L’école, les TIC, et la cité

Je lis ce soir avec intérêt un texte de Bruno Devauchelle qui, partant de la publication d’une étude de Jacques Piette et Al. réfléchit à la fois sur la place des TIC à l’école et sur les rapports que l’école entretient avec la société. Extrait:

Malgré toutes les bonnes intentions qui sont sous-jacentes au travail de ces personnels, il est désormais clair que le cadre de leur travail (qu’ils le construisent ou qu’ils le subissent) est un facteur qui défavorise les pratiques pédagogiques des TIC dans un contexte éducatif.

Faut-il lancer ici un appel à un renouvellement des conceptions de la place des TIC dans le système éducatif ? Cette question doit désormais être au centre de nos préoccupations quand de tels rapport montrent cet écart. Comment un école qui prétend préparer des jeunes aux réalités du monde peut elle être éducative si elle ne montre du monde qu’une part qui n’a rien à voir avec la réalité qui se déroule une fois la porte franchie. […] comment éduquer à la liberté si l’on ne dispose pas des outils pour le faire? […]

L’école doit être le lieu de la « distance » d’avec le quotidien. Mais qui dit distance ne dit pas ignorance ou limitation. La distance implique la pleine conscience du rapport que chacun entretient avec les objets (sociaux, matériels…) qui l’entourent.

Un document à conserver pour les prochaines réflexions sur la plac e de l’école dans une cité éducative.

La nécessaire évolution des structures scolaires…

A priori, mes valeurs et mes convictions ne me rapprochent pas tellement de l’ADQ et de Mario Dumont. Je me réjouis néanmoins que ses interventions aient eu pour effet de remettre à l’ordre du jour la question de l’organisation du système scolaire québécois.

Je ne sais pas si je suis favorable à la proposition adéquiste de démanteler les commissions scolaires — qui me semble présentée de façon un peu simpliste — mais je suis ravi qu’on en discute. Je suis ravi qu’on doive réexpliquer leur mission et leurs responsabilités — qu’on doivent réexpliquer leur pertinence et qu’on s’interroge au sujet du système de représentation sur lequel elles s’appuient. Je aussi suis ravi de lire des propositions innovatrices, comme celle d’en faire des coopératives de services.

Je suis toutefois extrêmement déçu de constater que les villes ne se sont pas encore invitées dans la discussion. Silence stratégique? Prudence? Hésitation? Peur d’hériter de nouvelles (et coûteuses) responsabilités?

Elles n’auraient pas d’opinion? Je ne peux pas le croire. Ce serait un dramatique déficit de réflexion et de vision.

Évidemment, me direz-vous, puisque je suis depuis longtemps convaincu d’une approche éducative de la ville…

Je suis plus que jamais persuadé que les apprentissages les plus essentiels pour vivre heureux de façon durable dans un monde qui évolue de façon accélérée ne peuvent s’apprendre qu’au contact de la cité — hors du sanctuaire scolaire que certains voudraient voir renaître.

La solidarité et la paix — valeurs essentielles pour bien vivre ensemble — ne peuvent s’apprendre qu’au contact des Autres. L’école doit être le sas de cette société à apprivoiser; permettre et valoriser les échanges avec le monde réel — il faut faire tomber les murs de l’école aussi souvent que possible. Et cela ne peut être possible qu’en étroite complicité avec la cité et sa forme politique, la ville.

C’est sous cet angle que j’ai envie que nous cherchions des réponses aux questions soulevées par l’ADQ… et qui demeureront vraisemblablement à l’ordre du jour politique au terme de l’élection de demain.

Centre d’exploration scientifique

« Son projet : créer un lieu grand public pour faire vivre les sciences. Pour partager les résultats de la recherche, montrer des prototypes, toucher, voir, expérimenter, semer le goût des sciences chez les jeunes et, peut-être, de la carrière scientifique. […] Un lieu pour rire, courir, pour parler fort. Un lieu qui donnerait envie de revenir pour vivre d’autres expériences. C’est comme ça qu’elle imagine la chose.  […]

« Un centre de sciences est aussi un outil de développement économique pour une région, un attrait touristique supplémentaire, une vitrine pour les entreprises locales. On y développera peut-être le goût de l’innovation et du risque qui manque parfois à cette ville. »

Texte complet sur le blog de Mario…

Tout savoir sur le projet sur le site de la Boîte à Science…

Lettre à Marcel Grenier, 10 ans plus tard

À peu de choses près la lettre envoyée il y a quelques minutes par courriel à Marcel Grenier, directeur général de la municipalité de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier.

Je la reproduis ici pour mémoire, mais aussi pour partager un peu plus largement les remerciements que j’ai eu envie de lui transmettre de tout coeur.

—/ début /—

Bonjour M. Grenier,

Vous ne vous souvenez sans doute pas de moi, mais je me souviens très bien de vous. J’ai été responsable il y a dix ans (déjà!) d’un camp de jour technologique qui avait été organisé pour une trentaine d’élèves des écoles « du bas et du haut de la côte » de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Cela avait été une extraordinaire expérience, qui conserve une place très particulière dans mon vécu pédagogique avec les TIC. La collaboration de la ville avait été indispensable pour rendre possible la tenue du camp de jour, mais votre complicité avait encore plus importante pour lancer les activités — comme celles de plusieurs autres Catherinois, d’ailleurs, et notamment celle  de M. Robitaille, de l’auberge Juchereau-Duchesnay. Cette expérience me suit encore tous les jours, partout où je vais, et je reste motivé par l’idée de la ville comme une « cité éducative » — un possible que j’ai pour la première fois « senti » à Sainte-Catherine.

C’est la lecture de cet article dans Le Soleil qui m’offre l’occasion de vous écrire aujourd’hui:

Le papier? Fini au conseil municipal!

J’ai eu envie de vous écrire à la lecture de ce texte parce que j’y ai reconnu encore une fois votre conception visionnaire de la ville et votre audace de précurseur — deux qualités qui ont été très inspirantes pour moi il y a dix ans et qui pourront sans aucun doute encore l’être encore pour bien des jeunes de votre coin de pays (et d’ailleurs!). Je vous en remercie car ce sont des qualités dont il est essentiel d’offrir aux jeunes (et aux moins jeunes) des exemples concrets.

C’est de Paris, où je travaille (toujours dans le domaine de l’éducation et des technologies) que j’ai pu lire le texte dans la version électronique du Soleil, mais je compte bien passer vous voir un de ces jours afin de vous féliciter et pour vous remercier de vive voix, parce que c’est un peu l’expérience que nous avons vécu ensemble — au tout début de ma vie professionnelle — qui m’a porté jusqu’ici.

Encore merci.

Très cordialement,

Clément 

—/ fin /—

Québec sans fil

« Pour faire de Québec une ville Internet sans fil d’ici les fêtes du 400e, Gilles Duceppe entend proposer au gouvernement fédéral de créer un projet pilote avec un fonds de soutien pour les projets de ville sans fil. Québec pourrait ainsi profiter d’une vitrine exceptionnelle, où les visiteurs découvriraient le mariage harmonieux entre la splendeur du patrimoine et le dynamisme de la modernité qui la caractérisent. »

Source: intervention finale de Gilles Duceppe dans le cadre de Québec, carrefour international

Ça avance! Restera bientôt plus qu’à le faire!

Croire dans l’éducation

Un texte de François m’a bousculé il y a quelques jours: désillusion de l’éducation. J’ai dû prendre un peu de temps pour y penser avant de réagir… parce qu’il ne faut pas perdre confiance dans l’éducation. Nous n’en avons pas les moyens… il n’y a rien d’autre pour faire face à l’obscurantisme, à l’injustice, à la misère à la guerre et aux espoirs déçus.

Quand on ne croit plus dans l’éducation on ne croit plus en rien. Il faut y croire. Par conviction ou, à défaut, par obligation.

En contrepartie, il faut sans doute accepter de remettre en question notre conception de l’éducation et la manière dont on la conduit généralement.

* Charles-Antoine insiste sur l’importance du « vivre ensemble »;
* Negroponte, cité par Mario, rappelle que l’enseignement n’est qu’une des manières d’éduquer;
* Le congrès des Villes éducatrices (où je serai évidemment!) sera l’occasion de nous rappeler que les écoles ne sont pas le lieu exclusif de l’éducation.

C’est juste, je partage tout ça, mais je pense qu’il faut aller plus loin. Il faut surtout remettre en cause notre conception pittoresque de « l’éducateur solitaire » — celui qui enseigne seul devant son groupe d’élève — et (re)bâtir une conception de l’éducation comme une responsabilité véritablement collective, où l’enseignant joue un rôle essentiel au sein d’un vaste ensemble d’intervenants, dans et hors de l’école.

Être éducateur aujourd’hui, être prof, être pédagogue, est-ce que ça ne devrait pas d’abord et avant tout être un leader — celui qui prend les devants — être celui ou celle qui coordonne le déploiement de toutes les ressources que la société choisi de mettre à la disposition des enfants pour apprendre à vivre en société? Être celui qui accompagne, celui qui trace le parcours par lequel un petit humain devient un adulte? Être prof, n’est-ce pas avant tout être en mesure de mettre en contact, au moment opportun, ceux qui savent et ceux qui veulent ou ont besoin d’apprendre?

Pas facile tout ça. Impossible, sans doute, dans le contexte actuel. Mais est-ce une raison suffisante pour ne pas y croire? Pour ne pas l’espérer? Pour ne pas travailler à faire en sorte que cela puisse se réaliser?

Je comprends très bien que François puisse flirter avec la désillusion. Ce doit être difficile, très difficile, par les temps qui courent, d’être un prof solitaire dans une école-sanctuaire.

Vraiment, plus que jamais, la pédagogie telle que je la conçois passe par:

– Une ouverture croissante de l’école sur son milieu;
– La conception de la ville comme une cité éducative;
– La reconnaissance des profs comme les indispensables catalyseurs de la réalisation d’un travail social qui ne peut être que le résultat d’une concertation et d’un engagement collectif permanent.

Voilà pourquoi je rêve d’une ville où des incitatifs seraient mis en place pour:

– encourager les écoles à mettre en tous temps leurs ressources à la disposition des communautés qui vivent à proximité;
– pour multiplier les interactions de nature éducative entre tous les acteurs de la communauté;
– valoriser le travail des enseignants et leur accorder les privilèges nécessaires pour leur permettre de collaborer plus facilement entre eux, de tirer profit des ressources de leur milieu, de faire appel aisément aux médias, aux entreprises, aux élus, etc.

Quand il est question d’éducation, devant le risque de désillusion il faut rêver. Croire et rêver.

Ma langue, deux langues, les langues…

Chaque matin, je survole sur le Web les principaux textes de quelques journaux français et québécois: pour garder le beat, pour faciliter la découverte des contrastes entre mon hier et mon aujourd’hui… pour inventer progressivement mon demain. J’aime les contrastes, petits et grands, parce qu’ils m’interpellent.

Le contraste était particulièrement fort, jeudi, entre les textes placés à la une du Soleil et à la une du Monde. Extraits:

À Québec: « Germain Lamonde, président d’EXFO, suggère de laisser tomber la francisation des immigrants afin de les convaincre de venir… et de rester. Si les immigrants doivent absolument apprendre le français pour venir s’installer ici, oublions ça. L’immigration, c’est tout un défi pour une ville blanche et monolithique comme Québec. Mais c’est aussi une grande opportunité » […] Les Québécois devront faire un effort pour « s’internationaliser de l’intérieur », poursuit M. Lamonde. »

(Source: Le prix à payer: sacrifier le français, Le Soleil, 27 avril 2006)

À Paris: « Le premier devoir de quelqu’un qui est accueilli est de respecter celui qui l’accueille, et donc d’aimer la France ou au moins de la respecter. […] C’est un minimum que d’exiger que l’on apprenne le français. »

(Source: Immigration et Front national: Nicolas Sarkozy s’explique, Le Monde, 28 avril 2006)

La situation linguistique en France et au Québec est évidemment très différente. Celle de l’immigration aussi.

Je ne doute pas que de très vives réactions ont dues suivre la suggestion de Germain Lamonde, peut-être avec raison, je ne sais pas. Est-ce une proposition réaliste? Ça reste à voir. Il y a peut-être d’autres pistes à explorer.

Quoiqu’il en soit, le contraste me laisse l’impression que sur la question linguistique, le Québec « reprend un peu de confiance » alors que la France semble être tentée par « le repli sur soi ». Si c’est bien le cas, je m’en réjouis pour le Québec, et m’interroge, perplexe, pour la France.

Cela dit, « reprendre confiance », à Québec, ça me semble encore insuffisant! Il faudra s’ouvrir davantage, valoriser l’apprentissage des langues, beaucoup plus! Stimuler leur pratique et leur affichage. Il faut cesser de s’étonner que les panneaux d’information touristique soient aussi en anglais, et faire en sorte qu’ils soient également en espagnol, en allemand, et en italien, par exemple.

Parmi les choses qui me frappent le plus depuis mon arrivée en France, c’est de constater que le monde ne se construit pas qu’en anglais — contrairement à l’impression que peut nous laisser la vie quotidienne à Québec — ni même dans une seule langue à la fois, quelle qu’elle soit… C’est une affaire de multilinguisme!

L’Europe (un concept très « réel » vu de Paris) se construit en plusieurs langues à la fois, dans une danse des mots qui s’affichent partout: dans le tourisme, sur les boîtes de céréales, dans les publicités, dans les sites Web pour enfants, etc. Et je me dis que cette prise de conscience est absolument essentielle aujourd’hui pour rester dans la game.

À cet égard aussi, il faudrait que Québec soit une cité éducative. ;-)

Mise à jour: Incroyable! Même débat… dans la plus prétendue plus grande puissance du monde:

« And I think people who want to be a citizen of this country ought to learn English, » Mr. Bush said. « And they ought to learn to sing the national anthem in English. » »

(Source: NewYork Times, 29 avril 2006).

Merci à Margarita pour avoir attiré mon attention sur le sujet.

Coïncidences sur le thème « Cité éducative »

Je manque terriblement de temps pour écrire ici aussi souvent que je le voudrais. Mais aujourd’hui, trop de choses ont « curieusement » attiré mon attention pour que je ne prenne pas le temps d’en laisser quelques traces… il me semble que tout m’interpelle pour me rappeler de ne pas oublier que le concept de cité éducative doit rester au coeur de mes réflexions — que c’est ma pierre angulaire.

— Il y a quelques jours un message de Québec, sollicitant ma collaboration sur le sujet…

— En entrant dans le métro ce matin, une affiche: Vivre les villes

— Puis ce soir, toujours dans en entrant le métro: Concours Talents des Cités

— … comme si ce n’était pas assez, en sortant du métro, on me met dans les mains un programme du Festival artistique étudiant "Ici et demain"

— Et en rassemblant tout ces liens, je découvre la Maison des initiatives étudiantes« …parce qu’il est essentiel d’établir un véritable dialogue entre la Mairie et le monde étudiant… »

— Tout ça sans compter un autre message qui m’invitent à prendre contact avec un spécialiste des relations entre musées et citoyenneté. Décidément!

Merci Colonel ! (il faut lire Kafka sur le rivage pour comprendre — un livre aussi superbe qu’étrange)

La région c’est « un » centre du monde

Un autre extrait du texte de Patrice Létourneau:

« La région, c’est le lieu des origines, celui qui façonne et construit. C’est le lieu de l’accueil de l’étrange et de l’étranger, le lieu de l’ouverture aux autres. C’est le lieu centrifuge des œuvres qui partent à la conquête du monde. C’est un milieu de vie, « un » centre du monde où se joue et se déjoue, dans la quotidienneté, l’avenir de l’être humain. »

— Réjean Bonenfant et Gérald Gaudet, dans Dictionnaire des écrivains de la Mauricie (Écrits des forges, 444 pages)

Entre l’utopie et la réalité

C’est étrange.

J’ai été silencieux ici très (trop?) longtemps parce que je manque de temps pour mettre de l’ordre dans mes idées personnelles… me contentant pour le moment d’absorber, de noter, d’emmagasiner. J’en ai plein les yeux, plein le coeur, plein la tête.

Et voilà précisément que c’est cette difficulté de trouver du temps pour réfléchir qui me ramène ici.

Parce que mon blogue est le meilleur outil dont je dispose pour m’accompagner dans mes réflexions.

Parce que je l’ai modelé ainsi; parce qu’il m’est personnel… tout en me reliant à des gens qui ont manifesté de l’intérêt pour réfléchir avec moi.

Évidemment, le problème quand on reprend l’écriture après autant de temps, c’est de savoir par où commencer, parce que forcément, les sujets ne manquent pas…

Cette fois, quand je cherche un fil conducteur entre toutes les idées, embryonnaires, qui me passent par la tête depuis quelques semaines, il y a un texte qui occupe une place privilégiée. Il s’agit d’un texte de François Dubet, lu dans Libération, le 12 janvier.

Dans ce texte intitulé Redoutable égalité des chances, le sociologue aborde sans complaisance le caractère utopique (voire illusoire) du concept d’égalité des chances qu’il estime, par ailleurs, indispensable pour le bon fonctionnement (et le développement) d’une société démocratique.

Pourquoi utopique?

« …tout devrait nous conduire à être prudent en la matière car, après tout, l’ensemble des recherches sociologiques conduites en France et ailleurs montre que ni l’école ni le marché du travail ne parviennent à effacer les effets des inégalités sociales. »

« …l’égalité des chances constitue notre horizon de justice central, qu’elle est la fiction sur laquelle nous continuons à imaginer qu’il est possible de construire des inégalités justes. Un enseignant peut être révolté par les inégalités sociales qui pèsent sur les performances de ses élèves, il n’empêche qu’il est «obligé» de croire à l’égalité des chances quand il note leurs copies… »

« L’orgueil des élites issues des compétitions économiques et scolaires montre aisément que l’égalité des chances peut être, à la fois, une forme de justice et une manière de légitimer de plus grandes inégalités puisque celles-ci sont produites par un principe indiscutable. Dès lors, l’égalité se retourne contre elle-même. »

« …si nous méritons nos succès et nos échecs, nous ne méritons pas forcément les vertus et les handicaps qui nous font triompher ou échouer. »

« Même juste, l’égalité des chances implique mécaniquement qu’il y ait des vaincus… »

Pourquoi nécessaire?

« …il est évident que, dans les sociétés démocratiques affirmant l’égalité fondamentale des individus, l’égalité des chances est la seule manière de produire des inégalités justes, c’est-à-dire des inégalités tenant au mérite de chacun, à son travail, à sa vertu et à sa liberté puisque chacun doit être libre de mettre son propre mérite à l’épreuve. »

« …l’égalité des chances ne vise pas à produire une société égalitaire, mais une société dans laquelle chacun peut concourir à égalité dans la compétition visant à occuper des positions inégales. »

« La lutte pour l’égalité des chances ne peut pas faire l’économie du combat pour la réduction des inégalités sociales, des inégalités des positions et des ressources… [c’est] la seule façon d’offrir des garanties et une égalité sociale fondamentale à ceux qui échouent dans la compétition égalitaire, fût-elle juste. »

« Pour être juste et vivable, une société ne peut se réduire à cette sorte de compétition permanente et d’autant plus permanente qu’elle serait juste, à une société dans laquelle chacun ne serait que l’entrepreneur de lui-même. Pour cette raison, la justice ne consiste pas seulement à réduire les inégalités de position, elle conduit aussi à faire que ces positions soient les meilleures possibles en permettant à chacun de construire la vie qui lui semble bonne. »

Pourquoi avoir choisi ce texte?

Parce que d’une certaine façon, il rassemble plusieurs convictions qui me servent à articuler mes préoccupations sur la ville comme une cité éducative (plus présentes et alimentées que jamais), sur le rôle de l’école (que je découvre sous de nouveaux angles), sur la place du matériel didactique et des « technologies numériques » (plus que jamais au coeur de mon quotidien) dans un projet éducatif « libérateur et solidaire ». Il fait aussi clairement écho à plusieurs des observations (parfois étonnantes!) que je fais sur l’évolution de la situation politique à Québec, au Québec et au Canada.

En effet, quand je lis, j’entends et je vois, malgré la distance, les discours simplistes de plusieurs politiciens; quand je m’indigne (en privé, pour le moment) de plusieurs décisions qui se prennent dans ma région; quand je lis avec effroi certains discours sur la réforme scolaire; et quand je constate que la tactique fait office de valeurs pour plusieurs partis et mouvements politiques qui devraient animer l’espace public dans le but de « tirer la société vers le mieux »… je me dis que c’est très juste (et nécessaire) aujourd’hui d’affirmer, comme le fait François Dubet dans ce texte, que malgré les contraintes auxquelles la réalité nous confronte, et en dépit des résignations temporaires qu’il est parfois nécessaire d’accepter, il faut continuer d’affirmer les valeurs qui nous guident, de formuler des utopies et d’oeuvrer avec détermination à rallier les gens autour des idées qui en découlent. À défaut de le commenter de façon plus complète dès maintenant, notons que c’est également dans cette perspective que j’ai lu avec grand intérêt la récente réflexion de Philippe Meirieu sur le rôle des enseignants à l’horizon 2020.

En d’autres termes, ce qui apparaît dans un premier temps contradictoire peut n’être en fait qu’un méandre sur la trajectoire qui doit nous mener vers une destination projetée. Évidemment, il n’y a rien comme avoir clairement en tête cette destination pour accepter les détours auxquels la vie nous convie…

Il me semble qu’en cela le travail des enseignants et celui des animateurs de l’espace public se rejoignent clairement parce qu’ils impliquent dans les deux cas d’être en mesure de formuler des projets dans lesquels les gens à qui ils s’adressent pourront s’engager avec suffisamment de conviction pour accepter les efforts et les sacrifices que leur réalisation peut impliquer.

C’est aussi — dans une tout autre perspective — le défi qui se pose à moi ici pour les prochains mois. Je m’en réjouis.

Quinze jours plus tard…

Fallait-il partir de moi? de ma rencontre de l’Autre? Privilégier une perspective plus personnelle? ou plus professionnelle? Qu’importe! J’ai choisi les airs de Zebda (Essence ordinaire, 1998) et je me suis lancé dans l’écriture.

Mon visage est une page qu’on n’arrache pas
(Tombés des nues)

Les deux semaines qui viennent de s’écouler auront été marquantes à bien des points de vue. Être loin de sa famille, laisser des copains derrière soi, vendre sa maison, aborder un nouvel emploi — dans un nouveau pays — et apprivoiser tous les sentiments qui accompagnent cela, ça ne laisse pas indemne. C’est une expérience particulièrement intense.

Lire la suite de « Quinze jours plus tard… »

Plaidoyer pour une école refermée sur elle-même!

Invraisemblable discussion entre Jacques Dufresne et Normand Baillargeon à Indicatif présent ce matin. Je classe ça dans le pur délire marqué par la confortable négation de la réalité. Je n’en reviens tout simplement pas! Peut-être que je suis trop sévère, mais je n’ai pas le goût de maquiller ma première impression… pas pour le moment du moins.

Un extrait de Jacques Dufresne:

« Une école c’est une cité dans la cité et les murs de cette cité doivent être défendus […] Une personne qui entre dans une école sans être désirée, c’est la barbarie qui rentre dans l’école. On ne peut pas faire l’école si les murs de l’école ne sont pas protégés. Il n’y aura pas la paix requise et c’est pour ça qu’une autre des caractéristiques de nos écoles, l’ouverture sur la rue ou sur la vie, est quelque chose de catastrophique à mes yeux. L’école doit être centrée sur elle même, centré sur un idéal de savoir et d’humanité, et protégée contre les assauts de la rue. […] Je le dis au sens strict et au sens métaphorique. Il faut que l’école soit une espère de sanctuaire […] sinon c’est la rue qui va prendre le dessus… »

Je pourrais difficilement être plus en désaccord. Sur cet extrait et de façon plus générale. Sur la comparaison que Baillargeon fait entre la « formation à l’entrepreneuriat » et la société stalinienne aussi. De mon point de vue, tout ça n’est que pur délire. Et que dire de l’affirmation selon laquelle « l’ouverture au monde » comporte de grands dangers d’endoctrinement des enfants… Et les alternatives alors?

Et que dire, encore, de l’odieuse prétention de Dufresne selon laquelle « quand on est brillant actuellement on hésite à aller étudier en sciences de l’éducation »? Incroyable, non?

Tout cela est sordide, dit Dufresne. Une calamité, ajoute Baillargeon. Je pense plutôt que ce sont toutes ces affirmations à l’emporte-pièces qui sont sordides. Déplorables. Condamnables. Parce qu’elles ne font rien pour aider les éducateurs qui tous les jours, sont concrètement sur le terrain, avec les enfants, ceux qui ont de la facilité et tous les autres. C’est un discours paternaliste, certainement aussi « déconnecté» que ceux qu’ils prétendent pourtant dénoncer.

Merde!

Faudra que j’y revienne pour élaborer un peu au lieu de juste réagir, peut-être trop subitement. Mais c’était impossible de faire autrement… D’autant plus que je respecte pourtant, d’autres parts, les deux interlocuteurs de cette invraisemblable discussion. Re-merde!