Je le dis depuis plusieurs années: pour moi, le mystère Québec n’existe pas. Je pense que c’est un concept qui sert le plus souvent à camoufler le manque d’intérêt de ceux qui l’évoquent pour la dynamique sociale, économique et politique de la Capitale-nationale.
Franchement, s’il y a un mystère, il est ailleurs. Il est notamment dans la tête de ceux qui croient encore que l’économie de la région de Québec repose sur la présence de fonction publique (ce n’est que 15% du PIB de la région!) et, conséquemment, que Montréal est le seul vrai moteur économique du Québec.
Le mystère est dans la tête de Philippe Couillard et de Dominique Anglade. Je ne peux pas expliquer autrement la composition du Comité consultatif sur l’économie et l’innovation dont ils ont annoncé la création hier après-midi.
Le mandat de ce comité est de formuler des recommandations pour favoriser l’accroissement de l’innovation, de la recherche et de la compétitivité des entreprises.
Il est composé de vingt-sept membres, dont… aucun de la région de Québec!
Et ce n’est pas la seule aberration: pratiquement personne issue de la nouvelle économie numérique (Google? svp…); qui portera la voix des régions-ressources; aucun représentant des industries culturelles; bien peu d’entrepreneurs pour témoigner de la réalité des petites et moyennes entreprises; et, comme le signalait Pierre Langlois sur Facebook cet après-midi: aucun représentant des sciences économiques («le milieu des affaires et l’économie sont deux choses bien distinctes. L’un cherche le profit, l’autre le bien commun.»).
Apparemment, pour ce gouvernement, la croissance économique et l’innovation c’est à Montréal que ça se passe, dans les tours à bureaux du centre-ville.
Ce n’est apparemment pas les ressources naturelles.
Ce n’est pas non plus les industries culturelles.
Ce n’est pas le secteur des assurances et de la finance, particulièrement forte à Québec.
Ce n’est pas non plus le secteur de l’optique photonique, pour laquelle la région de Québec est particulièrement reconnue.
Ce ne sont là que quelques exemples de ce qui me semble être des négligences importantes. La croissance économique n’est pas seulement le fait du secteur privé non plus — mais c’est peut-être une autre histoire.
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La région de Québec a une des plus fortes croissances au Québec, et le plus bas taux de chômage. Il doit bien y avoir ici quelques idées qui pourraient inspirer d’autres régions, voire Montréal, qui sait? Avec un peu d’humilité…
La création de ce comité est certainement une bonne idée. Les personnes qui y ont été nommées sont certainement des personnes très compétentes. Je ne remets pas ça en question. Mais la vision incroyablement centrée sur Montréal dont il témoigne me renverse complètement.
Il devient de plus en plus urgent de demander à ceux et celles qui nous dirigent pourquoi ils ignorent ainsi ce qui se passe à plus de 100km de Montréal, dans la Capitale-nationale et dans les autres régions du Québec. Ou pourquoi cela leur apparaît tellement négligeable (sauf pour quelques discours).
Certes, le Québec a besoin que l’économie de Montréal se porte bien. Mais ce n’est pas tout. Notre succès collectif suppose aussi que les régions se portent bien. Elles sont également source d’innovation. On ne pourra pas réussir sans l’apport de la région de Québec. La grande entreprise ne suffira pas non plus. Vive les PME! — qui sont elles aussi bien trop peu représenté sur ce comité.
La vision de l’économie et de l’innovation qui semble guider le gouvernement dans cette démarche m’apparait tellement dépassée qu’il me semble absolument nécessaire de la dénoncer dès maintenant, haut et fort. Je salue d’ailleurs la vigoureuse intervention de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec dans ce dossier.
J’ose croire qu’il n’est pas trop tard et que Dominique Anglade pourra ajuster le tir avant que le comité commence réellement ses travaux.
L’intelligence artificielle, l’automation, la méthode pour en prévoir et bien gérer les conséquences sociales sont des sujets fondamentaux pour le Québec.