Apprendre à écrire en 2008

Une autre perle trouvée dans mon aventure d’archéologie médiatique au fond de mon cabanon: un texte de Daphnée Dion-Viens intitulé Le «texto» n’est pas une menace, publié dans Le Soleil du 26 juillet 2008. Extraits:

Le «texto» n’est pas une menace

Le Conseil supérieur de la langue française ne s’inquiète pas de l’impact du clavardage sur la qualité du français

Le français n’a rien à craindre du langue «texto», souvent utilisé par les ados pour clavarder.

C’est du moins l’avis du président du Conseil supérieur de la langue française, Conrad Ouellon. S’inscrivant contre les discours alarmistes, il affirme que cette nouvelle façon de s’exprimer au clavier représente plutôt «un signe de vitalité et d’adaptabilité de la langue». (…)

«Les jeunes ont des ordinateurs, ils aiment produire du texte n’importe comment, alors laissons-les aller. Ils sont peut-être plus fins qu’on pense. (…) a-t-il affirmé hier au Soleil, en marche d’une conférence prononcée pour clôturer le congrès de la Fédération internationale des professeurs de français, qui s’est déroulé cette semaine à Québec.

Conrad Ouellon refuse donc de voir dans le clavardage une menace. Il va même plus loin en minimisant l’importance d’écrire sans faute «Il ne faut pas faire un drame avec ça (le langage texto), comme il ne faut pas faire un drame avec la faute. Qu’est-ce qui est le plus important, savoir bien structurer un texte ou ne pas faire de fautes? Je préfère quelqu’un qui sait comment organiser sa réflexion. S’il y a des fautes, ça se corrige, il y a des outils qui peuvent t’aider.» (…)

«À l’école, il va falloir accepter la présence de l’informatique et de ses produits dérivés. Je ne suis pas sûr qu’on utilise ça à bon escient. Les correcteurs d’orthographe, ça fait partie des outils d’écriture. Il y a quelque chose d’insensé à laisser des enfants jouer avec un ordinateur à longueur de semaine, alors qu’on leur fait passer un examen avec un crayon et un papier, enfermé dans une salle de classe pendant deux heures. Il n’y a personne qui fait ça dans la vie.» (…)

Ça fait du bien à lire, je trouve.

Je me demande si on pourrait tenir un discours aussi clair aujourd’hui?

Dix ans dans la vie de François Legault

En faisant le ménage du cabanon au cours des derniers jours, je suis tombé sur quelques vieux journaux, la plupart datés de l’été 2008… mais aussi un exemplaire de l’été 1998! J’ai pris une heure pour les feuilleter ce matin et j’en retiens quelques perles.

Le plus spectaculaire est probablement le texte de Gilbert Lavoie, publié dans Le Soleil du 21 août 2008. Extraits:

Cynisme ou réalisme?

Les vacances estivales ont ceci de bon qu’elles renvoient les députés sur le plancher des vaches. Loin de la bulle parlementaire, les élus sont confrontés à la réalité du quotidien de leurs concitoyens. C’est ce qui explique la déclaration du député François Legault à son arrivée au caucus du Parti québécois, hier matin.

Le cynisme des québécois est tel, selon lui, qu’il faut mieux trouver des solutions à nos problèmes comme la santé et l’économie avant de relancer un grand projet collectif comme la souveraineté. (…)

N’empêche que l’embarras créé par la déclaration de François Legault illustre une fois de plus les difficultés qui attendent Mme Marois dans la gestion des débats sur la souveraineté. (…)

Juste à côté de cette chronique, on peut lire un texte de Simon Boivin intitulé Legault contredit par Marois. Extraits:

Au premier jour d’un caucus péquiste dans la région du Cenre-du-Québec, le porte-parole en matière de finance a proposé une approche «en deux étapes» pour accéder à l’indépendance. Sans remettre en question la pertinence du projet souverainiste, il juge difficile d’y parvenir dans l’état actuel des choses.

«Il faut être réaliste, a dit M. Legault. Que ce soit en environnement, ou un grand projet comme la souveraineté, les gens sont très cyniques. Je l’ai senti cet été en me promenant un peu partout. (…) Il faut d’abord rebâtir la confiance, proposer une alternative, des projets de gouvernance pour régler les problèmes.»

Selon lui le cynisme de la population est «pire que jamais». Et les saga des hôpitaux universitaires à Montréal, du «fiasco» financier à l’UQAM ou du passage de l’ex-ministre Couillard au privé ne sont pas de nature à régler le problème.

Après la réunion de l’avant-midi, avant le point de presse de la chef Pauline Marois, les députés du Parti québécois appelés à réagir à ses propos fuyaient les micros tendus. (…)

Mme Marois, elle, a présenté une vision aux antipodes de celle de son député de Rousseau. Dans son analyse, le cynisme ambiant aurait plutôt l’effet «contraire». «Les gens recherchent de nouveaux défis, ils ont le goût de se mobiliser autour de nouveaux projets qui vont les emballer, a-t-elle argué. On a le goût de remettre le projet de souveraineté à l’ordre du jour le plus rapidement possible», a dit la chef péquiste. (…)

Je trouve que c’est une bien troublante mise en perspective de la situation politique actuelle, à un peu moins de deux mois des élections, pas vous?

Quelques autres perles à venir…

Pour lire les textes complets:

Dialoguer, mais encore?

J’ai publié ce matin un court texte pour partager mon appréciation de la chronique d’Odile Tremblay dans Le Devoir de ce matin. Ça n’a pas été très long avant que je reçoive de premières réactions — tant positives et négatives, en privé pour la plupart. Normal pour un sujet aussi controversé.

Cela a aussi donné l’occasion d’un échange avec mon beau-frère, René Audet, qui est professeur de littérature à l’Université Laval. J’en reprends ici l’essentiel, avec son autorisation.

Ça démarre sur un désaccord au sujet de la pertinence d’organiser des « États généraux de la culture » (suggestion formulée par Odile Tremblay, à laquelle je m’associe) et ça se termine (si un tel échange est jamais terminé !) sur une question reformulée… et une idée à laquelle il resterait à donner forme.

N’hésitez pas à commenter à votre tour !

***

René: « quartiers [états] généraux du monde culturel pour établir des balises de protection créatrice » : euh… pour laisser toute la place à la bien-pensance et à la rectitude, pour laver du linge (en partie) sale sur la place publique, peut-être. Mais ce genre de grand-messe pourra difficilement faire avancer les mœurs – ça sera plutôt un motif de jeter encore un peu plus d’huile sur le feu, de se limiter à la rhétorique de la faute antérieure irréparable. Il faut regarder par en avant, garder un regard ouvert sur les cohabitations culturelles, donner sa chance à chacun. Pas favoriser une attitude voulant policer les mœurs et les intentions… M’enfin, y’a de quoi s’y perdre.

Clément: Oh, la police des mœurs et des intentions : loin de moi cette idée. Mais est-ce que cette idée de temps d’arrêt collectif est contradictoire avec le vœu, que je partage, de « regarder en avant, garder un regard ouvert sur les cohabitations culturelles [et] donner sa chance à chacun » ? On serait condamné à une version cheap de la commission Bouchard-Taylor recevant la famille Pineault-Caron ? Je ne peux (veux) pas croire ça.

René: Les états généraux me font frémir. Parce qu’ils sont parfois noyautés par des visions politiques opportunistes, par des purs et durs qui veulent casser la baraque… et qu’ils rassemblent aussi des gens qui ne sont pas les premiers acteurs du domaine visé (parce que les acteurs sont plutôt sur le terrain, en train de bosser). On ne peut pas régler ce genre de trucs par une grand-messe, mais plutôt par du travail de terrain, sur le moyen terme, et peut-être aussi par des interventions solides de gens respectés qui pourront agir sur les modes de pensée. My 2¢…!

Clément: « Des interventions solides de gens respectés qui pourront agir sur les modes de pensée.» – bien sûr, c’est le meilleur scénario ! Mais où sont-ils ces gens ? Et quelles tribune auront-ils si on ne crée pas les conditions favorables à leur prise de parole ? Dans l’environnement médiatique actuel…

René: Peut-être, justement, ce n’est pas par les médias que ça doit passer, mais par de plus petites rencontres, loin des caméras. Je suis sûrement pessimiste et idéaliste sur ce coup. Mais je crois que l’affaire a beaucoup trop « bénéficié » du spin médiatique et que l’outil n’est pas approprié pour renverser la vapeur. Les acteurs du monde du théâtre s’en parleront intensément dans les prochains mois, les échos seront perceptibles dans le secteur du cinéma, de la télévision. Des gens poseront des questions, ne voudront pas être au centre d’une semblable polémique… Le travail se fera peu à peu dans les milieux, je crois.

Clément: Trop de spin médiatique : *assurément*. Mais à mon avis la question est maintenant plutôt de savoir si on peut faire la suite « à l’abri de la réalité médiatique », ou si on doit trouver moyen « de faire avec ».

René: Ou, plus précisément : si le monde médiatique est partie prenante de la suite ou simplement une instance de relais. Ça me semble assez différent. L’option 2 est peut-être illusoire (au sens où les médias sont de plus en plus interventionnistes), mais il est possible que le scénario vise d’abord à impliquer les gens concernés et que le spin médiatique vienne en appui, dans un deuxième temps…

Clément: Cela dit, je suis d’accord avec toi que la forme d’éventuels « états généraux » devrait aussi faire l’objet d’une réflexion approfondie. Ce ne peut pas être qu’une grande messe de quelques jours. Ce serait jouer le jeu des médias plutôt que de faire avec lui. Pensons à un événement plus participatif, plus sur le modèle de la co-construction que d’une série de dépositions devant un tribunal ou une commission d’enquête ; quelque chose qui se réalise sur une ou deux années plutôt que sur quelques semaines ou mois – avec des interventions réelles dans les milieux, entre des étapes un peu plus exposées publiquement/médiatiquement… Soyons ingénieux !

René: Ouep, en effet. Ça correspond davantage à mon idée de travail sur le terrain. Ceci dit, le succès réside dans la légitimité de l’instance qui prendra l’initiative (et la parole) – plusieurs instances se sont mouillées, avec une réaction plus ou moins consensuelle, alors que d’autres brillent par leur absence/silence. Qui pourra être bien perçu dans le comité d’organisation d’un tel projet ?

Clément: Pourquoi pas des « états généraux » dans le cadre desquels on demanderait aux musées (et aux musées nationaux, en particulier), aux bibliothèques (et à BAnQ, en particulier), ainsi qu’aux établissements scolaires, cégeps et universités, de participer ? Une démarche où les milieux de travail (publics et privés) auraient aussi la possibilité de se raccrocher ? Pourquoi pas une démarche très décentralisée, donc, qui serait aussi plus susceptible de rendre compte de la diversité des points de vue et des réalités régionales ? Tout cela pourrait par la suite être « ramassé » à l’occasion d’un événement-synthèse destiné à dégager des consensus (parce que oui, je crois toujours à l’importance des consensus, plus que jamais même).

René: Dans l’absolu oui, pourquoi pas. Mais quel serait le pitch, quelle serait la commande ? (de façon à ne pas seulement enfoncer le clou de l’auto-flagellation) Plutôt centrer la démarche autour de projets ou initiatives qui illustreraient là vers où on veut aller, et non centrer sur les travers à éviter ? Une définition de la culture commune/partagée ? Ça finira par être un projet de pays :)

Clément: Me voilà démasqué !

René: Cela dit, la question qui me paraît fondamentale est : quelle est la commande, l’orientation du truc ? Trop facile de se limiter à la seule rhétorique de la réconciliation (avec un arrière-plan de contrition piteuse), alors qu’on peut plutôt/aussi se demander comment on peut faire à l’avenir, tous ensemble.

Clément: Je suis d’accord, le mandat confié aux responsables de ce genre d’États généraux est déterminant. Une discussion à son sujet (forcément très politique – d’où le besoin d’un leadership dont on est toujours à la recherche !) est un passage obligé avant d’aller plus loin, à défaut de quoi je te concède qu’on en restera très probablement aux vœux pieux.

Dialoguer c’est bien. Développer des pratiques culturelles (et éducatives !) communes, partagées, c’est encore mieux !

Image: Vaduz (fragment), 1974, Bernard Heidsieck. Vu au Centre Georges-Pompidou en août 2017.

Dialogue éclairé

J’ai beaucoup lu sur les très délicats enjeux autour de l’annulation de SLÀV et Kanata. J’ai été touché par plusieurs points de vue, parfois contradictoires. Ça remue.

Je crois constater que le débat avance… malgré des exagérations de part et d’autre. Je m’en réjouis. Si, au moins, tout cela n’est pas vain.

Odile Tremblay signe dans Le Devoir d’aujourd’hui un texte qui me semble être une remarquable synthèse de la situation: Après le séisme théâtral. Un texte engagé, nuancé, ouvert.

J’en cite la conclusion:

Ces questions sont complexes et ne peuvent se réduire à un seul point de vue. Le débat débouchera, espérons-le, sur des quartiers généraux du monde culturel pour établir des balises de protection créatrice. On lui souhaite aussi d’accroître le niveau de conscience collective en temps de mutation, quand seul le dialogue éclairé peut nous empêcher de frapper un mur.

Reste à trouver qui aura le leadership nécessaire pour organiser pareille rencontre — pas trop vite, mais sans trop tarder.

Image: Tapisserie aux mille-fleurs, A Moment of Beauty in a Land of Misery (fragment), de Myriam Dion. Vu au Musée national des Beaux Arts du Québec en juillet 2018.

Des scénarios pour imaginer l’avenir

Dans Le Soleil de ce matin on peut lire un texte du biologiste Claude Villeneuve dans lequel il présente les cinq scénarios qui vont servir au prochain rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).

Le premier décrit un monde où on appliquerait le développement durable alors que le second explore ce qui se passerait si rien ne change dans le monde politique. Le troisième décrit un monde où le protectionnisme et les rivalités régionales dominent et où les organismes internationaux ne peuvent pas jouer efficacement leur rôle. Le quatrième présente une société à deux vitesses où les plus riches s’en tirent et les plus pauvres casquent. Enfin, le cinquième scénario socio-économique présente un monde où la technologie est reine et où le développement économique est partagé à la grandeur de l’humanité.

En lisant ce texte, je me suis demandé quels scénarios on pourrait formuler pour nous aider à imaginer les futurs possibles de la société québécoise, dans son ensemble.

Je me lance donc avec une première mouture de cinq scénarios:

  1. Rien ne change — tout continue comme maintenant.
  2. L’environnement médiatique s’emballe, la durée des cycles d’information continue à raccourcir et les polémiques occupent de plus en plus d’espace.
  3. Les technologies transforment l’exercice démocratique et permettent aux citoyens de participer de plus en plus régulièrement aux décisions politiques.
  4. Les dynamiques politiques sur l’île de Montréal et dans le reste du Québec deviennent de plus en plus irréconciliables.
  5. La transformation de l’activité économique se fait de plus en plus au détriment des travailleurs, contribuant à l’accroissement des inégalités économiques et sociales.

On peut alors se demander, pour chacun des scénarios, quelle tournure prendrait le Québec dans un horizon de 20 ans? 50 ans?

Dans quel genre de société vivraient nos enfants? Leurs enfants?

Et selon qu’on juge que ce sont des scénarios globalement positifs ou négatifs, qu’est-ce qu’il convient de faire pour les stimuler, ou éviter qu’ils ne se réalisent.

***

Ce ne sont peut-être pas les scénarios les plus pertinents mais, de prendre le temps de les formuler, même très spontanément, m’a permis de réfléchir à quelles sont, de mon point de vue, les variables les plus déterminantes pour l’avenir du Québec.

Les changements climatiques? L’éducation? Devraient-ils être l’objet de scénarios spécifiques? Ou se trouvent-ils indirectement présents dans ceux-là? Est-ce suffisant? Je continue d’y penser.

Vous croyez qu’il manque quelque chose? Dites-le dans un commentaire!

Perspective éditoriale

Je suis fasciné par le choix de la photo qui accompagne ce texte sur le site de La Presse:

Les chefs de partis face aux questions de la jeunesse québécoise

La photo a manifestement été prise il y a quelques mois lors de la visite des travaux d’agrandissement de l’Assemblée nationale.

Du fond d’un trou.

Dans la pénombre.

Avec la tour du Parlement et le Fleurdelisé en contre-plongée.

La personne qui a ressortie cette photo pour illustrer cet article a fait preuve de beaucoup d’humour (est probablement d’un peu de cynisme).

Elle aurait aussi bien pu titrer l’article:

Les chefs de parti au fond du trou attendant que des jeunes leurs tendent la main pour reconnecter avec l’avenir.

Chose certaine, ça replace bien les choses en perspective: ce ne sont pas les chefs de partis qui feront l’honneur aux jeunes de les rencontrer le 17 août — c’est plutôt le contraire!

Dissimuler son passé?

Catherine Perrin animait ce matin à Médium Large une discussion sur le thème Politique: comment gérer son passé numérique?

J’y reviens parce que j’ai trouvé que la conversation est malheureusement restée en surface, accordant trop d’importance aux polémiques et pas assez à ce que celles-ci révèlent au sujet des candidats.

Un peu plus et on affirmait tout bonnement que la duplicité était devenue plus importante que l’authenticité pour gagner une élection.

***

Je ne pense pas que les électeurs accordent tant d’importance qu’on l’a dit aux archives des réseaux sociaux des candidats en tant que tels. Je crois que les gens sont prêts à pardonner bien des erreurs de jeunesse, des erreurs de jugement, et même des changements d’idées ou d’affiliation partisanes (plus facilement que jamais même!).

Plusieurs personnes verront même probablement une forme de courage dans le fait d’assumer des prises de positions qui apparaissent, après coup, en contradiction avec le programme du parti qu’un candidat souhaite défendre.

Les commentateurs devraient cesser d’infantiliser les électeurs en faisant comme s’ils interprétaient tout au premier degré.

Je crois que ce à quoi les gens accordent beaucoup d’importance, en contrepartie, c’est au tempérament que le passé numérique des candidats révèle. Ce n’est pas une simple nuance: c’est un changement fondamental de perspective.

Est-ce que la personne qui veut que je vote pour lui est un loose canon? Est-ce un opportuniste vire-capot? Un impulsif qui semble incapable de réfléchir avant de parler? Un accroc aux likes prêt à dire n’importe quoi pour avoir sa dose? Un intransigeant? Quelqu’un qui manque de discernement?

Les électeurs veulent connaître les gens pour qui ils vont voter, les aimer, les comprendre, et surtout savoir s’ils peuvent leur faire confiance. C’est normal.

Des gens qui font des erreurs? Pourquoi pas? C’est même attachant!

Des gens qui changent d’idées? Pourquoi pas? Qui n’a jamais changé d’idée?

Des polémistes? Pourquoi pas? Il fait oser dire les choses après tout…

Encore faut-il être en mesure de comprendre leur raisonnement, de croire à leur parcours, et que cela nous inspire confiance.

Dans cette perspective, le défi pour les partis politiques ne devrait pas tant être de chercher l’aiguille dans la botte de foin: une déclaration qui peut retrousser dans cinq, dix ou vingt ans d’archives.

Le défi devrait plutôt être de prendre le temps de connaître suffisamment la démarche intellectuelle et le parcours des candidats qui les représenteront.

***

Quand j’ai été candidat pour la première fois, en 2014, on m’a demandé de faire le tour de tout ce que j’avais publié sur mon blogue (plus de 1500 textes depuis 2001!) et mes réseaux sociaux pour effacer tout ce qui pouvait être sujet de controverse.

Je n’en ai rien fait. J’étais prêt à assumer tout ce que j’avais écris. Je faisais confiance à la cohérence de ma réflexion, avec des détours et ses contradictions. J’étais prêt à tout expliquer et à le défendre au besoin.

Je refuse de croire que notre passé sur le web et les réseaux sociaux est un handicap. Il doit être une force. Les partis devraient d’ailleurs le voir comme tel.

On ne peut pas aspirer à diriger une nation en 2018 si on perçoit le web et les réseaux sociaux comme une menace avant d’y voir une opportunité. C’est vrai aussi au moment de choisir des candidats.

Il faut le dire, clairement: la démocratie gagne à ce que les gens s’expriment publiquement, sur une longue période, et qu’ils laissent des traces de leur réflexion. C’est un moyen privilégié pour les gens de connaître celles et ceux qui aspirent à les représenter.

Les électeurs veulent d’abord et avant tout voter pour des gens authentiques — et franchement, nettoyer son passé juste avant une élection c’est le contraire de l’authenticité.

J’aurais aimé l’entendre ce matin.

Plus on est de fous…

L’émission Plus on est de fous, plus on lit!, de la radio de Radio-Canada, nous réserve souvent de belles surprises, comme le 8 mars, avec Comment réussir une béchamel, avec Éric Dupont, ou le 9 mars, avec le code secret des notices nécrologiques, avec Mathieu K. Blais. Des moments magiques.

Mais l’édition de vendredi dernier était particulièrement remarquable, fallait que je le dise — que je vous invite à l’écouter.

La musique en studio de Urban Science Brass Band.

Plusieurs lectures qui font honneur aux jeunes qui nous parlent avec intelligence et émotions.

Le discours rafraîchissant de Rachida Azdouz.

Et tant d’autres choses: regardez la richesse de la documentation publique de cette émission, au bas des pages, c’est fantastique! Merci!

Photo: prise à l’exposition Leonard Cohen, au Musée d’art contemporain de Montréal.

bloguer, avec un petit b

J’ai annoncé hier soir que je faisais une pause de Facebook jusqu’à nouvel ordre. Le temps de bien réfléchir au fait de supprimer définitivement mon compte ou pas (je reprends les explications publiées sur Facebook, ci-dessous). Vingt quatre heures plus tard, je ne regrette pas du tout ma décision — à plus forte raison au regard des nouvelles informations qui ont émergées aujourd’hui au sujet du laxisme de Facebook et du machiavélisme de Cambridge Analytica. C’est révoltant.

Je vais profiter de cette pause pour réapprivoiser l’utilisation de Twitter (que j’avais négligée au cours des derniers mois) et d’Instagram (bien que ça appartienne à Facebook!) et possiblement faire évoluer l’utilisation de mon blogue.

Le hasard faisant bien les choses, un des articles présentés dans Sentiers #26, une infolettre éditée par Patrick Tanguay, fournit de la bonne matière à réflexion à ce sujet:

Small b blogging

«Small b blogging is learning to write and think with the network. Small b blogging is writing content designed for small deliberate audiences and showing it to them. Small b blogging is deliberately chasing interesting ideas over pageviews and scale. (…)

most people would be better served by subscribing to small b blogging. What you want is something with YOUR personality. Writing and ideas that are addressable (i.e. you can find and link to them easily in the future) and archived (i.e. you have a list of things you’ve written all in one place rather than spread across publications and URLs) and memorable (i.e. has your own design, logo or style). Writing that can live and breathe in small networks. »

À cogiter dans les prochains jours donc.

PHOTO: un cadeau de Louis Germain, qui m’a fait plaisir en m’écrivant ceci:

«Marchant, l’autre jour, j’ai aperçu cette borne-fontaine, toute pimpante dans un coussin de neige toute blanche. Ça a évoqué chez moi ces photos dont tu coiffes tes billets de blogue.». Merci pour la complicité!

—/ début du texte publié sur Facebook /—

PAUSE DE FACEBOOK

On sait depuis longtemps qu’en utilisant Facebook, on accepte de lui confier une grande quantité d’informations à notre sujet. Pas confortable… mais bon.

Un dossier publié par The Guardian vient de faire passer l’inconfort à un autre niveau. On y découvre à quel point nos données sont vulnérables entre les mains de Facebook:

https://www.theguardian.com/news/2018/mar/17/data-war-whistleblower-christopher-wylie-faceook-nix-bannon-trump

Pire encore, on constate à quel point les dirigeants de Facebook minimisent complètement la portée de ces révélations:

http://www.businessinsider.com/facebook-data-breach-reactions-executives-response-twitter-2018-3

Pour moi, la confiance est brisée. Je dois remettre en question ma présence ici.

Quelques amis ont déjà complètement effacé leur compte.

Je préfère pour ma part prendre un peu de recul avant de poser un geste irréversible — mais c’est la direction que prend actuellement ma réflexion.

D’ici-là, je serai absent de Facebook — pour au moins un mois.

Vous pourrez communiquer avec moi au besoin (ou pour le plaisir) par un des moyens indiqués sur cette page de mon blogue:

https://remolino.qc.ca/ailleurs-sur-le-web/

(et possiblement par Messenger, dont je poursuivra l’utilisation encore quelques temps).

***

Pour un résumé synthétique de l’importance de la situation qui prévaut actuellement autour de Facebook, je vous suggère ce dernier texte:

https://www.axios.com/cambridge-analytica-scandal-highlights-chaos-at-facebook-cf1122bd-27f9-4ab5-8eb4-38be29cbdf10.html

Et pourquoi pas celui-ci, une fois parti:

https://www.theguardian.com/commentisfree/2018/mar/18/facebook-extremist-content-user-data

Ciao!

—/ fin du texte publié sur Facebook /—

Réfléchir, communiquer… le livre, le web, etc.

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Beaucoup de choses me font réfléchir à la part de la communication dans l’engagement politique depuis quelques temps.

D’abord ma décision de faire une pause d’engagement militant — qui m’amène à garder un grand devoir de réserve (en particulier dans les médias sociaux) au sujet ce qui se déroule dans l’actualité. Ce n’est pas toujours facile, mais j’ai tellement de respect pour celles et ceux qui continuent d’être au front que je ne voudrais surtout pas avoir l’air d’être donneur de leçons.

Je crois que cette grande discrétion est importante aujourd’hui, mais elle aura évidemment une fin. J’aurai envie de reprendre plus activement part au débat public — dans quelques mois peut-être, et possiblement sous d’autres formes. Alors je réfléchis à la forme que ça pourra prendre.

C’est dans ce contexte que j’ai lu cette semaine Avant, je criais fort, de Jérémie McEwen, publié chez XYZ. J’ai aimé, même si le sujet de la communication dans l’espace public ne s’y trouve finalement que très peu abordé (du moins directement).

« L’opinion, dans les médias des cinquante dernières années, ne laisse pas l’auditeur penser par lui-même. On gave l’auditoire d’idées toutes faites et de phrases commodes au lieu de présenter des outils permettant la réflexion autonome. »

C’est aussi dans ce contexte que j’ai entrepris de lire Un Québec libre est un Québec qui sait lire et écrire, du ministre de l’Éducation Sébastien Proulx, publié par Septentrion. Je n’ai pas fini la lecture encore, mais l’éditeur m’a fait promettre d’en faire un commentaire sur mon blogue «que j’aie aimé ou pas», alors j’y reviendrai.

« Le conformisme n’est plus possible au département des idées pour changer le Québec et lui permettre de poursuivre son développement. Ce conformisme dans lequel il est facile de s’enliser et qu’il faut continuer à combattre. »

Ces deux livres font d’ailleurs parler d’eux dans le cahier Lire du Devoir de ce matin. Sous la plume de Fabien Deglise (De la cassette au livre) et de Louis Cornellier (Friction intellectuelle).

Le plus récent texte de Normand Baillargeon dans le magazine Voir, intitulé Aux futurs ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, aborde lui aussi les mêmes thèmes.

«Au Québec, l’heure n’est plus aux rapiéçages, aux idéologies, aux approximations ou à la défense d’intérêts particuliers.»

Sans compter qu’il n’y a pas seulement le texte pour s’exprimer, témoigner et prendre position. Les remarquables reportages photo de Renaud Philippe au sujet de la crise humanitaire des Rohingyas, dans Le Devoir (Persécutés au Myanmar, indésirables au Bangladesh) et dans le Globe and Mail (Living in Limbo), nous le rappellent avec force.

Catherine Dorion fait aussi référence au travail de Renaud Philippe dans sa chronique dans le Journal de Québec: Nous ne sommes pas impuissants.

Bref… beaucoup de bois dans l’poêle cette semaine.

 

 

Revue de presse

Pour le plaisir de partager quelques pistes de réflexion, voici certains des textes qui ont attiré mon attention au cours de la dernière semaine:

La solitude mine la santé psychologique et physique

«Le Royaume-Uni vient de créer un ministère consacré à la solitude, une réalité aujourd’hui considérée comme un problème de santé publique aussi criant que le tabagisme ou la cigarette. (…) L’interaction sociale est la pierre angulaire de l’espérance de vie et a plus d’impact sur la santé que la génétique, l’argent, le type d’emploi ou même le taux de cholestérol. »

Fausse route identitaire: le problème ce n’est pas la Burka, c’est le GAFA

«Notre culture et notre langue sont actuellement davantage menacées par le GAFA que par la burqa. C’est la puissance des géants du GAFA, Google, Apple, Facebook, et Autres géants du web (Amazon, Netflix, Spotify) et l’imposition de leurs contenus culturels américains qui menacent profondément notre identité francophone. (…) Il est là, le principal et plus fondamental enjeu identitaire pour l’avenir du Québec français.»

La commission Parent, œuvre inachevée

«…le retard des Québécois francophones en éducation demeure. (…) On ne veut pas sombrer dans l’alarmisme ou le pessimisme. D’immenses progrès ont été accomplis depuis les années 60. Mais l’utopie derrière le rapport Parent reste inachevée. Ce serait d’ailleurs un beau projet pour un parti qui se cherche un programme électoral…

L’automatisation n’est pas une réponse à la pénurie de main-d’œuvre

«à la réalité démographique vient se greffer la montée de l’automatisation, qui pourrait provoquer « l’élimination, la réduction et la réaffectation partielle ou totale de 1,4 million de postes au Québec d’ici 2030 ». Ainsi, le prochain rapport des inégalités n’opposera plus mieux et moins bien nantis, mais plutôt ceux qui peuvent et ne peuvent pas travailler.»

Mon collègue le robot

«Les travailleurs qui ne s’interrogent pas sur la façon dont leur tâche, leur employeur ou l’ensemble de leur secteur sera affecté pourraient avoir de bien mauvaises surprises. (…) L’éducation doit remonter dans la liste des priorités. (…) Le rapport propose une piste intéressante : un compte individuel permanent pour la formation, dans lequel chaque travailleur pourrait accumuler des épargnes, du financement extérieur et même du temps de son employeur pour se perfectionner tout au long de sa carrière.»

Vers le lobbying automatisé?

«Des outils d’analyse de données, très coûteux, qui se présentent comme un complément du lobbying traditionnel, venant encore un peu mieux armer ceux qui avaient déjà le plus de moyens pour défendre leurs intérêts.»

La politique autrement

«Si vous voulez faire de la politique autrement, cessez de parler contre les autres. (…) Dites-nous ce que vous avez à nous proposer, expliquez-nous vos compétences, donnez-nous de l’espoir. (…) Si les politiciens veulent que le peuple les respecte, qu’ils commencent par se respecter entre eux. Ce n’est pas en passant son temps à démontrer que tous les autres sont des croches, que vous allez nous convaincre que vous n’en êtes pas un. (…) Vous trouvez ça utopique ? Ce l’est. Mais le rêve devient réalité quand la réalité n’a plus le choix. Et on est rendu là.»

Le canari dans la mine (sur le mont Royal)

«On aurait tout avantage à considérer les patinoires comme les canaris dans la mine du dérèglement climatique. Ces oiseaux dont la mort, jadis, prévenait les mineurs qu’ils étaient en danger. (…) La Ville de Montréal (…) ne doit pas uniquement lutter contre les changements climatiques (…) elle doit aussi, avec empressement, chercher à s’y adapter.»

Parodie

Fin de journée. Train de Montréal vers Québec. Je survole l’actualité sur mon iPad quand je tombe sur cette chronique de Denise Bombardier: En attendant la fin. Je lis. Je soupire. C’est bièredredi. Après une gorgée, j’opte pour m’amuser à en faire une parodie plutôt que de m’indigner en vain. Voilà ce que ça a donné:

APRÈS MOI LE DÉLUGE

Rien ne nous sera épargné dans cette insupportable description de la société québécoise. Trop de chroniqueurs qui radotent en bafouillant des explications anecdotiques, qui ne tiennent pas la route. Car c’est l’usure qui les fait écrire et la plupart sont dans le décompte de leur propre carrière. Ils ont lutté, ont connu des exaltations, mais leur coeur nostalgique souffre désormais d’arythmie.

Il faut comprendre ces chroniqueurs qui radotent sur le bon vieux temps, cette époque aux ambitions inégalées, plutôt que de faire l’effort d’imaginer un avenir qui n’existe pas. Ces chroniqueurs ne sont pour rien dans l’impasse dans laquelle le Québec se trouve.

Ils font de leur mieux ces pauvres chroniqueurs pour commenter l’actualité d’un Québec à l’agonie où les jeunes ne rêvent qu’à boire de la sangria. Un Québec où les jeunes sont tellement ingrats qu’ils ont renoncés à accomplir les rêves de leurs parents. Plus le temps passe plus la population est composée de gens ne comprennent rien à rien. Ça s’explique: quand on n’a pas connu les années soixante on ne fera jamais vraiment partie de la gang.

Les médias d’outre-tombe

Personne ne devrait se fier aux réseaux sociaux. Les journaux veillent sur nous grâce à des équipes exceptionnelles et compétentes. Certains chroniqueurs ont écrit plusieurs livres et même été honorés de l’Ordre du Canada. Visionnaires, ils sont réalistes et pragmatiques. Ils forment une élite morale et politique.

Nous nous moquons parfois de ces éclaireurs, sans doute intimidés par leur clairvoyance dans un réflexe humainement compréhensible. Heureusement pour eux, notre complexe d’infériorité finit toujours par nous rattraper.

Nous avons parfois le réflexe de vouloir faire confiance à l’avenir mais ils ont tôt fait de nous rappeler que tout était mieux avant. Comme disait cette attachante chroniqueuse, agacée par l’idée que le futur puisse nous réserver quelque chose de bon: « C’est nous qui avons inventé le Québec moderne, on ne va pas vous laisser en inventer un autre».

« Yes…terday »

Indéniablement, c’est aussi ce que souhaitent ceux qui tirent profit de la déliquescence de la société québécoise en s’en mettant plein les poches pendant qu’on s’indignent sur tout et sur rien. En détournant notre attention, ces chroniqueurs aigris et pontifiant nous évitent de cultiver des rêves inutiles, quoi qu’en disent les idéalistes naïfs.

« Est-ce difficile d’être méprisant ? », ai-je demandé un jour à ma belle-mère. « Oui, parce qu’il faut faire semblant qu’on s’intéresse au sort des gens. » Au mari d’une chroniqueuse éminente, j’ai posé la question : « Pourquoi votre épouse continue-t-elle d’écrire toutes les semaines ? » « Parce qu’elle a peur que quelqu’un prenne sa place avec une vision plus optimiste de l’avenir», a-t-il répondu.

C’est à une impasse qu’ils nous font croire. L’impasse de tout espoir, d’une époque, d’une génération, du seul Québec auquel il aura été noble de rêver. L’espoir ne serait plus d’aucun recours. La fin du monde est devenue inévitable parce que les jeunes ne vivent plus que dans une réalité virtuelle, chacun pour soi, perdus dans Facebook, Twitter et Snapchat pendant qu’ils essaient de sauver WordPerfect. Il faut continuer à les lire. Ça nous évite de réfléchir.

La génération X et la politique

À la suggestion d’un ami, je viens de relire le texte qu’Alec Castonguay signait dans l’Actualité de novembre 2017: La revanche de la génération X.

Je fais partie de cette génération qui serait à la fois cynique et en colère (drôle de mélange!) si on en croit le sondage sur lequel s’appuie le journaliste. Je m’interroge toutefois: est-ce que ce sentiment s’explique surtout par une situation économique récente, ou par une perspective historique et sociologique un peu plus large?

Citations et extraits:

«83% des X pensent que les choses sont pareilles ou pires qu’il y a dix ans au Québec.»

« 74% pensent que la situation va se stagner ou continuer à se détériorer dans les dix prochaines années.»

«La même proportion affirme que les systèmes économiques et politiques ne travaillent pas en leur faveur.»

«Ils en ont bavé pour se faire un chemin, et là, ils sont choqués de penser que leurs enfants vont aussi en baver. Ils se demande ce qui pourra les aider.»

«Plus on s’éloigne du centre de Montréal et de Québec, plus la volonté de changement est flagrante.»

«Je regarde la robotisation, l’automatisation du travail, et je me demande (…) comment le gouvernement va-t-il pouvoir aider mes enfants avec la nouvelle révolution industrielle?»

«On dirait que les politiciens ne font rien pour améliorer le sort des Québécois.»

«Ils veulent donner un grand coup de pied dans la “canisse” politique.»

L’article fait essentiellement référence à la situation personnelle et professionnelle des personnes qui composent la génération X pour expliquer leur colère actuelle. Je ne nierai certainement pas qu’il s’agit de facteurs importants.

Mais je pense que l’image que nous avons eue de la politique québécoise, et le fait qu’elle a donné vraiment très peu de résultats depuis notre entrée dans le monde adulte (il y a environ 25 ans) est probablement aussi un facteur important dans cette impression d’être, depuis toujours, dans une impasse.

Un problème qui irait bien au-delà de dynamique électorale actuelle donc.

Qu’en pensez-vous?

Le bon vieux papier

La chronique de Christian Rioux dans Le Devoir de ce matin m’a spontanément fait réagir sur Facebook un peu plus tôt:

«Ça n’aura pris que cinq jours en 2018 pour lire dans les médias québécois une chronique qui fait l’éloge du bon vieux livre papier qui résiste contre vents et marées au numérique. *soupir*»

À mon grand étonnement, ça a provoqué un déluge de commentaires, allant dans toutes les directions. Et comme il n’est pas facile de compléter sa pensée dans un tel contexte. Je le fais donc plutôt ici.

***

Je trouve cette chronique désolante parce qu’elle oppose le livre imprimé, qui est présenté comme un objet de culture, qui résiste au livre numérique, qui est présenté comme une simple mode.

Je déplore que le chroniqueur passe à côté d’enjeux importants auxquels est confronté aujourd’hui le monde du livre, notamment le développement de la pratique de la lecture, la diffusion des oeuvres et des idées, et l’accès aux livres étrangers. Or, dans les trois cas, le livre numérique apparaît comme un indispensable allié.

Quand on sait que des centaines de milliers de livres sont achetés, au Québec, chaque année, en version numériques;

Quand on sait que plus d’un million d’emprunts de livres numériques se font chaque année dans les bibliothèques québécoises;

Quand on sait que des livres québécois sont achetés en version numérique à l’étranger parce qu’ils n’étaient pas facilement accessibles autrement;

Quand on sait que des personnes qui n’étaient pas/plus en mesure de lire (taille des caractères, autres handicaps visuels, dyslexie, etc.) peuvent recommencer à le faire grâce à des versions numériques;

Quand on sait que de plus en plus de Québécois lisent dorénavant en anglais des livres dont ils auraient autrefois attendus les versions imprimées en français — avec tous les enjeux culturels et économique que cela soulève;

Quand on omet de dire que le livre numérique ne se développe pas dans le but de remplacer le livre imprimé, mais plutôt pour répondre à des besoins auxquels le livre imprimé ne répond pas adéquatement

Quand on sait que la diffusion des livres imprimés repose de plus en plus sur des processus de diffusion et des circuits commerciaux profondément conditionnés par la culture numérique et ses algorithmes plus ou moins transparents, qui ont de plus en plus souvent besoin d’avoir accès à une version numérique du texte;

Quand on sait tout ça, produire une chronique qui se contente de faire un pied-de-nez aux quelques rares personnes qui auraient prédit de façon tout à fait anecdotique la mort du livre papier il y a dix ans, c’est franchement succomber à la facilité et aux clichés. Et ça me fâche.

Et si Christian Rioux ne savait rien de tout ça — ben je me demande pourquoi il a choisi de faire porter sa chronique sur ce sujet.

***

Ça a pris beaucoup trop de temps pour que les pouvoirs publics et les industries culturelles québécoises comprennent toute l’importance des enjeux qui sont soulevés par l’avènement des technologies numériques.

C’est d’autant plus dommage de lire ce genre de chronique maintenant qu’on y est enfin (presque) arrivé.

P.S. on me signale que Mathieu Bock-Côté a battu de deux jours Christian Rioux pour la publication d’une chronique faisant l’éloge du papier contre le numérique… allant jusqu’à conclure que la lecture sur écran est une menace pour la démocratie. Rien de moins.

Pour compléter mon passage à La Sphère

J’ai eu le plaisir de participer à l’enregistrement de l’émission de fin d’année de La Sphère, qui est diffusée aujourd’hui.

Le lien vers l’entrevue est ici.

Je reprends ci-dessous les notes que je m’étais préparées pour l’occasion, ainsi que les liens vers les photos auxquelles j’ai fait référence.

***

La dernière fois qu’on s’est parlé c’était l’été dernier pour parler des trolls et d’à quel point ils peuvent être nuisibles au débat public.

Mais il y a quelques trolls qui sont d’un autre calibre, des trolls tout simplement adorables… des trolls de génie.

Et je pense que ça mérite qu’on leur rende hommage au moins une fois par année!

Pete Souza est assurément un de ces trolls de génie…

Pete Souza a été le photographe officiel de la Maison Blanche pendant les années où Barack Obama était président (il l’était pour Ronald Reagan aussi).

Il l’a suivi partout, tous les jours, dans toutes ses activités. Pendant ces huit années, il a pris deux millions de photos d’Obama et de son entourage, dans toutes les circonstances.

Mais c’est avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche que son talent de troll s’est révélé. C’est aussi ce qui fait que c’est très 2017!

Pete Souza s’est ouvert un compte Instagram (qui est maintenant suivi par 1,7 millions de personnes!) et il a entrepris de publier régulièrement des photos qui font écho à l’actualité… mais choisies dans le but de faire mal paraître Donald Trump!

Sur son compte (où il se présente comme COTUS — Citizen of the United States), il publie les photos généralement accompagnées d’une simple description… mais leur dimension éditoriale parle généralement d’elle-même. The Gardian y a d’ailleurs fait référence il y a quelques mois.

Quand Trump revient d’une visite officielle contestée en France, Souza publie un bain de foule triomphal d’Obama à sa première visite à Paris.

https://www.instagram.com/p/BWe84JHl2e4/?taken-by=petesouza

Le jour de la première visite de Justin Trudeau à Washington, Souza publie une photo de Justin Trudeau et de Barack Obama, tout sourires, avec pour seules légendes le mot Alliés.

https://www.instagram.com/p/BQdz-OiheDa/?taken-by=petesouza

La veille d’une visite de Trump au Vatican, Souza publie une magnifique photo du Pape dans le bureau Oval avec pour seul commentaire «Mutual admiration 2016»

https://www.instagram.com/p/BUej87alHzZ/?taken-by=petesouza

https://www.thedailybeast.com/obama-photographer-pete-souzas-art-of-the-trump-shade-3

Et les photos d’un meilleur temps avec Vladimir Poutine ne manquent pas non plus:

https://www.instagram.com/p/BWNeEADl909/?taken-by=petesouza

Un jour de fuite d’information dans l’entourage de Trump, Pete Souza publie une photo du dossier de briefing présidentiel avec le mot Classified bien en évidence.

https://www.instagram.com/p/BUHwJoRlVZ3/?taken-by=petesouza

Et quand Trump se fait reprocher par les médias qu’il y a trop peu de femmes dans son entourage, Souza publie une photo des chaussures d’Obama appuyé sur le bureau présidentiel, entourés de souliers à talons hauts.

C’est d’ailleurs une de mes photos préférées:

https://www.instagram.com/p/BQLbcLmBitE/

Autre photo spectaculaire, Obama avec une foule de militaires, et pour légende: «Connecting with our troops in person, not via Twitter.»

https://www.instagram.com/p/BXBWxBeld6e/?taken-by=petesouza

En cette fin d’année, je voulais saluer le travail de Souza parce qu’au delà de son grand talent comme troll, il nous fait réaliser à quel point la photographie est devenue importante dans notre compréhension du monde et dans l’image qu’on se fait des puissants.

Il nous fait aussi réaliser à quel point le regard d’un bon photographe peut faire la différence. Même à une époque où tout le monde a un appareil photo à la main, ou dans sa poche, en permanence. Coup de chapeau à Jacques Nadeau aussi ici, notre très grand photographe de presse.

Pete Souza vient de publier un livre intitulé «Obama, an Intimate Portrait», chez Little Brown and Compagny. Le livre est dans le top 5 de la liste du New York Time depuis son lancement.

–/ on a pas eu le temps d’aller plus loin que ça lors de l’enregistrement, mais je vous partage la suite quand même! /–

Un dernier clin d’œil en terminant… je trouve que les photos de Pete Souza sont particulièrement amusantes quand elles nous permettent de réaliser que dans le monde du président des États-Unis aussi des enfants font parfois irruption de façon imprévue.

À une fenêtre…

https://www.instagram.com/p/BXtstU_FQEW/?taken-by=petesouza

…ou quand il croise un mini Spider Man dans le cadre de porte d’un bureau de la Maison Blanche:

https://www.instagram.com/p/BT6XXFylT8X/?taken-by=petesouza

Ce sont des photos qui m’ont fait penser à ce qui est sans aucun doute la vidéo de l’année. Ce n’est pas une vidéo de Pete Souza…

Je pense évidemment à ce journaliste de la BBC qui fait un duplex en direct à partir de sa maison et dont la petite fille fait irruption derrière lui , suivi de son petit frère… et de la mère, qui essaie, tant bien que mal, de corriger la situation!

http://www.lepoint.fr/video/un-journaliste-interrompu-par-ses-enfants-en-direct-sur-la-bbc-10-03-2017-2110892_738.php

Je ris encore autant chaque fois que revois la démarche énergique de cette petite fille au gilet jaune.

Pour moi, cette petite fille a été sans aucun doute la vedette des réseaux sociaux cette année.

J’espère que le Père Noël aura été généreux avec elle.

Elle le mérite amplement parce qu’en plus de nous avoir bien fait rire — elle nous a rappelé qu’il ne faut jamais se prendre trop au sérieux, même à la télévision… ou à la radio!

Et en complément:

Dans la version de l’émission qui est/sera disponible en baladodiffusion, j’évoque aussi mon enthousiasme pour l’application DayOne, sur iPhone, que j’utilise presque quotidiennement depuis cinq ans.