La face cachée de la photo

J’observe (et j’admire) le travail de Francis Vachon depuis de nombreuses années. Son travail de photographe, son travail de chroniqueur/blogueur et aussi son travail de pédagogue.

Francis vient de publier La face cachée de la photo — prendre et diffuser des images en toute légalité, chez Septembre Éditeur. À une époque où on publie tous des photos de tous bords tous côtés, c’est une lecture pertinente pour pas mal tout le monde.

Le livre est pratique, facile et agréable à lire, plein d’exemples concrets, récents et bien choisis. Il est, en plus, rédigé avec une pointe d’humour que j’ai beaucoup appréciée. Je l’ai lu d’un couvert à l’autre, mais il pourrait aussi s’utiliser comme un ouvrage de référence — sur le droit d’auteur de façon appliquée, en particulier.

Exemples tirés de la table des matières:

  • Est-ce que j’ai le droit de prendre une photo ici?
  • Que puis-je prendre en photo dans un lieu public?
  • Que puis-je prendre en photo dans un lieu privé?
  • Qu’est-ce que le droit à l’image?
  • Facebook et les autres réseaux sociaux: le droit à l’image à l’ère numérique
  • Qu’est-ce que le droit d’auteur?
  • Les exceptions au droit d’auteur
  • Violer des droits d’auteur, est-ce vraiment grave?
  • S’inspirer des photos, plagiat ou contrefaçon?
  • Les dix pires excuses pour utiliser des images illégalement
  • À qui appartiennent les droit d’auteurs sur les photos postées sur les médias sociaux?
  • Que faire en cas d’utilisation non autorisée de l’une de vos photos?
  • Des photos qui ne coutent rien, ça existe
  • Une photo de banque d’images, c’est bien, mais pas toujours

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J’ai écrit un autre texte ce matin dans lequel j’ai souligné le parcours inspirant de Samuele et Colombe St-Pierre. Celui de Francis l’est tout autant.

Extrait de son introduction:

«Rien ne me destinait à être photographe. Je le suis devenu à 31 ans alors que je gagnais bien ma vie en informatique.

Rien ne me destinait à développer une connaissance particulière du droit à l’image ou du droit d’auteur. C’est arrivé par la force des choses.

Rien me me destinait à devenir auteur. Demandez à tous les enseignants de français de toutes les écoles que j’ai fréquentées.

J’ai toujours été un piètre étudiant en ce qui a trait à la syntaxe et à l’orthographe, mais j’ai toujours aimé écrire. Ainsi, lorsque j’ai décidé de changer de vie en quittant mon emploi de programmeur pour retourner à l’école en photojournalisme, j’ai naturellement voulu documenter le processus sur un blogue. (…) Ce livre c’est un peu de tout ça (…) c’est tout cela résumé en trente quelques mille mots.»

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Et finalement… il serait inutile de cacher l’immense plaisir que j’ai eu en découvrant dans les remerciements, cette phrase de l’auteur:

Merci à Clément Laberge, sans qui je ne serais pas photographe et sans qui ce livre n’aurait pu exister.

J’ai reçu ces remerciements ça comme un précieux rappel d’à quel point il est important d’être généreux d’encouragements et de faire tout ce qu’on peut pour montrer de la confiance dans les gens qui nous entourent. On ne mesure jamais vraiment sur le coup l’importance que de bons mots peuvent avoir pour quelqu’un.

Alors tiens! Pour souligner ça, je vous invite à acheter un exemplaire du livre, à écrire quelques bons mots dedans et à l’offrir en cadeau à une personne dont vous appréciez le regard — et les photos qu’elle partage sur les réseaux sociaux!

Allez savoir quel effet ce geste pourra avoir sur la suite des choses!

Rencontres

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Je vole un peu de temps ce matin pour écrire. Avec vue sur la Baie de Gaspé. Lieu de la rencontre de deux civilisations. Rien de moins. Très belle petite baie. On imagine presque aisément la scène — ça pousse à la réflexion. C’était ici.

Il y a quelques jours, nous avons pu voir l’exposition de la Rencontre photographique du Kamouraska, au Centre d’Art. J’y ai été séduit par la démarche de Florence Le Blanc, d’une part, mais j’ai surtout eu un gros coup de coeur pour le projet Elles [collectionnent] des mondes de Catherine Tremblay et Véronique Béland.

Je vous laisse découvrir le projet à partir de leurs sites respectifs:

Site Web de Catherine Tremblay | description du projet

Site Web de Véronique Béland | description du projet

J’ai évidemment acheté le beau livre qui a été publié sur ce projet par les Éditions du Renard. Et si vous n’avez pas la chance de passer par Kamouraska, je vous invite à l’acheter… vous ne le regretterez pas! Quel beau projet esthétique, ludique… et même sociologique.

En essayant ce matin de photographier la croix de pierre qui souligne l’arrivée de Jacques-Cartier à Gaspé (imaginez, les vaisseaux dans la Baie, les drapeaux, les embarcations qui amènent les marins jusqu’à la rive, les autochtones, leur rencontre…) j’étais frustré par l’impossibilité de me débarrasser du grand M jaune de l’enseigne de McDonalds qui fait face au monument (scandaleux!). Alors clin d’oeil à l’oeuvre de Catherine Tremblay et Véronique Béland… je l’ai masqué en y apposant l’oeuvre dont Armand Vaillancourt a fait cadeau à la ville de Sainte-Anne-des-Monts: Drapeau blanc« ma statue de la liberté ».

 

 

 

Le Colosse de New York

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Première lecture préparatoire à une prochaine semaine à New York. Suggérée par un ami.

Le Colosse de New York, de Colson Whitehead.

Treize courts textes sur la ville dans lesquels l’auteur adopte un regard contemplatif pour nous présenter les lieux et les moments particuliers qui composent la métropole, ce qui fait son rythme, le battement de son cœur.

J’ai d’ailleurs été surpris par ce rythme qui ne correspond pas du tout à l’expérience que j’ai de cette ville dans laquelle je n’ai connu que la précipitation — la fuite, le 11 septembre 2001, et de courts séjours professionnels, toujours très chargés. Je découvrirai probablement cet autre rythme la prochaine fois.

J’ai particulièrement aimé les textes intitulés Les portes de la ville, Métro et Pluie — de loin mon préféré, dont voici quelques phrases:

« La première goutte, c’est le pistolet du starter, et en entendant la première détonation les gens courent… »

« Soupçonnant une telle éventualité, les vendeurs de parapluies surgissent pour faire des affaires. Ils ont attendu toute la semaine faisant provision de billets de un dollar. Les vertus de leur marchandise se passent de commentaire. »

« Les pointes argentées fusent et visent les orbites. Le risque statistique de perdre un œil est essentiellement imputable aux pointes de parapluie, et vous êtes sûrement la prochaine victime. »

« Au coin de la rue, il dispute à un fantôme l’âme de son parapluie. C’est la rafale qui l’emporte : alors qu’il attend que le feu passe au rouge, le parapluie se retourne et se déchire. On déplore de lourdes pertes. Les blessés, les victimes de ce combat, dépassent des poubelles, abandonnés, leur tissu noir froissé sur un thorax de chrome éclaté. Tel est leur destin. Ils finissent soit à la poubelle, soit oubliés au restaurant, au cinéma, dans le vestibule d’un ami, répandant au sol une large flaque. Dans cette ville, s’attacher à un parapluie, c’est le plus court chemin vers le chagrin d’amour. Une étude objective révélerait qu’il n’y a dans tout New York que vingt parapluies, qui ne cessent de passer de main en main. Bande de Casanovas. Ce sont les parapluies qui nous enseignent la douleur de la perte. »

Poésie, pédagogie et politique

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À la fin d’une réunion à la BAnQ, plus tôt cette semaine, j’ai pris le temps de m’arrêter au premier étage pour visiter l’exposition « Être ou ne poète », qui est consacrée à l’œuvre et à la vie de Gérald Godin.

L’exposition est très simple, mais très efficace. J’aurais aimé qu’elle soit accompagnée d’un document synthèse — ou d’un site Web complémentaire — mais, à défaut, je suis reparti de la bibliothèque avec un livre sous le bras:

Traces pour une autobiographie, Écrits et parlés II — Édition préparée par André Gervais, Éditions de l’Hexagone, 1994.

Page après page, j’y redécouvre un politicien-poète (et vice versa) absolument extraordinaire — et dont les motivations me rejoignent profondément.

« Ce qu’il faut faire, c’est de trouver la pédagogie pour montrer aux gens que c’est ça, la réalité, et comment la changer, cette réalité-là. La job, la tâche, le labeur de la gauche, actuellement, ou de toute personne qui veut que ça change, qu’elle se qualifie de gauche ou de quoi que ce soit, c’est un problème pédagogique: comment amener les gens à découvrir ou à se rendre compte de la façon dont les choses fonctionnent, premièrement, comment les convaincre qu’il faut que ça change, deuxièmement. »

Je pourrais en citer des dizaines d’extraits formidables. Je le ferai d’ailleurs sans doute au cours des prochains jours.

* * *

Je note également au passage ces deux extraits, que j’ai cités sur Facebook hier après-midi:

« La poésie peut-elle changer le monde? La politique peut-elle changer le monde? La poésie peut-elle changer la politique? La politique peut-elle changer la poésie?

On n’écrit pas ce que l’on veut. Ce que l’on écrit c’est ce qui, en nous, veut devenir de l’écrit. »

* * *

« Ce par quoi les deux se ressemblent [la poésie et la politique], en fait, c’est en ce que les mots sont les citoyens de la poésie. Innombrables, imprévisibles, vivants, dynamiques, changeants, intraitables et qui, au fond, dominent absolument ceux qui croient s’en servir. »

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Et j’en ajoute une dernière pour ce soir:

« G. G.: [Le pouvoir] est un poste d’observation unique. La nature humaine nous apparaît sous son plus beau jour (sic)… On constate que le sort du monde ne se joue pas au Conseil des ministres, mais dans le cœur de l’homme. Et je crois que le poète, par son langage, peut s’adresser au cœur des individus. Il est peut-être le seul à pouvoir le faire!

V. G.: Le pouvoir de la poésie serait plus réel que celui du politique?

G. G.: Je le crois. Les gens m’appellent le député-poète, et la mythologie qui entoure ces mots jette une sorte d’auréole autour de ma personne. Ça me permet plus de liberté; je peux dire les choses différemment. Plus fortement.

— Extrait d’une entrevue de Véronique Gagnon avec Gérald Godin.

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De la lecture très inspirante.