Voiture autonome: une opportunité pour le Québec (si…)

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Je m’intéresse de plus en plus aux enjeux associés au développement des voitures autonomes. Enjeux technologiques, bien sûr, enjeux éthiques, aussi — et en particulier à tous les impacts sur l’aménagement des milieux de vie.
L’article que Florence Sara G. Ferraris signe à ce sujet dans Le Devoir d’aujourd’hui est intéressant à plusieurs égards.

Intitulé Une révolution qui pourrait sauver des vies, le texte adopte un ton positif sur la voiture autonome:

«Dans cette logique, retirer l’être humain de derrière le volant pour le remplacer par une technologie de pointe pourrait faire chuter drastiquement le nombre d’accidents répertoriés.»

«…une commercialisation massive des véhicules autonomes pourrait, à terme, faire économiser très gros aux gouvernements du monde entier.»

«Surtout, note-t-il, le programme se perfectionne à mesure qu’on l’utilise. Plus encore, parce qu’il est connecté par Internet aux autres Tesla qui circulent dans le monde, il bénéficie des expériences de conduite des autres.»

C’est toutefois la conclusion du texte qui m’interpelle le plus, parce qu’elle témoigne d’une façon d’aborder les changements technologiques qui est beaucoup trop répandue au Québec: observer, attendre et s’adapter quand il ne sera plus possible de faire autrement.

«Au Québec, des changements majeurs devront encore être apportés au Code de la sécurité routière et à la Loi sur l’assurance automobile avant que des véhicules autonomes puissent circuler sur nos routes. Interrogée sur la question, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) précise toutefois qu’aucun changement n’est prévu dans un avenir rapproché. « Nous sommes vigilants, assure le porte-parole de la SAAQ Mario Vaillancourt, mais rien ne nous indique, pour le moment, que des modifications, seront, ou devront, être apportées rapidement. »»

Il faut rapidement changer cet état d’esprit: être vigilant, ça veut aussi dire de porter attention aux opportunités qui accompagnent le développement d’une nouvelle technologie. On doit apprendre à voir l’évolution des technologies d’abord et avant tout comme des opportunités; plus que comme des menaces.

Dans le cas des véhicules autonomes, par exemple, il me semble qu’on devrait faire du Québec un lieu privilégié d’expérimentation. On devrait accueillir à bras ouverts les fabricants — pour qui l’hiver représente un défi évident. Un défi qu’il faudra bien qu’ils relèvent si nous souhaitons pouvoir, nous aussi, profiter pleinement des véhicules autonomes.

On pourrait évidemment mettre en place des incitatifs financiers, comme on l’a fait avec plusieurs autres industries dans le passé. Mais on pourrait surtout créer un environnement politique, législatif et réglementaire particulièrement favorable.

  • On pourrait donner accès aux voies réservées aux véhicules autonomes;
  • On pourrait annoncer notre intention de rendre les moyens de transports collectifs autonomes sur une période de dix ou quinze ans;
  • On pourrait équiper le mobilier urbain de tous les équipements utiles pour que les véhicules se coordonnent plus efficacement entre eux — et avec la réalité urbaine;
  • On pourrait s’engager à ce que toute nouvelle infrastructure routière soit spécialement conçue de manière à favoriser le passage des véhicules autonomes;
  • On pourrait rassembler des conditions particulièrement attirantes pour les entrepreneurs de cette nouvelle ruée vers l’or;
  • etc.

Il faut que le Québec fasse rapidement la démonstration qu’il est non seulement ouvert aux véhicules autonomes, mais qu’il est intéressé à jouer un rôle de premier plan dans leur développement — en particulier pour ce qui concerne les conditions hivernales.

Il faut évidemment aussi, en parallèle, trouver des moyens pour que l’automatisation n’ait pas pour effet d’ajouter encore des véhicules sur les routes.

Il faudra être ingénieux pour explorer les possibilités de partage des véhicules autonomes, de manière à optimiser l’utilisation des automobiles — qui restent très polluantes (même quand elles sont électriques) et très coûteuses. C’est d’ailleurs la principale source d’appauvrissement de la population en Amérique du Nord, comme nous le rappelle fréquemment, avec raison, Alexandre Taillefer.

C’est un des défis importants auquel nous aurons à faire face dans les prochaines années

Si on ne joue pas un rôle actif dans le processus d’innovation, il ne faudra pas se surprendre que les technologies soient ultimement conçues en fonction des réalités et des intérêts des autres…

Je pense qu’on peut faire mieux. Qu’on doit faire mieux.

En complément: un texte précédent, en écho à une entrevue avec Michel Dallaire, dans laquelle il est abondamment question de voiture autonome: Ville, technologie, démocratie.

L’architecture des écoles

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Le premier texte que j’ai lu en me levant ce matin m’a fait du bien. C’était l’éditorial de François Cardinal dans La Presse+: Pourquoi pas du beau pour nos enfants? Un texte positif, qui propose quelque chose de concret pour changer radicalement notre rapport avec l’école. Enfin.

L’idée centrale de François Cardinal: « Comme les bibliothèques, les écoles mériteraient d’être construites à l’issue de concours d’architecture. »

Je suis d’accord! Et je pense qu’il suffit pour s’en convaincre de voir comment les nouvelles bibliothèques suscitent l’enthousiasme, partout au Québec, à quel point elles sont instantanément adoptées par la population et deviennent, presque à coup sûr, un immeuble emblématique des communautés qu’elles desservent.

Ça apparaît de plus en plus comme une évidence: ce qui a de l’importance pour la société doit être beau. Les écoles doivent être belles.

***

Question d’approfondir un peu le sujet, je suis retourné dans le livre Demain — que j’ai acheté après avoir adoré le film. Je me souvenais qu’on y faisait référence à une école finlandaise à l’architecture particulièrement réussie. Il s’agit de l’école de Kirkkojärvi.

J’ai fait quelques recherches sur le Web pour en savoir plus, j’ai trouvé ça, ça et ça (vidéo). J’ai aussi trouvé de l’information au sujet de l’école Saunalahti, une autre bâtiment conçu par le même cabinet d’architecture. Deux écoles construites dans des climats semblables au nôtre. Ça fait rêver.

J’ai aussi pris le temps de regarder les vingt minutes d’une capsule vidéo produite l’année dernière par La Fabrique culturelle: L’atelier Pierre Thibault | L’école de demain.

J’ai bien ri quand, à 8 minutes 50 secondes, Jean-René Dufort dit que «s’il était ministre de l’Éducation…» l’architecture des écoles serait sa priorité prioritaire.

J’ai bien ri, parce que c’est en évoquant cette phrase que j’ai conclu mon texte d’hier… en référence à un exercice que j’avais fait en 2003 — sur lequel je m’apprête à revenir.

Mise à jour / complément: je découvre aussi l’organisme Kumulus, qui a pour mission «de sensibiliser le jeune et le grand public à l’importance du design et de l’architecture pour favoriser le développement et l’apprentissage.» Et je suivrai la publication de cette revue française, dont le numéro de février portera sur l’architecture des écoles.

La revue des blogues

Je pense que plusieurs forces convergent, en ce début 2017, pour que les blogues redeviennent les espaces vigoureux où se publient des textes d’une écriture spontanée et vivante, comme ils l’ont déjà été. Et je m’en réjouis.

J’ai aimé de voir renaître plusieurs blogues au cours des derniers jours (Martin Lessard a même appelé ça le défi Rémolino — voir ci-dessous!). Mais ce que j’ai vraiment apprécié le plus, c’est de voir des liens se faire d’un texte à l’autre, d’un blogue à l’autre. Parce que c’est surtout ça, pour moi, l’esprit des blogues: croiser nos réflexions, simplement, au quotidien, sans prétention, parce que c’est enrichissant… et que c’est l’fun.

Et comme on le faisait dans l’bon vieux temps, voici une sélection de quelques-uns des textes de blogues qui ont particulièrement retenu mon attention au cours de la semaine. Sans ordre particulier.

Des bilans et des résolutions. | Carl-Frédéric De Celles

«Le goût d’éliminer certains stress également, en s’organisant différemment. Etre un peu extrême dans certains choix même. Et toujours ce goût de partager plus de choses. Je ne vous fait pas de promesse d’écrire plus, mais j’ai trois billets en attente déjà pour cette semaine. Ne me reste qu’à les relire et les publier.»

NOTE: Les trois textes ont été publiés: ici, , et .

Quoi de neuf chez-vous? | Marie-José Reid

«Bon. Maintenant que Clément l’a annoncé et que plusieurs blogues ont été réanimés (coucou CFD et Martine!), il me faudra bien revenir à une discipline d’écriture. Ce qui pourrait s’avérer plus facile à dire (ou plutôt à écrire!) qu’à faire… (…) Bref, on parle de quoi, en 2017, quand on veut bloguer?»

Notes de chantiers | Martin Lessard

«2017. Je vais prendre au bond le «défi Rémolino» (…) — 2016, c’est l’année où j’ai eu plus de billets qui sont restés en brouillon, plutôt que d’être publiés. Ma résolution, dans mon cas, est de me réserver quelques minutes par semaine pour publier des billets, certes plus courts, beaucoup plus courts, mais qui verront au moins le jour.»

2016 –> 2017 | Ana-Laura Baz

«2017 sera l’année des blogues. C’est Clément qui le dit. Et il a déjà réussi à convaincre plusieurs personnes que c’est vrai. Alors voilà, j’aurai au moins un billet pour 2017!»

L’école du futur, ça part de 2007 | Mario Asselin

«2017 apporte déjà une bonne nouvelle (…) En quelques jours seulement, j’ai pu lire les billets de quelques vieux routiers du blogue qui profitent de ce début d’année pour se remettre avec entrain à la pratique carnetière. (…) Imitant Clément, je suis donc retourné dans mes archives de janvier 2007 pour y découvrir des choses fascinantes.»

Idée #94 | Alex Lauzon

«Bon. En 2017, la tendance semble être de publier du contenu intelligent comme nos téléphones et des sujets qui engagent la conversation. (…) Dernier jour de congé avant la dernière fin de semaine avant le retour dans la tanière de renards. Aussi bien en profiter pour publier une idée. Celle-ci me semble géniale et tellement porteuse: la gratuité de tous les transport en commun du grand métropolitain.»

Ralentir en 2017? | Martine Rioux

«Déjà, en 2016, j’ai recommencé à écrire plus souvent pour moi, à mettre mes idées en place sur différents sujets et à les publier sur mon blogue. Ça fait du bien! Je pense que ça me manquait. Le retour des blogues, hein, Clément?»

Lire | Maxime Tremblay

«Avez-vous souvenir du livre qui a déclenché chez vous la passion de la lecture? Moi, je me souviens de « Papillon » d’Henri Charrière qui a certainement été une révélation (et que j’ai probablement lu trop jeune). Une première histoire pour adulte, qui était présenté comme une « histoire vraie », avec un volet exotique, de l’aventure, de la souffrance, de l’injustice, écrit d’une façon magistrale par ce formidable raconteur. Je me souviens aussi de découvrir Pagnol, des Piliers de la terre de Follett, de la folie de Folco… et d’avoir enfilé les 4 premiers tomes d’Harry Potter en 10 jours.»

***

Le premier texte que j’ai publié sur sur mon blogue en 2017, se concluait ainsi:

«J’aimerais aussi de rebâtir quelques dialogues avec d’autres blogueurs, en s’interpellant d’un texte à l’autre, comme on le faisait si bien avant l’arrivée de Facebook.»

Je suis enchanté de constater qu’une semaine plus tard, ce voeu semble en bonne voie d’être exaucé.

Sondage, confiance, défiance

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Je retrouve avec plaisir la magie qui accompagne une écriture (encore plus) assidue — à plus forte raison quand elle est publiée sur un blogue dans un réseau de gens qui écrivent. Ça aide à focaliser l’attention… et ça donne lieu à toutes sortes de choses imprévues.

Comme ce contact de la sociologue Sophie Hamel-Dufour, ce matin, sur LinkedIn, qui m’a permis de découvrir SocioZone et son blogue — que je me suis empressé d’ajouter à la liste de ceux que je suivrai assidument.

On y trouve là quelques brefs coups d’oeil (comme celui-ci, sur l’entrée des émoticônes au musée), mais surtout des réflexions sociologiques un peu plus longues qui sont à la fois stimulantes et nuancées.

J’ai particulièrement apprécié le texte qu’elle consacre aux limites des sondages: Pour en finir avec la suprématie des chiffres: oser le sens des mots. Extraits:

«…en proposant des choix de réponse, les sondages passent à côté de la signification réelle d’une opinion. Comprendre le sens d’une opinion exige de s’intéresser au pourquoi qui la précède : pourquoi les gens pensent ce qu’ils pensent, veulent ce qu’ils veulent, font ce qu’ils font? (…)»

«Les idées, les opinions, les décisions sont plus complexes qu’un « oui, non, je ne sais pas’. À force de réduire l’interprétation de la pensée à des choix de réponse, on réduit sa propre capacité à anticiper les événements.»

C’est un texte qui me semble spécialement intéressant dans le contexte où on apprenait dans Le Devoir d’hier matin qu’un premier quotidien français avait décidé de ne plus commander de sondages: Le Parisien renonce aux sondages.

« C’est une réflexion qu’on a menée depuis quelque temps déjà, notamment après le Brexit et l’élection de Donald Trump (…) Nous allons privilégier le terrain.»

«Ce n’est pas une question de défiance envers les sondeurs, mais une façon de travailler différemment que nous voulons tester…»

— Stéphane Albouy, directeur des rédactions du Parisien, cité par l’AFP.

Et parlant de défiance, Sophie Hamel-Dufour propose également un texte intitulé La défiance plutôt que la confiance? Je trouve qu’il décrit très bien l’état d’esprit qui nous a presque tous contaminé à la fin de 2016 et dont il me semble indispensable de se défaire le plus tôt possible.

«En l’absence de confiance, on devient méfiant. La méfiance entraîne un repli sur soi, elle nous « met en garde contre quelque chose », sans que l’on sache toujours très bien quelle est cette chose.

Quand la méfiance nous amène à nous méfier de tout, c’est qu’elle glisse vers la défiance, vers une suspicion généralisée (…)

Mettre sa confiance dans des gestes de défiance n’est pas sans risques. À la longue, cela devient même invivable. (…)

La confiance est un pari. Celui de s’appuyer sur les autres. Celui d’être avec les autres.»

J’ai hâte de lire les prochains textes qu’elle publiera.

Photo: Une oeuvre de Geneviève De Celles.

Faire confiance aux images?

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La manipulation de l’information est un enjeu de plus en plus important pour la démocratie. Ce n’est pas banal quand on se met à parler fréquemment d’ère post-factuelle et de l’apparition des démocratures. On n’est pas sorti du bois: c’est le moins que l’on puisse dire!

Comment réagirons-nous quand nous ne pourrons plus croire aucune photo ni aucune vidéo? Parce que la fin de la prétendue objectivité de l’image est sur le point de sonner — elle qui ne tenait, au fond, qu’à la difficulté de modifier des images sans que cela soit évident.

Dans le texte L’avenir de la désinformation, Hubert Guillaud illustre très bien à quel point il est devenu facile de créer l’illusion du vrai. Ce n’est pas encore parfait, mais ce n’est qu’une question de temps… de très peu de temps.

Prenez Smile Vector, un robot qui transforme automatiquement des photos pour rendre les gens souriants (et pourquoi pas d’autres changements?).

Et Face2Face, qui permet de modifier l’expression faciale de quelqu’un dans une vidéo, en temps réel — pour lui faire dire autre chose, par exemple.

Tout ça pose des défis inédits pour l’esprit critique. Cela soulève évidemment aussi des enjeux éducatifs essentiels — auxquels l’école n’est vraisemblablement pas adéquatement préparée.

Et il faut réaliser à quel point ce sont des bouleversements rapides!

Ces technologies de modifications d’image, qui s’appuient sur le développement de l’intelligence artificielle, ont déjà commencé à faire discrètement leur apparition dans les iPod, iPad et iPhone que les enfants utilisent.

C’est comme ça qu’il faut voir les filtres que SnapChat a popularisés, qui permettent d’ajouter automatiquement des chapeaux fantaisistes ou d’autres masques à des selfies: ce sont de puissants outils de modification d’images et de vidéos en temps réel. Dans ce cas, ils n’ont pas pour objectif de tromper, mais ce n’est pas parce qu’ils ne seraient pas en mesure de le faire.

Je pense que ce serait d’ailleurs un très bon point de départ pour sensibiliser les enfants (et les adultes!) à l’importance de l’esprit critique, et à ses nouvelles exigences, notamment à l’égard des images (même de celles que des amis nous envoient… voire celles que nous prenons nous-mêmes!).

Une réflexion à mettre en parallèle avec celle de Bruno Devauchelle, que j’évoquais hier: Quand la photo arrête le temps…

Je pense que je devrais proposer à l’École branchée un texte un peu plus concret sur tout ça…

Mise à jour: pour plonger encore plus loin dans l’inconfort / la perplexité, il faut poursuivre la lecture avec cet autre texte d’Hubert Guillaud: L’ère des images invisibles.

« Nous ne regardons plus les images : les images nous regardent. Elles ne représentent plus simplement des choses, mais interviennent activement dans la vie quotidienne. »

Dylan, Hamelin, Couillard et Sévigny

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La remise du Nobel de littérature à Bob Dylan a beaucoup fait jaser cette semaine. La caisse de résonance médiatique est plus efficace que jamais.

Je n’ai pas d’opinion sur la décision de l’Académie Nobel — et je confesse un intérêt très limité pour ce débat — mais je me réjouis qu’elle contribue à (re)mettre à sous les projecteurs la question de la place de la littérature — sous toutes ses formes — dans l’espace public.

C’est d’ailleurs avec ça en tête que j’ai lu la courte entrevue de Louis Hamelin dans le Boréal Express reçu avec Le Devoir, au sujet de son plus récent livre Autour d’Éva:

«Le roman pourrait apporter quelque chose à la politique si les politiciens lisaient des romans. Dans un monde idéal, le roman pourrait même contribuer à former de meilleurs électeurs, en ouvrant l’imagination, en élargissant le spectre des possibles.»

«Le Québec n’est pas sage, il est satisfait. C’est bien pire. Pour ce qui est de la frilosité à la critique,on devrait se chicaner un peu plus souvent, ça nous ferait du bien.»

J’avais justement abordé la question du rapport que les politiciens entretiennent avec le roman, il y a une quinzaine de jours, notamment pour suggérer la création d’un club de lecture à l’intention des députés. En rappel:

L’automne, la lecture et la politique

Et comment, dans ce contexte, ne pas faire également référence à la délicieuse réponse de François Parenteau à la poésie-parce-que-ça-rime de Philippe Couillard?

Un billet de circonstance (audio)

Je retiens aussi de mes lectures matinales le projet de la Grande bibliothèque souterraine de Montréal, que m’a fait découvrir Fabien Deglise:

Une communauté souterraine de lecteurs

Un projet m’a rappelé la photo que j’avais publiée ici l’an dernier — et que j’aime particulièrement. En rappel, c’est l’en-tête de ce texte:

Lire vous transporte

***

Et question de plonger encore plus dans la rencontre du roman et de la politique, j’ai prévu entreprendre dans les prochaines heures la lecture de Sans terre, de Marie-Ève Sévigny, que j’ai acheté dès sa sortie… et dont je n’ai entendu que du bien depuis ce jour (sauf qu’il me restait des lectures à terminer avant de m’y lancer à mon tour!).

Sans terre | Marie-Ève Sévigny | Héliotrope Noir

À suivre, donc.

Journaux et café

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La lecture des journaux à l’ombre sur la terrasse ce matin avec un bon café, de petites prunes jaunes et un vent doux pour brasser l’air: un grand plaisir pour l’esprit comme pour les sens.

Plusieurs textes ont retenu mon attention pour poursuivre les réflexions des derniers jours, en particulier au sujet de l’agriculture et l’alimentation, de l’état de notre démocratie et du développement de la ville de Québec.

 

L’agriculture et l’alimentation

Plusieurs personnes m’ont écrit pour me suggérer des lectures complémentaires au texte que j’ai publié ici hier. Pour m’offrir de participer à la recherche et à la réflexion aussi. Merci!

Le Devoir contribue aussi avec plusieurs textes, dont celui-ci, dont je reprends quelques extraits, mais que j’aurais pu citer au long.

Produits maraîchers et grandes chaînes alimentaires | Philippe Mollé | Le Devoir

«Je n’ai rien contre le fait qu’on consomme des pêches, par ailleurs excellentes, de l’Ontario, ou certains produits hors saison provenant de la Colombie-Britannique. Par contre, en pleine saison de récolte de fruits et légumes d’ici, comme les bleuets, les framboises, les fraises, je proteste contre le fait que ceux-ci peinent à se rendre jusque dans nos épiceries. (…)

On parle de libre-échange à la grandeur de la planète, mais nous sommes incapables de vendre certains produits carnés ou alcools à nos voisins de l’Ontario. Il en est ainsi également de certains fromages, pour lesquels la porte est fermée.

La plupart des décisions d’achat proviennent de l’extérieur du Québec et comportent des tas de contraintes pour les petits artisans, comme des ristournes, des reprises, des livraisons garanties, etc. On ne favorise en rien le développement de l’agriculture locale de cette façon (…)

Mieux comprendre et participer au dialogue de la terre fait désormais partie de nos motivations. On veut savoir qui a cultivé nos fruits et légumes, d’où viennent la viande et la volaille que l’on mange, et surtout dans quelles conditions les bêtes ont été élevées.»

Aussi ces quatre textes de Caroline Montpetit, qui sont regroupés dans un remarquable double-page dans la version imprimée du journal:

La banque de terres: un terreau fertile pour pallier le vieillissement des agriculteurs

Objectif terre

De la broue et du brou

Des insectes et des hommes

Je signale, en complément, le remarquable site Web de la Banque de terres.

Banque de terres — des paysages aux paysans

 

L’état de notre démocratie

Contre tous les Trump, sus à la procrastination! | Fabrice Vil | Le Devoir

J’apporterais personnellement quelques nuances à certains des propos de l’auteur de ce texte d’opinion mais il reste, dans l’ensemble, assez juste — et important.

«Une éducation de qualité pour tous favorise le développement de la pensée critique nécessaire pour juger de la qualité d’un projet de société et mettre en question le bien-fondé des idées proposées par nos leaders. C’est cette éducation qui développe chez l’individu les habiletés non cognitives, dont l’empathie, qui évitent de céder à la tentation de la haine et de la peur de l’autre. C’est cette éducation qui incite à participer à la chose publique. En bref, c’est elle qui permet la véritable démocratie. (…)

Une Éducation avec un grand « E », dirais-je. Celle-ci requiert des choix difficiles et complexes qui impliquent notamment les établissements scolaires, bien sûr, mais qui appellent aussi à la contribution de l’ensemble de la société.»

 

Le complotiste | Jean-Marc Salvet | Le Soleil

«Les forts en gueule font souvent davantage leur place dans les médias que les forts en sens. Beaucoup des forts en sens restent malheureusement dans l’anonymat. Beaucoup des forts en gueule finissent heureusement par se pendre eux-mêmes avec des mots de trop. Mais ce n’est pas toujours le cas.»

Quel rôle pour les médias — et ceux qui les lisent/consultent/consomment dans cette dynamique où les coups de gueule font vendre bien plus que les nuances? Une réflexion essentielle pour la démocratie. Un enjeux important pour les prochaines années.

J’en profite pour souligner que j’apprécie particulièrement la plume de Jean-Marc Salvet dans son rôle d’éditorialiste.

 

Le développement de la ville de Québec

L’ancien Omer DeSerres dérange dans Saint-Roch | David Rémillard | Le Soleil

«…un bâtiment à moitié démoli (…) à l’angle des rues Caron et Sainte-Hélène. Outre le squattage qui s’y déroule et les odeurs d’humidité qui s’y rattachent, les voisins le trouvent surtout très laid et demandent à la Ville d’intervenir. (…)

À la Ville de Québec, un porte-parole a indiqué qu’il était impossible d’imposer la démolition du bâtiment. La réglementation se limiterait au clôturage.»

Je ne comprends pas qu’il ne soit pas possible d’exiger une démolition dans le cas comme celui-là. Et, à l’inverse, il semble que les sanctions associées à la démolition d’un immeuble sans autorisation préalables sont dérisoires. Cela contribuerait d’ailleurs à amplifier certains inconvénients liés à la densification de certains quartiers parce que des promoteurs achèteraient parfois des maisons pour les jeter par terre avant même d’avoir obtenu les permis pour reconstruire. À vérifier/documenter.

***

Je retiens en terminant une très belle citation de Bernice Jonhson Reagon, lue dans la conclusion d’un texte qui porte sur l’importance du logiciel libre.

Un autre monde numérique est possible | Boris Proulx | Le Devoir

«Si vous êtes trop à l’aise dans une coalition, c’est que ce n’est pas une coalition assez large !»

Je trouve que ça résume remarquablement bien ce qu’on semble avoir de plus en plus de difficulté à faire au Québec — et qui est pourtant tellement déterminant pour accomplir de grands desseins!

La librairie selon Heather Reisman

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Une amie a porté à mon attention une très intéressante entrevue que la présidente de Indigo, a accordée à MarketingMag.

Il y a bien sûr de nombreuses évidences, plusieurs nuances manquantes et un peu de complaisance à l’égard de la chaîne de librairies à qui on a souvent reproché de tout broyer sur son passage. Il n’en reste pas moins plusieurs idées stimulantes.

Heather Reisman on Reimagining the 21st Century Bookstore

Je retiens particulièrement sa définition de la librairie:

A book lover’s cultural department store.

Et ce que cela signifie, plus concrètement:

We think of Indigo like a magazine. We put out nine “issues” a year—that is, the store turns over nine times per year.

Aussi sa conclusion, que je trouve adorable.

I would love to have coding classes for kids and flower shops. They go together much more than you realize.

L’explication de ce qui a motivé Indigo à se départir de Kobo, il y a quelques années, est également intéressante.

Un témoignage utile

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Je me suis accordé quelques jours pour décanter la lecture du livre de Dominique Lebel. Je voulais prendre le temps de réfléchir un peu avant formuler un commentaire à son sujet, parce que ça n’a pas été une lecture facile. C’est très bien écrit, mais c’est un peu douloureux.

Dans l’intimité du pouvoir — journal politique 2012-2014 | Boréal | 2016

Je sais que certains personnes déplorent la publication de ce livre, qui présente un point de vue unique, avec relativement peu de recul sur des événements aussi intenses que récents. Je pense qu’elles ont tort. C’est un livre qui fait oeuvre utile, en permettant notamment de mieux comprendre le contexte dans lequel s’exerce le pouvoir… et certaines des erreurs qui ont certainement contribué au terrible échec électoral du 7 avril 2014. Il ne s’agit pas tant de dénoncer, de s’apitoyer sur notre sort, et encore moins de chercher des coupables pour ce qui n’a pas fonctionné, mais de comprendre un peu mieux. Simplement.

Dominique Lebel assume complètement, d’entrée de jeu, sa position d’auteur:

« Tout au long de mon parcours avec Pauline Marois, j’ai consigné des faits, des impressions, des dialogues dans de petits carnets noirs. Ces carnets me permettent aujourd’hui de livrer un témoignage qui, bien qu’imparfait, constitue un récit personnel, intime, unique de la réalité du pouvoir. (…)

Si je publie celles-ci aujourd’hui, c’est que j’ai le sentiment qu’elles donneront un nouvel éclairage, un point de vue inédit sur ce gouvernement Marois qui n’a laissé personne indifférent. »

Il évite d’ailleurs assez bien de juger les événements ou d’en suggérer une interprétation trop étroite — y compris à la toute fin du livre, qui n’offre pas de conclusion. Au lecteur de s’en faire une idée. Ce que je fais d’ailleurs en publiant ces quelques notes.

Je passerai par-dessus les quelques anecdotes au sujets des uns et des autres. Elles ne sont pas sans intérêt (ne serait-ce que pour bien marquer la dimension profondément humaine de la politique), mais elles ont moins suscité mon attention que certains passages qui témoignent de quelques défis que le Parti québécois n’a pas encore fini de relever. Exemples:

«Quel est notre stratégie pour la capitale nationale? (…) comment faire en sorte que tous les ministres soient conscients des besoins de la capitale?» (16 octobre 2012)

«Parfois, en politique, à trop vouloir faire de la stratégie, on perd l’essentiel du message.» (12 avril 2013)

« …la peur d’un référendum explique en bonne partie les résultats médiocres du Parti québécois de 2012 » (Nicole Stafford, 20 août 2013)

« …nos stratégies auprès des jeunes ne fonctionnent pas. » (Nicole Stafford, 28 janvier 2014)

Ou, plus généralement:

«Le Parti québécois n’a jamais pris la mesure des conséquences de la défaite référendaire de 1995. Ni de la nature du gouvernement fédéral de Stephen Harper. Ni de la demi-victoire de 2012. Ni de l’évolution de la jeunesse québécoise. Le gouvernement n’a pas véritablement pris acte de son statut minoritaire. Il a défié constamment les partis d’opposition. [Il] n’a pas cherché à faire de compromis. Sur la langue, sur la laïcité, sur les finances publiques…» (6 avril 2014)

Aussi, sur le contexte dans lequel s’exerce maintenant la démocratie, que ça nous plaise ou non:

«Je n’ai jamais vu une campagne aussi sale. Les médias sociaux ont changé la donne…» (Anne-Marie Dussault, 3 avril 2014)

Et finalement, sur quelque chose qu’il ne faudra jamais plus croire/prétendre:

« Il faut faire comprendre très clairement que c’est le Parti québécois ou le Parti libéral. Le message à véhiculer auprès des progressistes est le suivant: le réel danger, c’est que les libéraux reviennent au pouvoir. » (19 juin 2013)

L’alternance n’existe plus. C’est seulement en formulant des propositions stimulantes et qui sauront rallier la population que nous pourrons gagner à nouveau. Pas en misant simplement sur l’échec de nos adversaires.

* * *

Le livre m’a aussi rappelé des souvenirs plus personnels, comme ma première rencontre avec Dominique, le 12 mars 2014 — en pleine campagne électorale, alors que j’étais candidat dans la circonscription de Jean-Talon. Un contact qui avait été particulièrement minimaliste (à peine quelques mots échangés) et qui m’avait déjà laissé avec l’impression d’une campagne qui roulait en fonction des revers médiatiques au lieu de se nourrir des échos que les candidats pouvaient rapporter du terrain.

Le témoignage que Dominique Lebel nous offre dans ce livre m’a bien sûr permis de mieux comprendre le contexte de cette rencontre et les défis qui lui occupaient vraisemblablement l’esprit. Cela reste néanmoins, pour moi, un souvenir concret de cette fameuse bulle qui isole, trop souvent, les politiciens.

C’est un livre dont je recommande la lecture à tous ceux et celles qui s’intéressent à la politique et aux défis que cela représente de faire grandir les idées et les idéaux à travers les exigences de l’exercice du pouvoir.

* * *

Finalement, et de façon plus anecdotique, je signale deux passages qui trouvent un échos tout particulier dans l’actualité des dernières semaines.

« [le secrétaire général de l’OCDE, ex-ministre des Finances du Mexique] échange avec Lisée sur la fin prévisible des paradis fiscaux (…) C’est inévitable. L’enjeu est d’étirer le temps, mais à terme les États savent que ce n’est pas soutenable. Une fois que les grandes puissances le décideront, ça s’arrêtera.» (10 juin 2013)

« Je lunche dans un restaurant St-Hubert… avec le président et fondateur de St-Hubert. Je découvre un homme totalement engagé dans son entreprise. En le quittant, je m’interroge sur l’avenir de celle-ci. Il ne semble pas être dans une logique de transfert intergénérationnel. Une situation qui allume toujours un feu orange dans ma tête.» (14 janvier 2014)

Comme quoi les événements prennent parfois forme bien avant de devenir le sujet du jour.

Wikipédia et le Québec

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Dans Le Devoir d’aujourd’hui, Jacques Dufresne, éditeur de l’Encyclopédie de l’Agora revient sur un texte publié par Pierre Graveline la semaine dernière (j’y avais d’ailleurs fait référence dans un billet précédent).

Extrait du texte de Pierre Graveline:

Le Québec, parent pauvre de Wikipédia | Pierre Graveline | Le Devoir | 22 janvier 2016

…triste constat: le Québec est le parent pauvre de la grande encyclopédie universelle, multilingue et sans but lucratif de notre époque. […] Accroître et enrichir les contenus sur le Québec et son histoire dans Wikipédia, rendre disponibles dans Wikisource nos grands textes historiques et littéraires qui sont du domaine public, diffuser dans Wikimedia Commons des contenus visuels qui expriment la créativité de nos artistes, voilà le grand défi que nous devons aujourd’hui relever si nous voulons exister et être reconnus dans le monde.  

Extrait de la réaction de Jacques Dufresne:

Wikipédia et l’histoire du Québec | Jacques Dufresne | Le Devoir | 26 janvier 2016

…quel peut être, sur le plan culturel, le meilleur outil d’un empire mondial comme celui de nos voisins du sud ? Une oeuvre commune dans laquelle tous les citoyens du monde se retrouvent et se reconnaissent en tant qu’individus, mais à condition d’être complices d’une mise à l’écart de tout sentiment d’appartenance à des groupes nationaux et idéologiques. […] un réseau mondial d’encyclopédies nationales était et demeure possible. Il y eut des démarches en ce sens. Vaines démarches, car la plupart des nations avaient déjà renoncé à leur souveraineté. […] Sommes-nous donc aujourd’hui pauvres et impuissants au point de devoir recourir à ces Américains pour nous élever jusqu’à notre Je me souviens?

Je précise d’entrée de jeu que je suis extrêmement admiratif et reconnaissant pour l’incroyable travail d’encyclopédiste que Jacques Dufresne et ses nombreux collaborateurs accomplissent depuis des années. L’Agora est un site unique — absolument indispensable à la présence québécoise sur le Web.

Néanmoins, je pense qu’il fait une erreur en prenant position comme il le fait ce matin. Il tombe dans le piège classique de croire qu’il faudrait faire une chose ou l’autre, alors qu’il faut faire l’une et l’autre.

Le fonctionnement du Web, et de la société qui prend forme autour de cette révolution n’est plus si centralisé qu’il faudrait mettre tous ses oeufs dans le même panier. Il faut, au contraire, s’inscrire dans une logique plus écosystémique que jamais, où les rôles sont plus distribués et complémentaires — pour le meilleur et pour le pire.

On ne peut tout simplement pas se permettre que la réalité québécoise reste absente de Wikipédia. Pierre Graveline a raison de sonner l’alarme. C’est un incontournable défi pour la nation québécoise — aussi indispensable que bien des revendications politiques et constitutionnelles.

Bien sûr que le fonctionnement de Wikipédia n’est pas politiquement neutre. Bien sûr qu’on a aussi besoin d’encyclopédies nationales, moins neutres et soi-disant objectives. Et si on organise bien les choses et qu’on comprend le fonctionnement du Web, celles-ci pourront aussi profiter de l’existence de Wikipédia et de l’incroyable audience qu’elle s’est bâtie au fil des ans.

Je ne me reconnais absolument pas dans la résignation béate que Jacques Dufresne semble prêter aux utilisateurs et collaborateurs de Wikipédia.

Je n’en peux plus des vertueux discours d’autonomie culturelle qui ont surtout pour effet d’isoler la société québécoise.

 

 

 

 

 

 

 

 

Une vision partagée de l’histoire?

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Je lis le plaidoyer de Ghislain Picard en faveur d’une réforme de l’enseignement de l’histoire et cela me rappelle le projet d’édition qui m’a le plus impressionné pendant mon séjour en France — de 2005 à 2008.

Je me souviens d’avoir été au lancement du Manuel d’histoire commun franco-allemand (sur Wikipedia |sur le site de Nathan) — qui était résultat d’une initiative pour créer une vision commune aux deux nations sur l’état actuel des connaissances relatives à l’histoire européenne depuis l’Antiquité. Un projet dont l’ambition (et le processus de réalisation) m’avait impressionné au plus haut point. Faire le pari de développer une version partagée de l’histoire — entre deux peuples qui se sont affrontés à maintes reprises et notamment dans deux guerres mondiales, encore récentes: incroyable!

Je me souviens de m’être demandé pendant le lancement s’il serait un jour possible de publier au Québec un manuel d’histoire présentant une vision partagée de l’histoire des francophones, anglophones et autochtones de notre coin du monde… et de m’être répondu, non sans une certaine tristesse: probablement pas. Sans trop savoir pourquoi, d’ailleurs…

Mais au fond, pourquoi pas?

Pierre frontalière

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« Ils ramassèrent cette pierre calcaire aux environs du Tennessee. Sur une distance de plus de trois kilomètres, de telles pierres éclatées, traversées d’une ligne blanche, marquaient de leur pointillé naturel l’emplacement exact où les astronomes devaient tracer la frontière ».

La lecture de Wigrum, de Daniel Canty, m’a envouté. Quelle intelligence, quelle imagination, quelle écriture! J’ai adoré.

La description des objets rassemblés par Sebastian Wigrum, le collectionneur ordinaire, est fascinante à bien des égards. C’est d’une (belle) folie…

La pierre frontalière de la page 131 m’a rappelé le caillou rapporté de la Gaspésie la semaine dernière. De la plage de Mont-Louis, si je me souviens bien. À deux pas de chez les Atkins.

Je n’y avais vu qu’un caillou — Sebastian Wigrum beaucoup plus.

Ça m’a ramené à la mémoire une note prise dans mon journal personnel (écrire sans être lu? Quelle idée à l’ère des réseaux sociaux!). C’est en date du 30 juin 2013:

Je me souviens d’avoir lu il y a quelques années une histoire sur une dame qui achetait des objets, leur inventait une histoire et les revendait plus cher.

Ça me fait penser à Si les objets pouvaient parler.

Ça me fait penser à l’Autobiographie des objets de François Bon.

Ça me donne le goût d’inventer des histoires d’objets cet été. Une par jour? Ce serait un beau défi d’écriture.

Un musée imaginaire estival. Un objet par jour, des descriptions qui s’ajoutent. On se met à quelques-uns et on propose les objets à tour de rôle?

Il n’y a pas (encore) eu de suite à cette idée…

« Mais parfois, quand je me retourne vers les objets qui m’entourent, je reconnais quelques fragments de la collection, comme si elle m’avait de tout temps accompagné. »

— Daniel Canty

À la recherche du temps perdu

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Deux articles à lire dans Le Soleil de ce matin, sous la plume de François Bourque: À la recherche du temps perdu et Cinq pistes pour mieux organiser le temps à Québec.

Au cœur de ces deux articles, une idée: la création d’un Bureau des temps, afin de réduire la pression sur les infrastructures publiques — routières, notamment.

Je suis content de voir que cette idée fait son chemin, lentement mais sûrement, jusqu’en Amérique du Nord… J’y avait fait référence sur mon blogue en décembre 2004, à la suite d’un texte de François Cardinal, dans La Presse.

François Bourque dit dans son texte que c’est une idée qui a été créée en Italie dans les années 90 sous l’impulsion des mouvements féministes. Ma perception est que c’est une idée qui a aussi (surtout?) été portée par plusieurs membres de l’Association internationale des villes éducatrices (ce que j’appelle pour ma part le mouvement des cités éducatives) — dont Rennes, citée en exemple par François Bourque, est un membre très actif (Québec est aussi membre — et voir la liste des membres).

Je profite de l’occasion pour signaler que la Banque internationales de documents des villes éducatrices est un extraordinaire recueil de projets socio-culturels-éducatifs — de l’inspiration à l’état pur.

Exemples: les projets présentés par la ville de Rennes (voir le #12 pour le Bureau des temps) et ceux de la ville de Turin (voir le #2 pour le projet Rythmes et horaire de la ville).

Je m’amuse en pensant que j’ai parlé des bureaux des temps en réponse à un sondage de la Chambre de Commerce de Québec, dans le cadre de la campagne électorale. Je m’étais dit en répondant « ça a beau être anonyme, ils vont sûrement deviner que c’est moi qui propose ça et me trouver une fois de plus un peu excentrique »… et voilà que l’idée se retrouve sur leur table de cuisine ce matin! :-)

Photo: fragment de Réveils, de Arman 1960. Oeuvre vue à Chicago.

Lecture au sujet des valeurs

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En complément de la très agréable lecture de Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson (merci Florent!) — et pour alimenter une réflexion personnelle sur les valeurs qui me guident (dans un contexte où les valeurs sont omniprésentes dans l’actualité) — j’ai lu ce soir quatre textes dont je souhaite garder ici une trace. Pour référence ultérieure.

1. Parle-moi de tes valeurs et je te dirai… (2004)

Une entrevue avec Claude Paquette

2. La troublante montée de l’intégrisme (1996)

Une réflexion de Claude Paquette

3. Valeurs d’ici et valeurs islamiques / La collision est-elle évitable? (2006)

Texte de Claude Paquette paru dans le collectif Québécois et musulmans main dans la main pour la paix (Lanctôt Éditeur)

4. Seven Acupuncture Points for Shifting Capitalism to Create a Regenerative Ecosystem Economy (2010)

Texte de Otto Scharmer, qui m’a été suggéré par Jean-Sébastien Bouchard.

Trois textes de Claude Paquette, donc, l’auteur de Des idées d’avenir pour un monde qui vascille, publié en 1991, auquel j’avais brièvement fait référence ici il y a un peu plus d’un an, au sujet du besoin de nouvelles formes de leadership.

J’y reviendrai certainement.

Voyages imaginaires

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« If the world had not been entirely discovered yet, I would probably have become an explorer and would have travelled to the most remote places. The way it is now, when the world is nearly all accessible, I have no other choice than to stay at home and to write. Reality really is overestimated. »

Judith Schalansky

Judith Schalansky est l’auteure de l‘Atlas of Remote Islands. Un livre qui a pour sous-titre Fifty Islands I Have Not Visited and Never Will. Un livre absolument fascinant si je me fie à tout ce que j’ai pu lire à son sujet un peu partout sur le Web… après l’avoir découvert dans The Island Review, grâce à je ne sais quel hasard des réseaux sociaux.

Au sujet de sa manière d’écrire, telle que décrite par Spectator:

Judith Schalansky has chosen to incubate the minds of people who map islands. Curled up behind their eyeballs, she has let herself be carried around the globe from Lonely island in the Arctic to Deception in the Antarctic. Although she travels like Jules Verne, she describes each lonely deceptive landfall like Jorge Luis Borges.

Au sujet de sa perspective sur les îles, dans ses propres mots, rapportés par National Geographic:

The absurdity of reality is lost on the large land masses, but here on the islands, it is writ large. An island offers a stage: everything that happens on it is practically forced to turn into a story, into a chamber piece in the middle of nowhere, into the stuff of literature. What is unique about these tales is that fact and fiction can no longer be separated: fact is fictionalized and fiction is turned into fact.

Ça m’a évidemment rappelé la lecture de Comment parler des lieux où l’on n’a pas été?, de Pierre Bayard, auquel j’avais fait référence en janvier 2012.

Ça m’a aussi donné le goût de tenter un exercice d’écriture cet été…

…m’installer un après-midi dans un endroit que je connais bien pour écrire deux textes: un pour décrire ce lieu, et un autre pour décrire un endroit que je ne connais pas… où se trouverait quelqu’un d’autre, qui ferait le même exercice, décrivant le lieu où il se trouve, et celui où je serai — qu’il n’aurait jamais visité. Après une heure ou deux, s’échanger nos textes, comparer, annoter, partager.

Reste à trouver lieux et complice.

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P.S. Gilles Herman porte à mon attention une traduction française de l’Atlas, publiée par Arthaud.