Décès de Seymour Papert

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Il y a dix ans, c’est un texte sur le blogue de Mario qui m’avait appris le terrible accident de Seymour Papert au Vietnam (relire ici). Nous lui avions même fait livrer des fleurs, directement à Hanoï (relire ici et ici). Hier c’est par téléphone de Mario qui m’a appris son décès.

Voici le texte que le Massachusetts Institute of Technology lui a consacré hier:

Professor Emeritus Seymour Papert, pioneer of constructionist learning, dies at 88

Seymour Papert est certainement une des personnes qui a le plus profondément influencé ma démarche professionnelle — depuis le secondaire, avec ma découverte du Logo, comme étudiant en sciences de l’éducation, comme enseignant, comme parent, et de façon encore plus générale, comme personne qui s’intéresse à la mutation de notre société au contact des technologies.

Papert était un esprit vif, passionné, parfois provocateur, qui réfléchissait en confrontant continuellement ses idées à la réalité. Il croyait profondément à l’importance des objets pour penser avec — «des objets qui doivent comporter l’intersection d’une présence culturelle, d’un savoir incorporé et de la possibilité d’une identification personnelle». Des engrenages avec lesquels il a joué enfant, à la tortue du langage Logo, en passant par les Lego Mindstorm et au mini-ordinateur OLPC, c’est ce qui a guidé toute son oeuvre.

Feuilletant avec tristesse ce matin les premières pages de ma copie (super annotée!) de Jaillissement de l’esprit, ordinateur et apprentissage, écrit en 1980, je retiens ces deux passages:

«…il y a un monde entre ce que les ordinateurs pourraient faire et ce que la société choisira de leur faire faire. La société ne manque pas de façons de résister à des changements fondamentaux et menaçants. Aussi, cet ouvrage concerne-t-il encore les choix qui devront être faits, et qui sont en fin de compte politiques. Il examine certaines des forces de changement, ainsi que les forces de réaction à ce changement, appelées à entrer en scène au fur et à mesure que l’ordinateur s’introduit dans l’univers de l’éducation, univers chargé d’implications politiques.»

«La salle de classe est à mes yeux un environnement artificiel et de rendement faible, inventé par une société qui d’ailleurs n’avait guère le choix (…) Toute la question est de savoir si l’école actuelle saura s’adapter en se transformant radicalement, ou si elle devra disparaître et se voir remplacer par autre chose.»

J’ai aussi pris le temps de survoler à nouveau le texte qu’il avait signé avec David Cavallo, en 2000, qui m’a beaucoup inspiré au cours de la période où j’ai travaillé à partir du concept de cité éducative. J’y avais fait référence ici en 2004:

La cité éducative comme un Learning Hub

Et je suis retourné à l’extraordinaire texte qu’il avait signé dans le deuxième numéro de la revue Wired, en 1993. Le récit de la petite fille de quatre ans qui désirait savoir si les girafes dorment debout m’est toujours resté à l’esprit depuis tout ce temps.  J’avais d’ailleurs évoqué ce texte sur mon blogue, en 2009:

L’image comme porte d’accès à la connaissance

Je me souviens en terminant du très agréable déjeuner que j’ai eu la chance de partager avec Seymour Papert et son épouse, Suzanne Massie, au Château Frontenac, en mars 2004, quelques heures avant qu’il ne prononce la conférence pour laquelle nous l’avions invité aux Rencontres Internationales du Multimédia d’Apprentissage.

Suzanne Massie m’avait fait cadeau dans les semaines suivantes d’un exemplaire de Land of the Firebird, the Beauty of Old Russia, le livre qui avait fait d’elle une messagère informelle entre Ronald Reagan et Michael Gorbatchev pendant la guerre froide (voir Wikipedia).

À la première page du livre, on peut lire, d’une belle écriture:

May 9, 2004

For Clément Laberge with my thanks for your warm welcome and hospitality in Quebec.

À bientôt. j’espère!

Suzanne Massie.

Je pense aussi à elle aujourd’hui. Ainsi qu’à sa famille et ses amis.

Merci M. Papert. Vous continuerez à m’inspirer longtemps.

Une réflexion sur “Décès de Seymour Papert

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