Ville, technologie, démocratie

J’ai été fasciné par l’entrevue que Jean-Nicolas Blanchet a réalisée avec Michel Dallaire et que le Journal de Québec a publiée il y a quelques jours. Le président du groupe Cominar y partage certaines des convictions qui guident ses choix comme entrepreneur dans le domaine de l’immobilier: sa vision de l’avenir de la ville.

Le titre de l’article donne déjà le ton: La vie de tout le monde va changer.

Michel Dallaire est notamment convaincu que la circulation va bientôt changer complètement:

«La journée où les autos se conduisent toutes seules, ça roulera plus vite et plus proche. (…) Avez-vous une idée à quel point on augmentera la capacité des autoroutes? (…) Nos voitures vont aller nous porter au travail et retourneront ensuite à la maison.

on en est rendu là. Nous n’aurons plus besoin de stationnements. (…) On s’en va là, c’est la réalité, ça existe et ça s’en vient vite.»

Je partage son enthousiasme pour les automobiles autonomes (même si l’hiver reste un obstacle majeur pour les technologies existantes) et je suis, moi aussi, convaincu que l’organisation des villes va en être bouleversée à très court terme (une génération). Je suis plus perplexe devant l’idée que des véhicules personnels nous déposeront au boulot pour retourner à la maison, mais qu’importe.

Ce qui m’a le plus fasciné en lisant cette entrevue, c’est de constater l’écart qui semble s’être créé entre la vision du plus important promoteur immobilier de Québec (et d’une partie de ses collègues, réunis dans l’Institut de développement urbain du Québec) et celle que nous avons, collectivement, de l’avenir de notre ville (de nos villes).

Est-ce que les élus ont aussi une vision claire de comment évoluera la ville en réaction aux changements technologiques qui se présentent à nous? Quelle est-elle? Comment comptent-ils susciter l’adhésion de la population à cette vision?

Pendant que les promoteurs immobiliers réfléchissent à l’impact des bouleversements technologiques et planifient leurs projets en conséquence, les pouvoirs publics n’assument pas la responsabilité du leadership d’une réflexion collective sur ces questions — pourtant de plus en plus fondamentales. Les médias ne semblent pas pressés non plus de s’engager dans cette voie.

Comment peut-on évoquer la construction d’un troisième lien interrives à Québec, par exemple, sans évoquer l’impact de l’avènement des automobiles autonomes? Surtout quand on sait que plus de temps nous sépare de l’inauguration d’un tel lien (quel qu’il soit), qu’il s’en est passé depuis le début des projets de Tesla (autour de 2010).

Est-ce que les ingénieurs du ministère des Transports qui repensent la circulation à la tête des ponts (entre autres dans la perspective de la construction du projet Le Phare, un projet de Cominar), ont intégré ces technologies à leurs divers scénarios? J’en doute. Bravo si tel est le cas, mais cela ne pourra pas toujours se faire derrière des portes closes, ou dans le cadre de négociation avec des promoteurs immobiliers.

Un débat public s’impose au sujet de la vision de la ville qui nous anime (et qui guidera les investissements publics). Les changements technologiques qui s’en viennent seront sans précédent, tant par leur ampleur que par la vitesse avec laquelle ils s’imposeront à nous. Dans un tel contexte, l’engagement et l’adhésion des citoyens est un impératif démocratique.

Il me semble que Michel Dallaire devrait pouvoir convaincre le maire Labeaume de ça — et exercer ensuite un rôle de leadership dans cette réflexion.

2 réflexions sur “Ville, technologie, démocratie

  1. Il est peut-être temps que les dirigeants politiques sortent de leurs pensées et activités obscures et embourbées.

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