Je suis ravi par la direction que Véronique Hivon a donnée jusqu’à présent à sa campagne vers la chefferie du Parti Québécois. Elle fait ce qui est nécessaire pour qu’on puisse (enfin!) relancer le débat sur la question nationale sur de nouvelles bases. Et elle le fait avec un plaisir évident. Ça fait du bien!
Ce sont les forces du statu quo qui ont réussi à définir les termes du débat depuis plus de vingt ans: en imposant des thèmes, en faisant tout tourner autour de la tenue d’un référendum et canalisant tous les débats dans la sphère partisane. On a déjà joué dans ce jeu-là. Et on a appris que les dés y sont pipés. Je ne comprends pas que certains aient encore envie de s’y engager.
Il faut éviter ce piège. Il faut remettre la question de l’avenir du Québec dans les mains de la population québécoise. Et, pour ça, il m’apparaît nécessaire de revoir le mode de scrutin, le rôle de député, la pratique parlementaire et de créer de nouveaux espaces de démocratie. L’assemblée constituante en est un bel exemple.
Véronique Hivon promet une grande réforme démocratique | L’action | 24 mai 2016
Hivon propose une assemblée constituante | Le Devoir | 25 mai 2016
Je suis profondément convaincu qu’un programme comme celui-là menace bien plus le statu quo que tous les discours qui s’inscrivent dans le paradigme référendaire, même les plus enflammés et les plus pressés. Ceux qui ont un intérêt dans le régime fédéral actuel ont démontré qu’ils savent très bien comment gérer un parti politique indépendantiste qui réserve son action pour les travaux de l’Assemblée nationale — à plus forte raison quand il est occupé à gérer les affaires de l’État. Ce sera pas mal plus compliqué pour eux de contrôler un mouvement citoyen qui aspire à l’émancipation.
Le texte de Claude Castonguay publié dans La Presse d’hier me semble très révélateur à cet égard: certains sentent déjà le besoin de nous ramener sur le terrain de jeu où ils savent comment gagner. «Si les candidats à la direction croient vraiment dans l’option de l’indépendance, ils doivent (…) s’engager à tenir dans un délai d’un an un référendum sur l’indépendance». Eh bien non, justement. Merci de nous avoir présenté aussi clairement le piège à ours. Je préfère personnellement emprunter le sentier qui permet de le contourner.
Après ce début de campagne marqué par des engagements forts en faveur d’une démocratie plus vivante, j’espère que Véronique Hivon pourra maintenant s’engager sur la même voie pour parler d’économie. Parce qu’il y a beaucoup à faire, là aussi, si on veut redonner confiance à la population.
Il faut éloigner l’idée que l’économie est quelque chose qu’on devrait subir, contre quoi on ne pourrait presque rien et à quoi il faudrait docilement s’adapter. Il faut rappeler que l’économie est un des plus puissants leviers pour accéder à la liberté — tant au plan individuel que collectif. Il faut en parler avec enthousiasme et ambition. Avec un préjugé favorable pour l’innovation aussi.
C’est d’autant plus vrai à cette époque où les technologies numériques sont en train de transformer très rapidement et en profondeur l’économie du Québec. Si on ne s’approprie pas ces leviers maintenant et qu’on les abandonne aux mains des gigantesques multinationales qui sont en train de prendre forme et qui tentent d’imposer leurs règles, on risque de se retrouver rapidement devant le constat que l’idée même de souveraineté nationale nous aura peut-être échappée.
Si l’avenir du Québec passe par une démocratie plus vivante, il passe aussi par une économie plus innovante et plus vigoureuse, qui devra être portée par une culture entrepreneuriale de plus en plus forte.
Photo: Blossom, de Stanford Biggers, vu au Brooklyn Museum.
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Dans sont article dans La Presse, Castonguay ressort la vieille rengaine de la peur: peur des bouleversements afférents à l’indépendance, peur de perdre les transferts fédéraux, etc. Les transferts fédéraux, c’est justement là le problème: le déséquilibre fiscal. Le gouvernement fédéral qui prélève plus d’impôts et de taxes que ce dont il a besoin pour s’acquitter de ses responsabilités, limitant d’autant la capacité du gouvernement provincial à prélever les revenus dont il a besoin pour s’acquitter des siennes. Raison pour laquelle nous vivons dans «une maison de fous».
Là-dessus, il faut lire le livre récent de Marc-André Turcotte, «Le pouvoir fédéral de dépenser ou comment faire indirectement ce qu’on ne peut faire directement», Éd. Yvon Blais.
Autre commentaire, cette fois, concernant une de tes réflexions sur l’économie: «Il faut éloigner l’idée que l’économie est quelque chose qu’on devrait subir, contre quoi on ne pourrait presque rien et à quoi il faudrait s’adapter docilement».
Justement, les nombreux accords de néolibre-échange que le Canada a signés – et que le gouvernement du Québec à contresignés – nous place dans un carcan qu’il faut soit accepter, soit essayer de briser. Il faut mesurer l’ampleur de ces traités qui façonnent notre économie et notre vie en société. Couillard n’a pas sorti de son chapeau les politique de déconstruction de l’État social qu’il pratique systématiquement depuis 2 ans. Cela relève d’une idéologie appelée néolibéralisme. Cette idéologie s’est transformée en programme politique par le fait que nos politiciens et une grande partie de la classe politique mondiale – 161 pays – l’a embrassée soit par intérêt, soit par collusion, soit par ignorance, soit par moutonnerie.
C’est pourquoi je propose que les candidates et candidats à la chefferie du PQ se prononcent contre les méga-traités de libre-échange en négociation ou en mal de ratification; surtout l’Accord économique et commercial global Canada-Europe et le Trans-Pacifique. Cela rejoindrait une grande partie de la société civile québécoise regroupée sous le chapeau du RQIC (Réseau québécois d’intégration continentale). Certains diront: il ne faut pas paraître vouloir s’isoler. La peur de donner l’impression de vouloir nous isoler? la peur! Toute la société civile et des centaines de villes européennes s’y opposent. Et plusieurs États commencent à hésiter.