donner des résultats «catastrophiques»

Il faut tout mettre en œuvre pour garder les écoles ouvertes préviennent des experts.

Franchement!

Et pourquoi ces guillemets? Le titreur savait que le terme était exagéré et a choisi de le conserver quand même? C’est une erreur — je décroche.

J’ai compris que les temps sont difficiles. Je sais que rien n’est simple. Je sais que la situation actuelle n’est pas idéale. Je sais que tout le monde fait son possible et que, trop souvent, ça reste insuffisant. Mais est-ce que c’est nécessaire de toujours faire craindre le pire?

Il y a des experts qui pensent qu’on court à la catastrophe. Soit. Il y a très probablement aussi des experts pour dire le contraire. Et d’autres (heureusement) pour apporter des nuances dans tout ça. C’est comme ça pour tous les sujets.

Je n’ai plus envie de me réveiller le matin pour me faire dire que le monde va encore plus mal que je le pense. Que tout est plus grave que je le crois et que bientôt le ciel va me tomber sur la tête.

Je pense que cet état d’esprit m’épuise encore plus que la pandémie elle même.

Je ne comprends pas que les médias adoptent cette attitude. Le contexte leur offre pourtant une belle occasion de démontrer le rôle qu’ils peuvent jouer pour cultiver un bon état d’esprit dans la population — pour contribuer à notre santé mentale individuelle et collective.

J’aimerais voir à la une des journaux des textes nuancés. Des textes qui engagent les lecteurs au lieu de leur faire baisser les bras. Des textes qui donnent envie de poser des gestes, au lieu de se dire que ça ne sert à rien. Des textes qui font des lecteurs des acteurs sociaux à part entière au lieu d’en faire des spectateurs-commentateurs des décisions prises par d’autres.

J’aimerais lire et entendre des experts qui ne se contentent pas de dénoncer, mais qui éclairent les prochaines étapes. Des experts qui apaisent aussi — parce que la panique n’est pas un bon guide et qu’elle nourrit très souvent les extrémismes.

J’ai besoin que les médias m’aident à rester ancré, à prendre un peu de recul, à mettre les choses en perspective — et surtout pas à me faire grimper dans les rideaux.

Je veux qu’on me rappelle qu’il y a eu des situations bien pire dans l’histoire, qu’on est passé à travers… et que cette fois aussi on va passer à travers — et d’autant plus facilement si on réussit à garder un peu d’optimisme.

Ça fait que c’est ça qui est ça… je suis ben ben tanné de tous ces superlatifs.

10 réflexions sur “Trop de superlatifs!

  1. Bon ben mon cher, tu es prêt pour lire tout plein de poésie! Allez, fouille chez l’Écrou: c’est TOUT miam! :-)
    C’est comme une bonne douche pour le cerveau, la poésie. Ça décrasse. :-D

  2. Tellement, tellement d’accord. Tellement constructif. Je souhaite que ces commentaires soient publiés dans Le Devoir, Le Soleil et La Presse et tout autre journal qui pourrait le relayer.

    Merci Lise-Marie Delagrave

    Envoyé de mon iPad

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  3. Cher Clément, si tu savais comme je te comprends. J’ai aussi opté pour des lectures plus inspirantes, tant en littérature qu’en essais. Je suis certain que ce n’est pas l’inspiration qui manque. Si non, je peux, comme Hélène, te faire des propositions. Mes salutations les plus cordiales. Et une année 2021 parsemées de découvertes et de nouveaux défis. Vincent

  4. Tu as bien raison Clément. Très triste de voir la presse s’enfoncer dans le sensationnalisme pour vendre de la copie. Une grande démission citoyenne… Ressourçons-nous dans la littérature, la musique, le cinéma, le grand air…

  5. @Helene — c’est vrai que ça fait longtemps que je n’ai pas lu de poésie. Je pense que je vais commencer par ressortir mon recueil fétiche: l’âge de la parole, de Roland Giguère.

    L’Âge de la parole

  6. @Lise-Marie Delagrave — je n’y avais pas pensé. Je vais voir si je peux trouver le temps d’en faire une version qui pourrait être envoyé aux courriels du lecteur. Merci de la suggestion.

  7. @Denis — est-ce vraiment une démission citoyenne? Et si nourrir temporairement nos réflexions à d’autres sources que les médias préparait au contraire un nouvel éveil, de nouvelles formes d’engagement pour les prochains mois? Qui sait?

  8. Clément, ce que je déplorais ici quant à la démission citoyenne est du côté des médias qui s’abandonnent à la facilité. Et oui de notre côté, s’abreuver à d’autres sources plus riches prépare de nouveaux éveils…

  9. @Denis: je comprends mieux! Merci de la précision — oui, et dans ce cas, pire que de la démission… c’est un détournement.

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