Les médias et le numérique

En fouillant dans les archives de mon blogue, un peu plus tôt aujourd’hui, je suis retombé sur ce texte de Michel Dumais, publié en 2003.

Téléphones portables, débats éthiques et foules intelligentes

Juste un extrait, pour le plaisir de constater à quel point le temps passe vite :

«…l’impact des communications sans fil sera même beaucoup plus important que celui qu’a eu l’ordinateur dans nos vies au cours des années 1980-2000. L’espace d’un coup de fil, d’une communication, de l’envoi d’un message textuel ou la réception d’une photo numérique, [les phototéléphones] risquent de changer le tissu social et de bouleverser les relations humaines telles que nous les connaissons. Il n’y a qu’à voir la popularité des messages textes (SMS) auprès des jeunes pour se rendre compte de leur impact profond.»

La relecture de ce texte m’a fait réaliser qu’à cette époque Le Devoir offrait à ses lecteurs une pleine page hebdomadaire en rapport avec les enjeux associés aux nouvelles technologies. Je pense que d’autres grands médias en faisaient autant.

Vous pouvez m’aider à m’en souvenir? Quels médias? quels chroniqueurs/chroniqueuses? Sur quelles périodes?

Qu’en reste-il aujourd’hui?

À votre avis est-ce qu’au Québec aujourd’hui la couverture médiatique de ces phénomènes est, globalement, meilleure ou pire qu’à cette époque? Pourquoi?

Apprivoiser la bête

Dans une chronique particulièrement alarmiste publiée le 11 décembre dans Le Devoir, Louise Beaudoin appelle à des interventions vigoureuses de l’État afin de protéger la diversité culturelle et linguistique, qui serait gravement menacée de disparition au cours des cinq prochaines années. Comme les baleines noires.

Le problème c’est que les actions qu’elle propose afin de répondre à cet imminent danger risquent de se révéler inefficaces si elles ne tiennent pas compte de l’ADN du numérique, c’est-à-dire des mécanismes sur lesquels il s’appuie.

À titre d’exemple, on ne peut plus se contenter de dénoncer que «la tuyauterie et les algorithmes des multinationales américaines déterminent déjà largement ce que nous regardons et écoutons.» Il faut aussi s’interroger sur les raisons qui expliquent cette situation. Et quand on le fait, on est rapidement forcé de constater que les industries culturelles québécoises ont aussi leur responsabilité dans cette situation.

En effet, à défaut de fournir aux algorithmes qui organisent le web des renseignements adéquats sur nos productions culturelles (des métadonnées de qualité) il ne faut pas s’étonner qu’elles restent inconnues. Elles sédimentent naturellement au fond des disques durs de la Silicon Valley, sans aucune découvrabilité. Il n’y a pas de complot là-dedans, c’est le résultat logique d’un manque d’information. Et cela décrit malheureusement assez bien la situation actuelle. L’Observatoire de la Culture et des Communications du Québec a d’ailleurs consacré un rapport à cette question il y a quelques mois.

La réalité c’est que même si on exigeait dès demain un quota de pièces musicales québécoises sur la page d’accueil de iTunes, Apple ne serait probablement pas en mesure de le faire. Pas parce que Goliath ne le veut pas, mais parce que les métadonnées qui accompagnent les fichiers musicaux sont trop pauvres. Elles ne permettent souvent même pas de savoir s’il s’agit d’une chanson québécoise. — Ben t’sé, franchement, Pierre Lapointe, c’est évident que c’est un québécois! — Ben non… pas pour un algorithme! Il faut savoir le dire dans le langage des ordinateurs, à partir de normes et des standards internationaux. Et c’est souvent là que le bât blesse.

Est-ce que de meilleures métadonnées régleront tout, certainement pas. Mais elles apparaissent de plus en plus comme une condition préalable à toute ambition dans le monde culturel numérique. Tout le monde doit bien le comprendre, et en tout premier lieu les producteurs, qui ont la responsabilité de produire ces métadonnées, et les pouvoirs publics qui soutiennent la production culturelle. C’est heureusement de plus en plus le cas.

L’évolution du droit d’auteur, la transformation des circuits de diffusion, la dissolution des produits culturels dans diverses formes d’abonnement à des services culturels et l’apparition de puissants outils d’auto-production sont aussi des éléments essentiels de la nouvelle dynamique culturelle. On ne peut plus réfléchir les enjeux de la diversité culturelle sans en tenir compte.

Je suis tout à fait d’accord avec Louise Beaudoin quand elle dit qu’il est urgent de réguler la mondialisation culturelle. Sauf que pour réussir à le faire efficacement il faudra tenir compte des particularités de ces nouveaux espaces culturels. Il faudra d’abord apprivoiser la bête.

Photo: extrait d’une oeuvre de Pascale Marthine Tayou, vue au Musée de la Fondation Louis Vuitton, à Paris, à l’été 2017.

Leçon pour faire apparaître (ou disparaître)

Le visionnement de la Leçon pour faire disparaître les gens, de François Bon, m’a spontanément fait penser à une histoire… d’apparition! Une histoire que j’avais racontée à l’occasion d’une conférence prononcée en 2003.

L’extrait:


«J’étais l’été dernier au chalet d’un ami dans la région de Victoriaville. Par une journée splendide, sur le bord du lac, je me suis amusé à essayer de pêcher l’écrevisse… tant bien que mal. Parce qu’après m’être bricolé un filet avec un sac de plastique et une branche et m’être roulé dans la boue plusieurs fois… tout ce que j’ai réussi à faire, c’est un fou de moi ! Il a fallu plus de deux heures pour que j’attrape enfin l’écrevisse tant convoitée.Comme un ami avait enregistré quelques images de toute cette catastrophe pour mon honneur, j’ai entrepris, une fois les enfants couchés, de faire un petit montage pour conserver un souvenir de la journée…

Mais le lendemain matin, quand j’ai présenté la vidéo à ma plus grande fille, et qu’elle m’a vu arriver sur le bord du lac, plonger le filet à l’eau et en ressortir miraculeusement, du premier coup, une écrevisse… elle a très bien compris qu’il y avait là mystification… et que ça ne s’était pas passé comme ça du tout ! Ce jour-là, elle a compris qu’elle ne pouvait pas se fier aux images que la télévision lui présentait… qu’il était possible de réécrire l’histoire avec des moyens très simples, une caméra vidéo, un ordinateur et quelques minutes.

Je pense que c’est en multipliant ce genre d’expérience, en donnant l’occasion aux élèves de faire de la vidéo numérique et de constater ce que la technologie permet de réaliser, qu’on pourra outiller les enfants pour qu’ils se façonnent une vision du monde bien personnelle au lieu d’accepter comme telle celle que d’autres pourraient leur offrir toute faite… avec peut-être une petite idée derrière la tête… Contre la téléréalité, ce sont des ateliers de créations vidéo qu’il faut opposer, pas davantage de discours théoriques sur la télévision elle-même.»


Tsé… quand une vidéo te fait penser à une vidéo, au sujet de la puissance (éducative) de la vidéo.

Bon dimanche!

Photo: fragment d’une oeuvre de Goran Trbuljak, vue au Musée d’art contemporain de Zagreb, à l’été 2017.

Entrevue (imaginaire) avec Denis Gravel


La liberté d’expression, ce n’est pas quelque chose qu’il faut défendre juste quand ça fait notre affaire. Même CHOI RadioX semble parfois l’oublier.

Désirant réagir à un segment de son émission d’hier, j’ai proposé d’aller en parler en studio, cet après-midi, avec Denis Gravel. Malheureusement, on m’a fait savoir que ça ne l’intéressait pas de me recevoir.

Alors, à défaut, je transcris ici la conversation telle que je l’avais imaginée.

***

— On reçoit maintenant Clément Laberge, qui est président du Parti Québécois pour la région de Québec. Salut!

— Salut, merci de me recevoir en studio!

— Je pense qu’on s’était déjà parlé il y a quelques années, ça s’peux-tu?

— Oui, j’ai été candidat pour le PQ deux fois et on avait fait une entrevue ensemble, probablement en 2015. On avait fini l’entrevue en se tutoyant, on peut reprendre ça tout de suite…

— Ok, Ça l’air que tu n’as pas apprécié le montage de Rich hier sur le congrès du PQ? On l’a pourtant trouvé très drôle ici! (rires en studio) (on entend un extrait du montage) (rires en studio)

— Tsé, c’est pas que vous vous moquez du PQ qui m’a ben ben dérangé… je suis pas mal habitué. Faut avoir la couenne pas mal épaisse, pis les convictions pas mal fortes pour militer pour le PQ à Québec. C’est parce que je crois à la liberté d’expression, comme vous, que ça m’a choqué. C’était cheap…

Vous avez retenu cinq ou six interventions un peu plus spéciales, caricaturales, parmi des centaines. Pis là, vous riez gras et vous terminez en disant quasiment qu’on aurait pas dû donner la parole à ce monde là. C’est quoi ça?

— C’est pas vraiment ça qu’on a dit… on est pas une émission d’analyse politique… on fait du divertissement, on a juste trouvé ça très drôle!

— Au congrès du PQ, il y a avait 2000 personnes, on a travaillé dans sept ateliers de six heures chacun, avec des centaines d’interventions au micro. Après ça, il y avait six heures en plénière, que le PQ a eu la transparence de diffuser entièrement sur le Web, en direct et sans censure. Il y a eu des interventions pour et contre presque tous les sujets. Tous ceux qui le souhaitaient ont pu aller s’exprimer au micro. Êtes-vous en train de nous reprocher qu’on laisse le monde parler?

— Pas du tout!

— Tu vas sûrement être d’accord avec moi que si on ouvre les micros à un groupe de 2000 personnes, il y aura forcément toutes sortes d’interventions. Parce qu’il y a là des gens de tous les âges, niveaux d’éducation, de richesse, du monde des régions, du monde de Montréal et même du monde de Québec… même au PQ! Ce serait vrai dans un groupe de 2000 de tes auditeurs, des auditeurs de Radio-Canada ou d’ailleurs. Vous le savez, il se passe toutes sortes de choses quand on part les lignes ouvertes.

— C’est sûr! (rire en studio)

— Le montage était malhonnête. Il ne représentait pas du tout le déroulement du congrès…

C’est pas parce que vous avez un ou deux animateurs dont les propos sont parfois maladroits, excessifs, ou dépassent leur pensée, que CHOI devrait perdre son permis de radiodiffusion. Right?

— Right!

— Me semble que je vous ai même déjà entendu plaider ça devant le CRTC… Right?

— Right!

— Moi ce que je défends aujourd’hui c’est que la liberté d’expression, c’est d’accepter que tout le monde ait le droit de parole, pas juste les gens qui pensent comme nous.

Pis le monde qui ont des convictions, même s’ils ont peut-être plus de mal à s’exprimer… pis qui osent quand même se lever pour aller s’exprimer au micro d’un congrès et de voir leur face en format géant sur les écran pour dire ce qu’ils pensent, moi j’admire ça. Je n’accepte pas qu’on les traite de façon méprisante comme vous n’accepteriez pas qu’on le fasse avec vos auditeurs.

Je veux qu’ils aient le droit de s’exprimer, même s’ils le font maladroitement et même quand je ne suis pas d’accord avec eux.

Pis hier vous défendiez le contraire. Vous vous moquiez du PQ parce qu’il a donné la parole à ces personnes.

À CHOI FM, la radio Liberté!

C’est ça qui m’a choqué, Denis. Surtout que Jeff a fait la même chose avant vous hier matin.

— (silence)

— Ça fait des années que je dis qu’il faut arrêter de parler du «Mystère Québec», je te l’avais dit la dernière fois qu’on s’est vus. Je dis aussi à tout le monde qu’il ne faut pas parler de radio-poubelle… mais hier, ce montage là, c’était de la radio-poubelle. C’était tout le contraire de ce que vous défendez constamment.

— J’vois pas ça d’même.

— Je ne suis pas venu ici pour faire de la politique partisane. Je n’essaierai pas convaincre les auditeurs de voter pour le PQ, mais je trouvais important de vous donner une bine… Te dire que c’est plus important de défendre la liberté d’expression, que de taper sur le PQ. Même si ça donne l’occasion de rire un bon coup.

— On rit aussi des autres tsé…

— Je m’en fous un peu. C’est pas mon point. Ce que je dis c’est que vous ne pouvez pas demander aux partis politiques d’être ouverts à tous les points de vue et les ridiculiser quand quelqu’un parle maladroitement ou dit quelque chose de façon caricaturale.

Vous ne pouvez pas demander aux partis politiques de ne pas tout gérer en coulisses, dans le secret, et les ridiculiser quand ils tiennent leur débat publiquement, en direct sur le Web. C’est trop facile.

— Faut pas capoter non plus, c’est juste du divertissement. On fait un peu comme Infoman… c’est notre façon d’intéresser les gens à la politique.

— (rire aux éclats) Franchement! Je ne te demande pas de dire du bien du PQ. T’as le droit de penser tout ce que tu veux de notre programme. Mais défendre la liberté d’expression, ça, franchement, je pense que vous n’avez pas le choix…

— On l’a toujours fait. Je pense que tu donnes trop d’importance au montage d’hier. 

On n’est pas d’accord, mais c’est quand même tout à ton honneur d’être venu en parler en studio. J’aime ça.

— Merci de m’avoir reçu, autrement j’aurais été obligé de me contenter d’écrire tout ça sur mon blogue.

— On aime autant pas! (rire en studio)

— Merci en tout cas! Ça été courageux de me recevoir. C’est tout à votre honneur.

(…)

— À la circulation, sur Henri IV… la 40 direction ouest… la Capitale… bouchée… les ponts… c’est compliqué…

***

Pendant que j’écris ce texte, Denis Gravel rediffuse, rediffuse et rediffuse le montage, reconnaissant maintenant du bout des lèvres que «c’était bien sûr le pire de ce que le PQ avait à offrir au cours de la fin de semaine», évoquant au passage «l’appel d’un haut-gradé du PQ qui trouvait que le montage n’était pas drôle…» 

— On lui a expliqué que c’était notre façon de parler de politique en riant, parce que c’est l’après-midi…» 

Heureusement à 17h10 le chroniqueur Jonathan Trudeau a pu exprimer, in extremis, et très brièvement, certaines des nuances dont j’avais souhaité débattre avec l’animateur. 

Faire une lecture engagée du Soleil

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J’ai lu Le Soleil de ce matin avec les échanges du vendredi sandwich en tête. Ça m’a amené à faire quelques observations:

Je me réjouis que le maire Labeaume demande au ministère des Transports de «faire des simulations informatiques afin d’évaluer la pertinence de construire un troisième lien à l’est de la région… ».

J’ajouterais personnellement que de telles simulations doivent aussi être faites pour le scénario d’un troisième lien à l’ouest — et qu’elles doivent être rendues publiques rapidement, de manière à alimenter le débat public. Il faut faire confiance à l’intelligence des citoyens en leur fournissant de l’information de qualité. Autrement les débats et les consultations sont inutiles — voire nuisibles.

ACTION: J’ai envoyé un courriel au maire pour l’encourager à préciser sa demande en ce sens. Pour ceux et celles qui voudraient faire de même, c’est ici.

Je me suis aussi réjoui de lire la lettre dans laquelle une vingtaine de personnes demandent d’accélérer le déploiement d’un transport collectif moderne à Québec. Leur texte est constructif et réussit à éviter le piège d’opposer le développement du SRB à d’autres aménagements possibles (et potentiellement nécessaires) au réseau routier de la capitale.

ACTION: J’ai envoyé un courriel au président de la Chambre de commerce pour le féliciter d’avoir signé cette lettre et lui demander de transmettre ce message aux autres signataires. Ceux et celles qui voudraient faire de même trouveront son adresse ici.

J’ai également apprécié le texte de François Bourque, qui adopte un point de vue pédagogique tellement nécessaire en rapport avec la présence des musulmans à Québec: «… quelques clés qui peuvent aider à mieux, je crois, à mieux comprendre qui sont les musulmans de Québec et comment améliorer le « vivre-ensemble »».

ACTION: J’ai transmis un commentaire à la rédaction du Soleil pour signaler mon appréciation de ce texte. J’ai utilisé ce formulaire.

J’ai aussi aimé lire le texte de Jean-Marc Salvet, qui témoigne de l’importance de la réaction des citoyens pour faire réagir le gouvernement. Il met aussi en lumière l’importance du travail des chroniqueurs — Michel Girard, dans ce cas — quand ils décident d’approfondir un sujet plutôt que de se contenter de rester dans l’opinion. Tout à fait dans l’esprit des sandwichs du vendredi.

J’ai finalement souri en voyant la page de publicité du Syndicat canadien de la fonction publique qui encourage les personnes retraitées de l’Université Laval à communiquer avec les députés de la région, en publiant leurs adresses, téléphones et courriel.

À croire qu’il y a quelque chose dans l’air… Peut-être quelque chose comme le début d’un réveil sur l’importance pour les citoyens de prendre les moyens pour se faire entendre.

Idée: Le Devoir en 2017

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Ana m’a suggéré dans les derniers jours de suivre l’exemple de mon cousin, qui a récemment publié sur son blogue des suggestions, simples et concrètes pour améliorer quelque chose (idée 1, idée 2 — d’autres à suivre?).

C’est justement ce que je vais faire ce matin, à la suite de la lecture d’un texte de Serge Truffaut, dans Le Devoir.

Dans ce texte, intitulé Amazon et le jazz, le journaliste décrit l’évolution de la stratégie du super commerçant. Partant de l’étonnante ouverture de magasins avec pignon sur rue (il pourrait y en avoir jusqu’à 250 en Amérique du Nord d’ici cinq ans), il décrit plusieurs effets indirects de cette stratégie — dont le résultat, pour l’amateur de jazz, serait un prix réduit de 6 à 7$ sur plusieurs albums.

Le survol que Serge Truffaut nous présente est très intéressant, mais il m’a parfois laissé sur ma faim — avec l’impression qu’il tourne parfois quelques coins ronds. J’aurais aimé pouvoir approfondir plusieurs aspects en prenant connaissance des articles que le journaliste a pu lire pour préparer son article.

Ce qui m’amène à l’idée, à ma suggestion.

Le Devoir (et les journaux québécois, en général) devraient (enfin!) prendre le tournant du Web, en ajoutant aux articles un lien pointant vers des références complémentaires, notamment celles qui ont été utilisées par les journalistes et chroniqueurs? Quelque chose de simple, comme un petit encadré, systématique, à la fin de chaque article, avec un lien qui pointe vers une liste de documents complémentaires sur le site du Devoir.

Évidemment, la version Web des articles devrait les présenter comme des hyperliens, à même le texte. Même chose dans l’application.

Ça peut paraître simple, voire simpliste… et pourtant!

Non seulement ça ajouterait du contenu au journal, mais ça contribuerait aussi à renforcer la crédibilité des médias… qui en ont bien besoin après cette année 2016 marquée par les erreurs et les fausses nouvelles.

On en parlait déjà en 1997 — et vingt ans plus tard, presque rien n’a changé de ce côté. Les journaux québécois ont leur site Web et leur application, mais ils n’ont pas encore intégré (ou trop timidement) la richesse primordiale du Web: les liens, qui sont au coeur de l’intelligence collective.

Il me semble que ça devrait même être le chantier prioritaire du Devoir dans les prochains mois: devenir le quotidien qui offre la meilleure porte d’entrée sur l’intelligence collective telle qu’elle se manifeste sur le Web québécois… et international.

Clin d’oeil: une lectrice du Devoir, Marie-Claude Delisle, rappelait justement, dans le temps des Fêtes, toute la richesse qui se cache dans les liens entre les textes. Le Devoir s’est même donné la peine d’intégrer des liens dans la version web de son texte, qui s’intitule: Faire des liens en lisant son «Devoir», ça crée du sens. Ça ne s’invente pas!

Mise à jour du 8 janvier 2017: En complément, cette entrevue avec Flaurent Daudens, qui explique Comment le quotidien Le Devoir s’organise pour effectuer son basculement numérique.

Facebook: de la critique à l’action

J’ai éprouvé un malaise en lisant le texte de Paul Journet dans La Presse de ce matin. Le procès de Facebook que l’éditorialiste souhaite faire me semble manquer de nuances parce qu’il occulte la dynamique qui lient les médias à Facebook.

Je comprends évidemment très bien la frustration de Paul Journet devant cette «machine à profit devenue si obèse et tentaculaire qu’on ignore comment la dompter» (mieux, je la partage!). Mais il est inutile de se moquer des vidéos de chats qu’on y trouve, c’est tout à fait anecdotique. C’est aussi contre-productif de prétendre que Facebook «s’est alliée aux mensonges et à la haine pour faire élire Donald Trump», c’est une affirmation trompeuse.

Facebook est une machine pour laquelle l’argent n’a pas d’odeur. Elle transforme tout simplement nos statuts, les partages qu’on en fait, nos commentaires et tous nos clics en argent sonnant et trébuchant — en vendant notre attention (de la publicité) et nos données personnelles (à toutes sortes d’entreprises).

Chaque fois qu’on clique sur «j’aime» on aide Facebook à nous connaître un peu mieux et on fait cadeau à la machine d’une foule d’informations qu’elle pourra revendre à notre insu (et pas toujours dans notre intérêt).

C’est pour ça que Facebook nous présente seulement des contenus qui sont susceptibles de nous intéresser — mieux de nous faire cliquer, encore et toujours. C’est pour ça que les fake news sont de l’or en barre pour Facebook: on clique pour voir si c’est vrai, on clique pour dire qu’on aime, ou pas, on commente pour dire que ça n’a pas d’allure… et pendant tout ce temps, Facebook s’enrichit.

Alors que si l’algorithme nous dirigeait vers des textes nuancés, qui demandent de longues minutes à lire et qui ne soulèvent pas autant de passion… eh ben, ce serait beaucoup moins payant… en clics, en commentaires… et donc en argent! Il n’y a pas de grand complot, c’est simple comme ça. Facebook fait son argent en nous faisant réagir, pas en nous rendant intelligents.

Paul Journet a certes raison de s’offusquer en constatant  que «le capitalisme techno [de Facebook] pille les médias traditionnels (…) les saigne puis les noie, en redonnant des miettes à la société.» Sauf que je trouve que les médias traditionnels ne sont pas des victimes innocentes de ce pillage, ils en sont aussi responsables quand ils choisissent d’appuyer une partie de leur modèle d’affaires sur celui de Facebook.

N’y a-t-il pas des boutons «partager sur Facebook» à côté de tous les articles de La Presse? Bien sûr, parce que sans Facebook pour ramener des lecteurs, La Presse n’aurait pas autant de revenus publicitaires. Est-ce que le parcours des lecteurs de La Presse+ (et même du site de La Presse) n’est pas analysé en détail, afin de guider la production éditoriale, comme le fait Facebook avec son algorithme? Est-ce que le choix de la gratuité pour La Presse+ n’est pas motivé par le même type de raisonnement que celui qui inspire Mark Zuckerberg avec son modèle Free Basics?

Je ne dis pas que tout cela est mal, je dis seulement qu’il faut en être conscient et que Paul Journet aurait dû en tenir compte.

Pour toutes ces raisons, je trouve que la conclusion de l’éditorial est malheureusement incomplète:

«Certes, le réseau social a de nombreux aspects positifs. Mais plus il se transforme en monopole, plus ces avantages s’effritent. Il n’est pas obligatoire de cliquer sur « j’aime ».»

Je pense qu’il est nécessaire de préciser que les médias doivent aussi interroger leur dépendance à Facebook. Il aurait peut-être même été utile d’ajouter, à l’intention des éditeurs de La Presse, qu’il n’est pas obligatoire, non plus, d’ajouter des boutons «partager sur Facebook» partout dans un média, surtout si on souhaite contribuer à dompter la machine Facebook.

Critiquer Facebook n’est pas suffisant, il faut surtout agir, lentement mais sûrement, en participant, par exemple, au développement d’espaces alternatifs pour accueillir des conversations de qualités, auxquels les gens auront envie de consacrer du temps plutôt que de passer de plus en plus de temps sur Facebook. Ou en explorant des modèles alternatifs à la publicité telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Ce n’est pas simple, je sais, mais pour paraphraser Paul Journet, à mesure que Facebook se transforme en monopole, plus ça devient important — voire essentiel pour l’avenir de la démocratie.

C’est (pas) bon pour le moral

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Voici un florilège de textes sur l’actualité québécoise qui me sont passés sous les yeux aujourd’hui. Oui, juste aujourd’hui! C’est d’une telle charge négative… Et j’aurais pu en ajouter plusieurs autres du même genre.

Il va vraiment falloir sortir de cette ambiance merdique sans trop tarder parce que le sentiment d’impuissance et le profond cynisme qui accompagnent tout ça sont pernicieux.

Il va falloir identifier des gestes concrets, réalistes pour le plus grand nombre, et dont les effets pourraient être visibles rapidement — pour que ce soit encourageant. On est plusieurs à en avoir besoin!

Alors pensons-y, partageons nos idées…

…ça pourrait aussi faire l’objet d’un remue-méninge à l’occasion de la quatrième édition du sandwich du vendredi.

***

Scandale à la SIQ: Jérôme-Forget dit ne pas avoir vu l’étude

«Mme Jérôme-Forget a déclaré par ailleurs qu’il n’est pas question qu’elle aille s’expliquer en commission parlementaire…»

Ministres manipulés par une organisation criminelle? demande Maltais

«Les révélations du Soleil sur l’existence de rapports défavorables à la vente d’immeubles de la SIQ soulèvent des questions sur l’influence d’une organisation criminelle auprès de ministres libéraux, estime la péquiste Agnès Maltais.»

La soeur de Sylvie Roy achetée par le PLQ? se demande Legault

«Un journaliste a par la suite paraphrasé ses déclarations récentes selon lesquelles les libéraux « offraient de l’argent » (…) pour attirer dans leur camp des caquistes. « Est-ce que c’est un cas comme ça ici », avec Mme Roy? a-t-on demandé à François Legault. « Il faut poser la question », a-t-il répondu.»

Sylvie Roy: Legault fait une «mise au point»

«M. Legault a simplement répondu aux journalistes qu’il fallait poser la question d’une hypothétique rémunération par le PLQ de ces personnes aux principaux concernés. M. Legault n’a jamais transposé ce questionnement à la situation de Mme Roy. Toute affirmation du contraire est sans fondement».

84% des personnes âgées préfèrent ne pas se faire changer la nuit selon le ministre Barrette

«Aujourd’hui on vit dans une ère de confrontation perpétuelle avec le monde syndical et je trouve ça dommage, alors qu’on devrait travailler ensemble…»

Barrette invité à passer une nuit avec une infirmière et ses patients

« »Il va voir ce que c’est d’avoir un nombre aussi élevé de patients et de ne plus être capable de dispenser les soins », a déclaré en conférence de presse Mme Laurent, qui faisait cette invitation au ministre en réponse a celle qu’il a faite la veille aux journalistes et aux élus d’aller déguster des repas de CHSLD mercredi au Centre des congrès.»

Note: Pour voir les autres textes en lien avec les rendez-vous sandwich, on peut cliquer ici.

Dylan, Hamelin, Couillard et Sévigny

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La remise du Nobel de littérature à Bob Dylan a beaucoup fait jaser cette semaine. La caisse de résonance médiatique est plus efficace que jamais.

Je n’ai pas d’opinion sur la décision de l’Académie Nobel — et je confesse un intérêt très limité pour ce débat — mais je me réjouis qu’elle contribue à (re)mettre à sous les projecteurs la question de la place de la littérature — sous toutes ses formes — dans l’espace public.

C’est d’ailleurs avec ça en tête que j’ai lu la courte entrevue de Louis Hamelin dans le Boréal Express reçu avec Le Devoir, au sujet de son plus récent livre Autour d’Éva:

«Le roman pourrait apporter quelque chose à la politique si les politiciens lisaient des romans. Dans un monde idéal, le roman pourrait même contribuer à former de meilleurs électeurs, en ouvrant l’imagination, en élargissant le spectre des possibles.»

«Le Québec n’est pas sage, il est satisfait. C’est bien pire. Pour ce qui est de la frilosité à la critique,on devrait se chicaner un peu plus souvent, ça nous ferait du bien.»

J’avais justement abordé la question du rapport que les politiciens entretiennent avec le roman, il y a une quinzaine de jours, notamment pour suggérer la création d’un club de lecture à l’intention des députés. En rappel:

L’automne, la lecture et la politique

Et comment, dans ce contexte, ne pas faire également référence à la délicieuse réponse de François Parenteau à la poésie-parce-que-ça-rime de Philippe Couillard?

Un billet de circonstance (audio)

Je retiens aussi de mes lectures matinales le projet de la Grande bibliothèque souterraine de Montréal, que m’a fait découvrir Fabien Deglise:

Une communauté souterraine de lecteurs

Un projet m’a rappelé la photo que j’avais publiée ici l’an dernier — et que j’aime particulièrement. En rappel, c’est l’en-tête de ce texte:

Lire vous transporte

***

Et question de plonger encore plus dans la rencontre du roman et de la politique, j’ai prévu entreprendre dans les prochaines heures la lecture de Sans terre, de Marie-Ève Sévigny, que j’ai acheté dès sa sortie… et dont je n’ai entendu que du bien depuis ce jour (sauf qu’il me restait des lectures à terminer avant de m’y lancer à mon tour!).

Sans terre | Marie-Ève Sévigny | Héliotrope Noir

À suivre, donc.

Le chaînon manquant

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On se déchaîne depuis quelques temps au sujet d’un troisième lien entre la rive sud et la rive nord de Québec. J’aimerais qu’on parle aussi du chaînon manquant: la gestion du temps collectif (et de nos infrastructures).

On peut bien parler d’un tunnel, d’un pont, d’élargir les autoroutes, de repenser le secteur de la tête des ponts… si on ne se penche pas d’abord sur les facteurs qui sont responsables de la congestion on n’arrivera pas à trouver les solutions que tout le monde espère.

Et même si la solution était la construction d’un troisième lien, nous aurions plusieurs années à devoir composer avec une situation difficile d’ici à ce que cela puisse devenir une réalité.

Alors, pourquoi ne pas se mettre sérieusement à l’ouvrage pour trouver des solutions, maintenant — avec un peu d’ouverture d’esprit.

François Bourque évoque une voie qui me semble prometteuse dans Le Soleil de ce matin: la mise en place d’un Bureau du temps. Il pourrait s’agir d’une structure légère, qui ne coûterait presque rien, et qui pourrait voire à suggérer des aménagements concrets dans les horaires des grands centre d’activités de la ville afin de réduire la pression sur le réseau routier aux heures de pointe, notamment. Son texte est ici:

Étaler l’heure de pointe

C’est une propositions moins sexy que de promettre de grands projets d’infrastructure, mais ce serait très certainement plus efficace à court et à moyen terme. C’est du moins ce que démontrent, très clairement, des initiatives semblables réalisées ailleurs dans le monde.

François Bourque avait déjà évoqué les bureaux du temps en 2013:

À la recherche du temps perdu

Cinq piste pour mieux organiser le temps à Québec

François Cardinal, devenu éditorialiste en chef de La Presse, en avait aussi parlé en 2004:

Je suis en r’tard

J’y faisais d’ailleurs référence sur ce blogue. C’était il y a douze ans!

Bureaux du temps…

Vous constaterez dans ce texte qu’on évoquait même à l’époque l’intégration de cette idée dans la loi sur la conciliation travail-famille.

Alors, après tout ce temps, et avec les inconvénients de la congestion qui empire chaque année, ce serait peut-être temps qu’on s’y mette… ne serait-ce qu’en marge des inévitables polémiques?

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Je me souviens très bien d’avoir évoqué la création d’un bureau du temps pour la Capitale-nationale à l’occasion d’un remue-méninges en vue de définir la plateforme du Parti Québécois pour la campagne électorale de 2014 (ou était-ce même en 2012?).

Cela n’avait pas suscité un grand enthousiasme, c’est le moins qu’on puisse dire. On m’avait clairement fait comprendre que ce n’était pas une proposition gagnante. Je regrette aujourd’hui de ne pas avoir insisté davantage.

C’est cette idée que j’aimerais voir le prochain chef du Parti Québécois plaider activement dans les prochaines semaines. Ce serait une contribution de bon sens, qui m’apparaît utile pour la suite des choses — qu’on envisage, ou pas, la construction d’un troisième lien.

De la radio plate?

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Le Soleil publie aujourd’hui quelques textes sur la rentrée radiophonique à Québec. Une rentrée qui pourrait être marquée par une surenchère de la controverse, nous dit Élisabeth Fleury, rapportant les propos de Claude Thibodeau, analyste en médias:

«La plupart des ténors de la radio de Québec sont pas mal à droite du spectre [politique]. Le discours va être homogène partout, et ceux qui vont vouloir se distinguer là-dedans vont devoir patiner plus vite et scorer plus fort. Ça pourrait donner lieu à une petite surenchère de la controverse et entraîner des dérapages, peut-être même des nouveaux litiges»

L’analyste poursuit en suggérant qu’il est un peu normal que les ondes soient généralement accaparées par la droite, parce que:

«…les gens à gauche ne veulent pas prendre de raccourcis intellectuels pour faire valoir leurs opinions, c’est antinomique avec leur façon de faire, donc ça [ferait] de la radio plate»

« [et] la nuance en radio, ce n’est pas payant»

Je comprends son raisonnement mais je trouve qu’il a pour effet de détourner notre attention d’une autre dimension du problème de la radio à Québec.

Je ne pense pas que les gens choisissent une station de radio en fonction de l’axe politique gauche-droite — et encore moins en fonction des nuances qui sont formulées (ou non) par les intervenants. Je crois que la majorité des gens cherchent d’abord et avant tout à être accompagné par des gens stimulants dont les propos font réagir.

Je pense que la radio de Québec a moins un problème «gauche-droite» qu’un problème de diversité dans les approches utilisées pour faire réagir les auditeurs. Aujourd’hui, presque toute les stations s’appuient sur la frustration et la colère pour susciter des réactions.

J’ose un lien avec avec un passage d’un texte récent du journaliste économique Gérald Fillion, qui me semble tout aussi pertinent pour les animateurs de radio que pour les politiciens:

«[les] travailleurs, en colère et déçus, ont l’impression de s’être fait avoir. Le problème, c’est que leur mécontentement est aujourd’hui récupéré par des politiciens prêts à tout pour gagner des votes. […] Ils attisent les passions, nourrissent la division, leur projet n’est plus celui de faire rêver, mais de faire enrager.»

Il existe pourtant bien d’autres leviers psychologiques que la colère pour susciter des réactions chez quelqu’un. On peut le surprendre, lui faire découvrir des choses étonnantes, le faire rêver, le pousser à l’action, etc.

Rien de tout cela n’implique de se précipiter dans les nuances, et encore moins d’être plus ou moins «à gauche». Il faut essentiellement choisir d’interpeler les auditeurs. Le piège n’est pas la droite, c’est l’indifférence.

C’est pour ça qu’il me semble évident que ce n’est pas en privilégiant la gauche, ou en misant sur les nuances, que Radio-Canada pourra profiter de la situation pour augmenter ses cotes d’écoute, comme le suggère Claude Thibodeau.

C’est en (re)devenant une radio qui fait, elle aussi, réagir ses auditeurs — de façon aussi vigoureuse, mais en faisant appel à d’autres types de sentiments, sans doute plus positifs.

Sujet important, sondage inutile

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Ah, les sondages. Un bel outil, certes utile en démocratie, mais auquel on peut aussi faire dire n’importe quoi — en particulier quand les questions sont mal posées ou ne veulent rien dire.

J’ai applaudi ce matin, entre deux gorgées de café, en lisant l’éditorial de Jean-Marc Salvet, dans Le Soleil:

Gare au revenu miracle!

Extrait:

«Les Canadiens sont en faveur de l’établissement d’un programme de «revenu minimum garanti», nous apprend un sondage Angus Reid publié cette semaine. [Pourtant personne] ne sait vraiment de quoi il s’agit.

C’est que le revenu minimum garanti est un concept à mille visages. Il peut favoriser une redistribution de la richesse, tout autant que la limiter. (…)

Tant qu’aucun projet concret ne sera présenté, tant qu’aucun ne sera défini (…) personne ne devrait soutenir qu’une population est pour ou contre. Ces sondages sont inutiles.»

Merci! Merci de le dire aussi clairement. J’applaudis encore, parce qu’on a besoin que les médias mettent en évidence de telles formes de manipulation de l’opinion publique. Cette dénonciation va d’ailleurs tout à fait dans le sens des réflexions que j’évoquais hier:

Des discours plus constructifs

Les sondages prétendent rendre compte de l’opinion de la population, alors qu’ils visent parfois plutôt à la définir, à l’influencer, dans l’intérêt de ceux qui les commandent dans la plus grande discrétion. 

Je ne dis pas ça parce que je serais contre le revenu minimum garanti — ni pour, d’ailleurs. Mon opinion n’est pas faite. Il me manque trop d’information. Et c’est bien justement pour cette raison que j’espère que nous aurons l’occasion d’en débattre intelligemment, avec toute la pédagogie qui s’impose pour un changement social de cette ampleur (dont l’éditorialiste a raison de dire qu’il devra forcément s’accompagner d’un mandat électoral, le cas échéant).

Pour le moment, ce que je constate c’est que le Parti libéral semble avoir décidé d’aborder la question de front (même les jeunes libéraux s’y mettent vigoureusement en fin de semaine), alors que le Parti Québécois et la Coalition Avenir Québec ne s’y sont même pas encore engagés (ou alors ça m’a échappé). Il le faudra pourtant… et plus tôt que tard, parce que ça pourrait bien devenir un enjeu déterminant de la prochaine élection.

 

«C’est pas nous, c’est elle»

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Ça fait très longtemps qu’un article de journal ne m’a pas autant choqué. Et pourtant, ce n’est pas parce qu’on manque de sujets d’indignation par les temps qui courent…

Une ado de Trois-Rivières cause l’annulation d’une question d’examen du ministère | Le Soleil | 16 juin 2016

L’article nous apprend que la question principale de l’examen national d’histoire de quatrième secondaire sera annulée, par mesure d’équité (comme une autre question, d’un autre examen, la semaine dernière, j’en parlais ici).

Dès le titre de l’article du Soleil, on pointe du doigt une ado comme responsable du cafouillage.

Une ado.

Et pourquoi on dit qu’elle est responsable? Parce qu’elle a diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle elle expliquait le raisonnement de son professeur sur ce qui pourrait leur être soumis à l’examen. Pas la question d’examen, un tuyau d’un prof pour bien se préparer à l’examen.

Or, apparemment le prof avait trop bien vu… Conclusion du ministère: à partir du moment où cette vidéo circulait, «les étudiants avaient trop d’information.» On annule tout.

Qui est responsable? Pas le ministère qui a conçu l’épreuve, pas une responsabilité partagée d’un paquet de monde. Non. L’ado.

Sérieusement. Voilà tout un système qui fait porter le poids d’un échec sur une ado.

La conclusion de l’article m’a fait crier:

De toute évidence, l’adolescente est atterrée par la tournure des événements. «Je suis vraiment désolée, écrit-elle. Présentement, je me déteste. Je ne sais plus quoi faire avec toutes les insultes que je reçois par des gens qui ne comprennent pas ma situation. Tout le Québec sur le dos, c’est de quoi.»

«Présentement, je me déteste.»

C’est grave. Très grave.

Je pense que le ministre de l’Éducation devrait appeler cette adolescente et la rassurer. Elle n’a rien fait qui mérite qu’elle se déteste.

Le système scolaire ne devrait, sous aucun prétexte, amener un enfant à dire qu’il se déteste.

C’est notre responsabilité, à tous, d’être garant de cela.

Je vous invite, monsieur le ministre, à prendre le téléphone et à porter rapidement, en notre nom à tous, ce message essentiel auprès de cette jeune fille.

Révolution? Quelle révolution?

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J’ai lu avec intérêt le dossier que LaPresse+ a consacré au livre numérique en fin de semaine  — et ça m’a vivement donné l’impression qu’on est en train de passer à côté des vrais enjeux.

Une révolution (très) tranquille | La Presse+ | 15 février 2015 — accessible seulement à partir d’un iPad

Une révolution très tranquille? Peut-être… mais quelle révolution? Vendre les livres dans un nouveau format? Une révolution? Vraiment?

Et si la révolution c’était plutôt la capacité d’utiliser de nouveaux vecteurs pour rejoindre de nouveaux types de lecteurs? Des outils qui permettent aux auteurs et aux éditeurs d’être en contact direct avec les lecteurs? D’en comprendre mieux les habitudes et les intérêts? L’apparition de circuits de vente plus courts? plus dynamiques? ou qui font appel à de nouveaux types d’intermédiaires? La possibilité de renouveler le marketing du livre? Une facilité accrue de lier le livre à d’autres produits culturels? Et quoi encore? Sans oublier l’exploration de nouvelles manières de raconter des histoires.

Est-ce qu’on s’intéresse à tout ça aujourd’hui? Certainement pas assez en tout cas. Et ça passait plutôt à côté du radar de LaPresse+ (pas complètement — mais presque). Et c’est dommage — parce que c’est là qu’on est rendu… et la vraie révolution c’est là qu’elle se trouve.

S’être donné les moyens de produire, de distribuer et de vendre les livres publiés ici sous divers formats numériques, c’était nécessaire, c’était un point de départ — mais si on s’arrête à ça, on passe à côté du plus important, non?

Faudrait s’y mettre (très) rapidement.

Carte postale…

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C’est une carte postale de 1979, au Québec.

Ce qu’on choisissait de monter, de tout un village situé dans la magnifique Baie des Chaleurs, c’est son église à travers les arbres (la qualité de l’image permet même de penser que c’était un montage).

De tous les points de vue possibles, c’est celui-là qu’on choisissait comme image du coeur de la Baie des Chaleurs.

Cela semble pour le moins étonnant 35 ans plus tard, mais est-ce bien différent aujourd’hui?

Les images que nous offrons de nous-mêmes sur les cartes postales, dans les médias et sur les réseaux sociaux ne sont-elles pas aussi sélectives? Et est-ce que ce que les médias nous présentent de l’étranger l’est moins? Qu’en est-il de la représentation des conflits et des communautés qui s’y affrontent? Celle d’Israël? De la Palestine? De l’Ukraine et de la Russie?

Et celles des communautés autochtones québécoises et canadiennes? Ne sont-elles pas aussi incomplètes, sélectives, voire trompeuses?

Probablement.

Rappel: ne jamais perdre de vue que le regard qu’on pose sur les choses porte déjà en lui une forme de jugement.